Mots Tordus et Bulles Carrées

Un ennemi du peuple (Javi Rey)

Je dois bien l’avouer, je n’ai pas un grand amour pour les adaptations BDs d’ œuvres littéraires.
Non pas que je les juge médiocres ( la plupart sont mêmes faites avec sérieux ), j’en ai même été un fervent lecteur à une époque.
Mais, depuis quelques années, j’ai l’impression ( peut être à tort ) que les projets se multiplient à foison (notamment dans la BD adulte ) comme s’il fallait cela pour prendre au sérieux ce média pourtant foisonnant. 

Une fois, que j’ai dit ça, vous me trouverez sans doute contradictoire ( et ça risque d’arriver souvent ) mais j’ai adoré un ennemi du peuple, adaptation de la pièce d’Henrik Ibsen par Javi Rey
Bien plus que ça, je trouve même cette lecture nécessaire au vu de l’époque que nous vivons. 
 
Un ennemi du peuple 
Henrik Ibsen 
Acte Sud



 
Tomas Stockmann, médecin généraliste, doit écrire un article légitimant le projet touristique de station thermale qu’il a fondé avec son frère Peter, maire de l’île mais après des tests accablants sur l’eau de la station, il décide de dénoncer ce projet à la population.
Avec l’appui de la presse locale et de l’association des habitants, il se lance dans un combat fratricide en quête de vérité … mais l’opinion est versatile et les convictions peuvent vite chavirer. 
Problème de santé publique, mensonge politique et manipulation de l’opinion, ce récit est d’une grande modernité et pourtant la pièce originale date de 1882.
Et c’est sûrement ce qui a intéressé Javi Rey dans l’adaptation d’un tel brûlot sur nos sociétés démocratiques.
Du politique arriviste, aux associations nombrilistes ou à la presse soi-disant indépendante, tout le monde en prend pour son grade.
Mais avant tout, un ennemi du peuple est une réflexion sur la démocratie, résumée à elle seule par la citation de Winston Churchill 
 
«  la démocratie est le pire des systèmes de gouvernement, à l’exception de tous les autres qui ont pu être expérimentés dans l’histoire. »

Au final, Tomas est le précurseur des lanceurs d’alertes, ceux qui défendent la vérité contre et envers tous ( au détriment de sa vie personnelle et familiale ).
La scène finale du discours enragé du médecin en est d’ailleurs une très bonne évocation et nous renvoie à notre propre responsabilité, en tant que peuple et opinion de masse. 
Et pourtant, le récit n’est pas défaitiste et un peu comme Tomas, je pense que l’éducation est sans doute le meilleur moyen de faire face aux manipulations qui gangrènent nos sociétés.
 
Dans ce sens, je pense qu’une telle œuvre a son intérêt dans un parcours pédagogique.
Si la pièce est avant tout destinée à des lycéens, de par la complexité de son langage et la longueur de la pièce ( ma fille l’a étudiée et jouée en 1ère ), l’adaptation de Javi Rey lui permet d’élargir son lectorat.
Même si ça reste une lecture conséquente ( 157 pages ), les changements ( comme toute adaptation mais je vous rassure, l’oeuvre reste très fidèle ) sont habiles et permettent aux lecteurs une appropriation plus facile.
La narration est parfaitement maîtrisée et la sobriété du dessin accompagnée d’aplats simples mais efficaces, amène un souffle à un récit qui pourrait être suffocant ( ce qu’il n’est absolument pas ).
 
Un ennemi du peuple 
Javi Rey 
Aire Libre / Dupuis

 

Oeuvre intemporelle ou lecture du moment, l’ennemi du peuple est avant tout une adaptation réussie qui nous pousse à la réflexion et d’une certaine façon, à essayer de «  ne plus nous comporter comme des moutons ». 
 
Ps : Pour les plus curieux , un petit teaser de la pièce sur sa forme théâtrale 
 
Bulles carrées 

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