Mots Tordus et Bulles Carrées

Furieuse (Geoffroy Monde/Mathieu Burniat)

Ysabelle est la fille du légendaire roi Arthur.
Mais de la légende, il ne reste plus grand chose.
Saoul du lever au coucher du soleil, le roi décide de marier sa fille à l’affreux baron de Cumbre.
Ni une, ni deux, Ysa suit les pas de son ainée Maxine.
Elle fuit le château en s’emparant de l’épée légendaire de son père avec le consentement de cette dernière.
En effet, elle aussi ne supporte plus le comportement du vieil ivrogne.

Fou de colère en apprenant la disparition de son arme fêtiche, Arthur jette le baron et son serviteur à la poursuite d’Ysa.
Cette dernière va, de son côté, découvrir la cruauté du monde extérieur.

Un duo de fous furieux

Un scénario en osmose avec un dessin complètement dingue

Furieuse est une oeuvre aussi dingue qu’inattendue.
Pas si inattendue quand on connait un peu le travail du duo d’auteurs.

Geoffroy Monde est un auteur aux multiples facettes : dessinateur, peintre numérique et même rappeur.
Il est aussi à l’aise dans le domaine de l’humour absurde que dans celui de la science fiction comme il l’a démontré avec sa dernière série Poussière.
Avec Furieuse, il propose un scénario déjanté, mélange d’action et de fantaisie et qui met une petite claque aux récits légendaires.
Et tout ça avec un humour décapant !

J’ai découvert Mathieu Burniat, il y a plusieurs années sur Shrimp (en collaboration avec Benjamin d’Aoust et Matthieu Donck), une oeuvre qui se démarquait déjà par son ton décalé et son graphisme puissant.
On l’a retrouvé depuis sur des oeuvres didactiques (teintées de fiction) comme Sous Terre (en collaboration avec Marc-André Selosse).
Son style, qui mélange de multiples influences du manga à l’animation, me rappelle à certains égards celui de Guillaume Singelin.
On y retrouve des personnages atypiques, aux visages « simplistes » mais d’une expressivité complètement folle.
Le tout est consolidé par un sens narratif pouvant déboucher sur des scènes d’actions jouissives à souhait.

Furieuse est une première collaboration qui sonne comme une évidence.
Un pur moment de plaisir régressif, drôle et déjanté et bien plus que ça …

Une légende arthurienne joyeusement écorchée

Arthur au bord du gouffre

Furieuse débute par un bref résumé de la légende d’Arthur allant de sa rencontre avec Merlin à sa victoire grâce à son épée légendaire.

De la légende que l’on connaît tous, il ne reste plus grand chose.
Geoffroy Monde la réduit au maximum en laissant tout le folklore des chevaliers de la table ronde de côté.
Ici pas de table, pas de chevalier Lancelot ou autre fée Morgane, même l’épée ne s’appelle pas Excalibur.
D’ailleurs elle ne s’appelle pas tout court.

Et pour ce qui reste de la légende, il faut dire qu’elle en prend un sacré coup.
Arthur n’est plus que l’ombre de lui-même, bourré du matin au soir.
Et franchement, malgré les « raisons » qui peuvent expliquer cet état, on n’a guère de pitié pour le héros déchu.
Et il faut dire, qu’entre son addiction, le rapport assez autoritaire qu’il entretient avec sa fille et un certain égoïsme, Geoffroy Monde s’amuse à ridiculiser l’icône.

D’ailleurs, Arthur ne sera pas le seul à passer sur le grill.
Que ce soit Merlin (sûrement le personnage le plus drôle de la série mais à son insu) ou l’épée, on peut dire que les apparences sont assez trompeuses.

D’ailleurs, l’épée est quasiment le deuxième personnage principal de Furieuse.
Douée de parole et de vie propre, elle est une entité à part entière et son rôle, primordial, dépasse celui de l’arme surpuissante.
Accompagnant Ysabelle dans son voyage, elle sait qu’elle perd ses pouvoirs en s’éloignant de son ancien propriétaire, prenant le risque de ne devenir qu’une vulgaire arme.
Elle tentera ainsi d’intervenir dans les choix d’Ysa en essayant de démontrer son utilité auprès de la jeune fille.

A ce niveau, Geoffroy Monde a su nous réserver de bien belles surprises et on pourra se demander quelle est la plus furieuses des deux.

Une jeune fille face à la cruauté du monde extérieur

Ysa qui fait face à la violence du monde

Ysabelle est un personnage étonnant.
Déjà graphiquement, on est loin de l’imagerie habituelle de l’héroïne de fantaisie.
Mathieu Burniat ne voulait pas d’une jeune femme pleurnicheuse et encore moins d’une guerrière sulfureuse.
Au final, Ysa, si elle se démarque, c’est avec sa tête de bille (souvent ahurie) et sa peau orangée (symbole de la fureur), qui d’une certaine façon, la rend assez commune.

Comme Serine, l’héroïne de De cape et de mots, Ysabelle n’est pas du genre à se laisser imposer un mari.
S’inspirant de sa soeur qui lui a vendu une vie de rêve à l’extérieur, elle fugue pour s’éloigner le plus loin possible d’une future captivité liée à un mariage forcé.
Mais la liberté dans un monde inconnu et violent est loin d’être assurée pour la jeune fille.

Il y a une certaine pointe de naïveté chez notre héroïne.
Elle n’imagine pas à quel point le monde qui entoure le château d’Arthur est dangereux.
Les habitants sont pauvres, emplis de préjugés et parfois violents.
L’immoralité est partout et, si cela amène souvent à des situations cocasses, Geoffroy Monde démontre une chose simple : la liberté n’est pas une chose facilement acquise.

Surtout qu’Ysabelle n’est pas vraiment une guerrière.
Elle fuit dès que la situation est un peu tendue et se retrouve souvent embarquée dans des situations qu’elle aurait aimé éviter.
Ce qui l’intéresse vraiment, c’est retrouver la trace de sa soeur ainée Maxine, seule personne qu’elle respecte vraiment et qui lui a servi de modèle.

Mais le modèle s’effrite vite ….

En résumé

Furieuse est une première collaboration réussie et absolument jouissive. 

Le scénario de Geoffroy Monde décapite les codes des récits légendaires pour nous offrir un récit d'aventure saupoudré d'humour et d'actions avec quelques belles surprises à la clé.
Quant à Mathieu Burniat, il s'amuse comme un fou à illustrer le délire de son scénariste.
Les trognes de ses personnages sont uniques et ses scènes d'action délicieusement dantesques.

Furieuse, c'est un petit bonbon acidulé qui t'arrache la bouche.
Et bien, vous savez quoi ? On en redemande !

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Bulles Carrées

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