Lecture à quat’yeux

Dans les yeux de Mots tordus

J’ai découvert Guillaume Guéraud à travers deux romans dont les personnages étaient de jeunes écorchés vifs : « Je mourrai pas gibier » et « Rien nous appartient« . Quelle surprise donc de retrouver cet auteur à la plume tendre mais acérée associé avec Alfred pour un album jeunesse : « Ma Cabane« .

J’ai tout d’abord été attirée par la lumière et la douceur de la couverture : un jeune garçon, chapeau de paille vissé sur la tête, semble rêver tranquillement, assis près de son chat endormi, au bord de la plateforme de sa cabane perchée en haut d’un grand arbre.

Ce texte est une rêverie : si la cabane a été construite avec les moyens du bord (bois, branchages, fougères et vieux parasol), avec l’aide du grand-père Youri et de la grand-mère Olga, ancrée au coeur d’une forêt, elle devient très vite bien plus qu’une cabane. L’imaginaire du jeune narrateur la métamorphose en navire, en hélicoptère, en palais, en igloo, au gré des aventures qu’il s’invente et vit du haut de son perchoir forestier.

Une cabane pleine de poésie

L’écriture est poétique sans avoir l’air d’y toucher : chaque page tournée crée un nouvel univers, maritime, céleste, solaire, monstrueux (ah ! les tas de zombis !) ou minuscule (ah ! la formule magique qui transforme les martiens et les requins en vers de terre ou en scarabées dorés !).

La langue est simple et belle. C’est celle d’un enfant qui donne vie à des rêves bien plus grands que lui. Un enfant qui n’a pas mis de porte ni de fenêtre à sa cabane : 

« Elle est toujours ouverte. Je ne lui ai pas mis de porte parce que, une porte, c’est trop compliqué à fabriquer. Et puis ça ne sert à rien. Dans un de ses murs, sur le côté, j’ai aussi laissé une ouverture, pour faire comme une fenêtre. Je peux regarder le paysage à travers. Le paysage, c’est juste la forêt. »

On s’y réfugierait bien dans cette cabane, celle de l’enfance, lorsqu’on était tour à tour Robinson, Tom Sawyer ou Mowgli. 

Dans les yeux de Bulles carrées : 

J’ai découvert le travail d’Alfred la première fois sur la Digue en collaboration avec Eric Corbeyran,.
J’ai immédiatement été fasciné par un style graphique original, sorte de Tardi cartoonesque qu’on allait retrouver par la suite sur des séries jeunesses comme Octave (avec son compère David Chauvel). 
Cependant, il serait caricatural de comparer le travail de l’auteur à tel ou tel dessinateur. Celui-ci a tant évolué au fil des planches et des projets auxquels il a participé. 

La rigueur technique de ses premiers récits laisse la place à un dessin plus spontané, plus vif.
À partir du poignant Pourquoi j’ai tué Pierre ! d’Olivier Ka, cette variation de style l’emmène vers des ouvrages aux thématiques plus adultes. 

A partir de là, il n’est guère étonnant de le voir collaborer avec Guillaume Guéraud, pour qui il avait déjà adapté un de ses romans Je ne mourrais pas gibier.
Cependant, ils ne sont pas là où on les attend. Ils surprennent avec un album tout en douceur et en couleurs. 

une cabane fantasmagorique et colorée

Illustrant, en pleine page, les écrits de l’auteur, Alfred nous propose des dessins de toute beauté. 
Sous les traits du dessinateur, la cabane de l’enfant prend vie.
La cabane est minuscule et laisse la place à un environnement changeant qui reflète l’imagination débordante des enfants de cet âge. 

A noter une palette de couleurs sublime, éclatante, parfois orangée, comme l’arbre où trône la cabane. D’autres fois, bleutée ou blanche, pour suivre les saisons qui passent en même temps que l’on tourne les pages de cet album. 

En résumé

Le dessin d'Alfred est un pur ravissement pour les yeux mais surtout il illustre et fait parfaitement écho au texte de Guillaume Guéraud. 
Nul doute que vous (re)trouverez un petit coin à vous dans cette cabane. C'est un appel à l'aventure et à l'imagination sans limites ! 

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