Une fois de plus, la tribu de Taru est dévastée par la Folie des forêts.
Les rois des forêts, des créatures géantes et sauvages, traversent le village en détruisant tout sur leur passage.
Alors, quand l’une d’entre elles écrase une des maisons du village, la mère de Taru, guerrière expérimentée, lance ses troupes à sa poursuite.
Taru est persuadée que cette chasse ne réglera en rien ce problème.
Ainsi, elle s’allie avec Hana, une prisonnière humaine, pour empêcher un carnage.
Vivre en harmonie avec la forêt
Une horde incontrôlable
Hana et Taru de Léo Schilling et Motteux part d’une question simple.
Comment réagir face aux incursions de bêtes sauvages sur un territoire « civilisé » ?
La première réponse, primaire et irraisonnée, s’impose par les ressentiments d’une tribu lassée des destructions subies.
Le scénariste décrit assez bien cette frustration teintée de désespoir se transformant rapidement en colère
Quand la bête passe, les maisons et les cultures trépassent.
Les rois des forêts sont d’immenses bestiaux engagés dans une course folle et incontrôlée.
À certains égards, on retrouve la problématique des sangliers dont la propagation est réglementée par la chasse…
Pour la mère de Taru, une seule solution s’impose : la chasse, guidée aussi, il faut le dire, par un esprit de vengeance néfaste.
Guerrière née, elle répond à la destruction par la destruction.
Sa fille n’accepte pas cette solution.
Elle se rappelle parfaitement qu’à une époque, ces rois vivaient en harmonie avec la tribu et le reste de la forêt et elle veut comprendre ce changement d’attitude.
Il faut dire qu’elles n’ont pas grand chose en commun et que l’éducation rude de sa mère ne convient pas à la sensibilité de Taru.
Un sentiment vu comme de la faiblesse de la part des guerrier.es de la tribu.
Pour Léo Schilling, les chasseurs ne cherchent pas à comprendre le comportement des bêtes. L’exploit prime sur la survie d’une espèce.
Une vision qui ne peut que dégénérer, provoquant, à son tour, des dégâts irréversibles.
À la recherche de la vérité
A première vue, Hana et Taru forme un duo atypique.
Tout les oppose.
Déjà physiquement, la carrure de Taru contraste avec l’aspect frêle de la jeune humaine.
Au niveau du caractère, c’est l’inverse.
Si Taru est à l’origine du voyage, sa naïveté s’oppose au pragmatisme d’Hana.
L’humaine, dont on ne sait pas grand chose, a été emprisonnée par méfiance.
Cet acte symbolise assez bien le comportement de la tribu envers tout ce qui vient de l’extérieur.
Cependant, Taru n’a pas ce genre de préjugé et sympathise rapidement avec la jeune fille.
Contrairement à sa mère, elle réfute toute violence et cherche avant tout à appréhender le monde qui l’entoure.
Malgré tout, l’aventure que leur concocte Léo Schilling ne sera pas de tout repos.
Dans la forêt, le danger est partout, même chez ceux qu’elles essaient de protéger.
D’une certaine façon, on peut voir ce parcours comme un récit initiatique.
Notamment pour Taru qui, par le biais d’une rencontre inattendue, va en découvrir un peu plus sur sa propre famille, expliquant les rapports houleux qu’elle peut avoir avec sa mère.
De plus, ce défi va permettre aux deux amis de mieux se connaître, allant jusqu’à laisser quelques portes ouvertes pour une potentielle suite.
Leur voyage suit celui d’une horde sauvage s’avançant vers une destination inconnue.
La finalité du chemin pose énormément de questions et permet de revoir d’un autre oeil les « ravages’ causés par ces bêtes sauvages.
Ainsi, une véritable course contre la montre s’engage, donnant une grande vivacité à un récit aux multiples rebondissements .
Si la fin conclut l’intrigue, les auteurs laissent une ouverture pour nous permettre de suivre cette fois-ci l’objectif d‘Hana.
Un graphisme original
Derrière une couverture lumineuse mais un poil énigmatique se cache un tout jeune dessinateur surnommé Motteux.
Si Hana et Taru est sa première bande dessinée, Motteux se montre déjà à l’aise avec un art graphique dont il maitrise parfaitement les codes.
Le design d’Haru et des membres de la tribu de guerriers-chasseurs surprend par ses rondeurs corporelles assez en inadéquation avec leur férocité.
Pourtant, les jeux anatomiques expriment parfaitement la rage de sa mère et la sensibilité de la fille.
Si ses influences restent présentes, elles sont assez variées et digérées pour apporter à son trait une véritable marque de fabrique.
On retrouve cette singularité dans les designs des Rois des forêts, imposantes créatures mi monstres, mi animaux sauvages.
Malgré la thématique de l’album, Motteux n’a pas cherché à attendrir leur image.
Au contraire, ils transpirent de bestialité à l’instar des animaux sauvages qu’ils sont.
Motteux ne cherche pas à nous les rendre « sympathique ».
Le dessinateur impressionne dans sa description de décors naturels foisonnants.
On sent qu’il s’amuse à croquer toute cette végétation à laquelle il donne une véritable âme.
On regrettera juste que la papier mat atténue la colorisation et ne retrouve jamais le côté éclatant de la couverture.
Mais peut être est-ce le prix à payer pour avoir un album conséquent à un prix somme toute raisonnable ?
En résumé
Hana et Taru de Léo Schilling et Motteux est une première bande dessinée convaincante.
A travers ce récit initiatique d'un duo atypique, le scénariste revient sur notre rapport à la nature et aux autres espèces animales.
Alors que certaines espèces empiètent sur notre "territoire", Léo Schilling nous explique qu'il faut comprendre leur comportement avant d'essayer de les chasser.
Motteux illustre l'ensemble avec un dessin inspiré, habité par des espaces naturels magistraux et des créatures aussi imposantes que sauvages.
Un voyage initiatique non sans danger.
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