Blancaflor (Nadja Spiegelman / Sergio Garcia Sanchez)

Blancaflor est la fille ainée d’une famille d’ogres.
Jalousée par ses soeurs pour ses pouvoirs magiques, elle essaie d’ignorer les crises de colère d’un père cruel dont le pêché mignon est un jeu terrible : les trois de l’ogre.
Ce défi lancé aux princes n’a qu’un seul but : les voir finir dans sa gamelle.

Mais cette foi-ci, les choses pourraient bien changer car Blancaflor est tombée sous le charme du dernier prince venu affronter le paternel.

Un conte aux thématiques modernisées

Il ne faut pas déranger l’ogre qui lit

Blancaflor de Nadja Spiegelman, qui n’est autre que la fille d’Art Spiegelman, auteur de Maus, est la réécriture d’un conte traditionnel sud-américain.
Tous les codes sont là : la jeune fille rêveuse contrainte de cacher sa véritable nature, la famille contraignante voire brutale et le prince venu libérer la « princesse ».

À un détail près : Blancaflor est loin d’être le genre de princesse que l’on vient délivrer.
Certes, elle est un peu à part dans cette famille mais au fond, elle n’est pas vraiment maltraitée.
Son père s’amuse à manger les princes mais jusque là , cela ne dérangeait pas vraiment la jeune fille.
Du moins jusqu’à ce qu’elle tombe sous le charme d’un de ces prince.
Comme si l’amour lui avait ouvert les yeux sur les horreurs que pouvait commettre son père.

C’est par ce biais que l’autrice détourne astucieusement l’esprit classique de ce conte.
Le prince, pas vraiment un grand esprit, passe son aventure à ne s’apercevoir de rien.
Il ne se doute aucunement des pièges tendus par l’ogre et reste persuadé de sa réussite.
S’il en sort victorieux, c’est essentiellement grâce aux interventions magiques de Blancaflor qui n’aura de cesse de lui sauver la mise, quitte à s’attirer les foudres de son père.
Le prince perd son rôle d’homme providentiel et c’est la jeune fille qui endosse celui de l’héroïne portant aide à son soi-disant sauveur.
Courageuse, elle prend le risque de s’opposer à l’autorité parentale qui s’avère assez radicale sur le fond.

Tous ces éléments font de Blancaflor un conte féministe mais aussi anti-patriarcale.
La jeune fille prend son destin en mains et montre qu’elle n’a besoin de personne pour y arriver.

Un dessin hors-norme

Un dessin et une mise en page originales

Cependant, si cet album retient notre attention, c’est aussi pour sa partie graphique.

Que cela soit pour ses couvertures du New-Yorker ou pour ses sublimes illustrations, Sergio Garcia Sãnchez est un auteur qui multiplie les ouvrages allant de la couverture de magazine à l’album jeunesse.
Il a notamment collaboré avec Lewis Trondheim sur les 3 chemins, un album jeunesse sorti chez Delcourt.

Son trait acéré est marqué par des exagérations anatomiques et des explosions graphiques aussi surprenantes que démesurées.
Si les décors peuvent sembler minimalistes, c’est pour laisser une plus grande place à des designs de personnages donnant une identité propre à cet album.
Un dessin qui, par certains côtés, rappelle celui d’auteurs comme Alfred ou Pedrosa.

Sa mise en page, faussement naïve, cache au contraire de véritables trouvailles comme cette poursuite en forêt et l’arrivée au château où certains éléments du décor deviennent des cases.

Si le dessin de l’auteur en surprendra certains, on ne peut qu’apprécier l’originalité de l’ensemble qui rend cette oeuvre remarquable.

En résumé

Derrière son côté traditionnel, Blancaflor de Nadja Spiegelman cache une approche féministe et anti-patriarcale du conte. 

Le style inventif de Sergio Garcia Sãnchez apporte une touche décomplexée à un album qui propose une vision innovante de la sempiternelle histoire de princesse. 

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