Stephen Strange, plus connu sous le nom de Docteur Strange, se réveille dans un environnement mystérieux.
Sans le moindre souvenir, il explore ce nouveau monde dans l’espoir de retrouver le chemin vers sa réalité.
Au fil de ce voyage mystique, il se remémore la visite d’une être divine enceinte.
Cette dernière lui propose un défi qu’il ne peut refuser.
L’art du mysticisme
Docteur Strange : Fall Sunrise de Tradd Moore n’est franchement pas un récit consensuel.
C’est une qualité certaine, même si pour cela il prend le risque de décontenancer une partie de son lectorat.
Si Docteur Strange a le vent en poupe ces derniers temps, Tradd Moore n’a pas choisi ce personnage au hasard.
En effet, l’univers du sorcier suprême offre de multiples possibilités, permettant les délires les plus fous.
En cela, l’auteur respecte parfaitement la tradition d’une série se frottant régulièrement au mysticisme.
Et Tradd Moore plonge littéralement dedans.
Il est difficile de parler du récit sans vraiment le déflorer.
Tout comme Stephen Strange, on est complètement perdu dans cet univers et on suit les pas du sorcier sans forcément comprendre ce qui lui (nous) arrive.
À peine le temps de retrouver ses marques qu’il affronte de coriaces adversaires l’amenant petit à petit à des souvenirs tout aussi mystérieux.
Tout est nouveau dans le récit de Tradd Moore.
En effet, il ne s’appuie aucunement sur des personnages existants et crée une cosmologie aux étranges contours.
C’est aussi cela qui désarçonne. On n’a aucun repère sur lesquels nous appuyer, hormis le Docteur lui-même.
Si l’oeuvre est auto-contenue, elle n’est pas pour autant facile d’accès.
Sa lecture nous demande un certain investissement, nous obligeant à entrer dans une histoire dont on ne comprend pas tous les tenants et les aboutissants.
Cette sensation, qui n’est pas désagréable, s’agrémente d’un rythme intense autant par les actes de bravoures que les récitatifs grandiloquents.
Personnellement, j’ai été happé par la proposition de Tradd Moore.
Il faudra sans doute une ou plusieurs relectures pour en saisir toutes les subtilités mais on reste chamboulé par cette inventivité hors du commun.
Un dessin à consommer sans modération
J’ai découvert Tradd Moore sur Luther Store, avec son compère Justin Jordan.
Son style était diffèrent mais cette extrême violence cartoonesque laissait perplexe.
En arrivant chez Marvel, cette sensation ne s’est pas améliorée, loin de là.
Les spécificités de son dessin ne correspondaient pas totalement à l’universalité des super-héros américains.
Son excentricité sonnait faux même si, avec le recul, certaines de ses covers démontraient, de ma part, une terrible erreur de jugement.
Le tournant est arrivé avec Silver Surfer : Black en collaboration avec Donny Cates.
Sa vision correspondait au Surfer et à des environnements cosmiques déjà mystiques.
Les digressions anatomiques, le côté malléable de ses personnages, les décors surréalistes, tout semblait l’amener vers le Docteur Strange.
Il ne faudrait pas s’arrêter au choix plus que contestable de couverture.
On est d’accord, elle ne donne pas envie.
Et surtout, elle n’est absolument pas révélatrice de la qualité des pages intérieures, ce qui est un comble.
Dans les faits, on retrouve toutes les caractéristiques du style de Tradd Moore mais en plus extrême.
Sa mise en page est explosive, les décors foisonnent de détails et ses designs montrent un attachement pour une forme d’irréalité constante.
Cette puissance graphique est littéralement mise au service du scénario lui donnant souffle et grandeur.
Chaque case fait preuve d’une prouesse graphique hors norme, laissant souvent sans voix.
Certes, il y a aussi beaucoup d’excès dans le travail de Tradd Moore.
Et inévitablement, quelques pages souffrent d’un manque de lisibilité atténuant cette fluidité narrative.
De même, le traitement graphique du Docteur Strange souffre d’irrégularités.
Si, dans la majorité des cas, la combinaison fonctionne, quelques fois la radicalité l’emporte sur une forme de cohérence.
Avec Docteur Strange : fall sunrise, Tradd Moore propose une vision très personnelle qu’on ne peut qu’admirer, surtout en comparaison du reste de la production mainstream.
En résumé
Docteur Strange : fall sunrise de Tradd Moore est une oeuvre aussi étrange qu'unique.
À travers un scénario ésotérique, l'auteur nous plonge dans un univers psychédélique à la cosmologie délirante.
Chaque page est un délire hallucinatoire aussi merveilleux que déroutant.
La puissance graphique de Tradd Moore nous en met plein les yeux et renoue avec la tradition des plus grandes histoires de Docteur Strange.
Autant graphiquement que scénaristiquement, l'oeuvre a de quoi désarçonner et risque d'en laisser quelques un.es sur la route.
Personnellement, j'ai pris mon pied comme jamais et j'apprécie de découvrir une proposition nous changeant des multiples récits insipides dont nous gratifie le genre dernièrement.
Preuve que le comics mainstream a encore du souffle.
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