Mots Tordus et Bulles Carrées

November (Matt Fraction / Elsa Charretier / Matt Hollingsworth)

Dee est paumée. 
Socialement instable et souffrant d’un léger handicap, elle ne cesse de lutter contre une vie qui déraille. 
Alors, quand un inconnu lui propose un boulot payé cash où elle n’aura qu’à décoder un simple message pour le radiodiffuser, elle n’hésite pas longtemps et accepte l’offre. 

Elle sait que cette affaire pue l’embrouille mais une seule question se pose véritablement : que se passera-t-il le jour où il n’y aura pas de code à transmettre ? 

La carrière de Matt Fraction

Matt Fraction s’est fait remarqué avec Casanova, un titre ovni, complètement barré, co-créé avec Gabriel Bà.
Sur cette série, il s’amusait à dynamiter les codes narratifs, quitte à perdre ses lecteurs dans les méandres de son récit. 

Le succès étant au rendez-vous, il déboule chez Marvel et travaille sur Iron Fist (en collaboration avec Ed Brubaker et David Aja entre autres) puis Hawkeye (encore avec David Aja). 
Sur Hawkeye, il continue son exploration des récits à tiroirs (en devenant cette fois-ci beaucoup plus accessible).

Puis, comme beaucoup de scénaristes, happé par le mainstream, il se perd dans des projets sans intérêt et traverse une petite voie du désert. 

November : Un retour gagnant sous le signe du polar

Une scène d’introduction à la Tarentino

Sur November, en collaboration avec Elsa Charretier ( de retour chez Image Comics et édité par Sarbacane dans nos contrées), il se frotte au polar dans la plus pure tradition américaine, avec son lot de personnages cyniques et de situations qui dégénèrent. 

Matt Fraction est un habitué de la déconstruction.
Il sait attiser la curiosité du lecteur en dévoilant petit à petit toutes les pièces du puzzle qu’il est en train de fabriquer. 
La tension monte crescendo et les variations de points de vue donnent du rythme à une intrigue qui n’en manque aucunement.
L’auteur a su retrouver un ton « serial » et multiplie les coups de pression et les cliffs de fin de chapitre.

Si l’intrigue reste classique, elle se démarque par ce croisement entre 4 personnages liés par une seule et même affaire.
Une affaire qui pourrait bien leur coûter la vie.

opposition de style

Des personnages aux multiples facettes

Au départ, on suit le parcours déjà bien chaotique de Dee.
Puis l’intrigue s’étoffe et met en parallèle deux autres destinées : celle d’Emma Rose, simple passante qui tombe sur une arme à feu égarée et Kowalski, la flic enterrée dans un centre d’appel qui lui répond.
Toutes liées, elles vont apporter leurs pierres à un édifice qui va prendre de plus en plus d’ampleur. 

Si November possède un ton et un rythme qui tient en haleine le lecteur, il ne faudrait pas oublier l’importance de ces 3 femmes.
3 femmes qui n’ont rien en commun et qui ne se seraient jamais rencontrées sans cette affaire.

Dee est sans doute la plus fragile.
Cocaïnomane au passé tragique, elle ne se pose pas vraiment de question quand l’occasion de se faire de l’argent facile s’offre à elle.
La rédemption est un chemin bourré d’embuche vers lequel elle ne semble pas vouloir se diriger.
Kowalski semble quelqu’un d’honnête mais son alcoolisme cache un mal-être profond.
Ancienne flic, elle profite de cette affaire pour redorer son blason.
Même si cela doit lui couter sa vie maritale… voire plus.
Emma est une simple citoyenne qui aspire à une vie tranquille. Elle est juste là au mauvais moment, au mauvais endroit. Est-ce que cela en fait quelqu’un de faible ?

Matt Fraction, avec ces 3 figures féminines, propose une variation complexe et subtile autour de la nature humaine.

Suspense et tension dans November

Une frenchie sur November

Des souvenirs colorés

Repérée grâce au succès de The Infinite Loop, co-créé avec Pierrick Colinet et édité par IDW, Elsa Charretier est une des rares dessinatrices françaises à réussir une carrière dans le comics US.
La filiation avec Darwyn Cooke, qu’elle assume pleinement, saute aux yeux.
Les cadrages, les jeux d’ombres, l’atmosphère (parfaitement retranscrite par les couleurs minimalistes de Matt hollingsworth) nous happent et nous transportent jusqu’aux dernières pages du livre. 

En résumé

Les meilleurs comics sont souvent le fruit d'un travail en équipe. 
C'est le cas avec November : un scénario aux multiples points de vue, mis en page par un dessin inspiré et une couleur accentuant une atmosphère déjà bien pesante.

Le résultat de cette orchestration graphique donne un polar américain solide et sombre qui montre la nature humaine dans ce qu'elle a de meilleur et de pire. 

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Bulles Carrées

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