A(ni)mal (Cecile Alix)

Depuis « Willy » de Marie Sellier, je n’avais pas lu de roman jeunesse dont le personnage central soit un migrant. En suivant le récit bouleversant d’A(ni)mal de Cécile Alix, j’ai découvert la fragilité et la force d’un être sans nom… et l’une des autrices jeunesse les plus marquantes de ces 10 dernières années.

Une traversée au long cours

J’ai d’abord été attirée par la couverture colorée du roman de Cécile Alix aux éditions Slalom (dessinée par Juliette Maroni) et par son titre énigmatique : A(NI)MAL.

Les yeux dans les feuillages m’ont fait penser à certains tableaux du douanier Rousseau et particulièrement au regard de « la Charmeuse de serpents ».
L’embarcation malmenée par les flots, presque montagneux, à « la grande Vague de Kanagawa » d’Hokusai.

Comme le suggérait le titre, le personnage semblait « entre parenthèses », caché et seul.

Deux dédicaces préliminaires de Victor Hugo et André Suarès ont ensuite résonné : « Instinct, pensée, esprit, bête » seraient des mots-clés.
L’animal en nous, celui qui surgit dans les situations extrêmes, nous permet de survivre mais au prix de notre humanité ; celui qui anime parfois les foules qui rugissent mais ne pensent pas.

Et en effet, le roman de Cécile Alix est le récit d’une traversée au long cours. Celle d’un enfant de 15 ans, vivant dans un pays non identifié mais en guerre et soumis à des lois religieuses et brutales. Un enfant à qui on donne un nom – Miran – et la charge d’être un homme.

Il est le dernier d’une famille.
Le père a été tué car opposant au régime.
Les deux frères ont péri lors de leur traversée de la mer qui devait leur permettre d’accéder en Europe.
La mère sacrifie tout pour qu’il puisse vivre en paix en France, ce pays idéalisé des droits de l’homme.

Une lecture qui réconcilie avec l’humain

Miran, contre son gré, lutte pour être à la hauteur de cet héritage familial. Son voyage est brutal : on vit avec lui le trajet avec/contre les passeurs qui font perdre leur humanité, la mort au quotidien, l’arrivée en Europe et la solitude de l’étranger menacé d’être pris et renvoyé dans son pays à chaque instant.

Les rencontres aussi. Celles qui détruisent et celles qui réchauffent. Celles qui déchirent l’esprit et révèlent ce que l’humain a de plus sombre et celles qui tiennent allumé l’espoir fragile.

La langue de Cécile Alix est belle, brute parfois, poétique souvent. La voix de Miran est un flux de conscience au présent et nous embarque au plus profond de l’âme de son personnage, dans ses méandres et dans ses doutes, dans ses joies simples et ses inquiétudes permanentes. Avec ses morts aussi, qui l’entourent et l’encouragent à aller jusqu’au bout. A retrouver une place dans ce monde. Une identité aussi.

Dans une lettre à ses lecteurs, Cécile Alix lie notre lecture à l’odyssée de son personnage : « En partant de l’expérience individuelle de Miran, en mêlant le poétique à l’indicible, j’ai essayé de m’ouvrir à une réflexion plus large sur l’humain. Pour que ce héros sans nom, sans genre, sans patrie, devienne le reflet de chacun de nous. Et que sa quête nous ramène à nos propres « migrances » intérieures. » 

Et c’est en effet une lecture qui réconcilie avec l’humain.

L’autrice tient un blog http://homoscribanus.blogspot.com/dans lequel je vous invite à vagabonder.

Pour lire nos chroniques de L’odyssée d’Hakim et Eldorado

(Mots Tordus)

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