Alors que le légendaire roi de Bosse vit ses derniers jours, les citoyens du royaume craignent que son héritier ne fasse pas l’affaire.
En effet, le jeune prince Bojji, né sourd et frêle, ne semble pas à la hauteur de la réputation de son père et subit quotidiennement les moqueries de la populace.
Tout le monde, et notamment sa belle-mère, attend qu’il cède sa place à son demi-frère Daida.
Un conte surprenant
Un héros atypique

À première vue, Ranking of Kings de Sosuke Toka a toutes les caractéristiques du conte pour enfants.
Il n’est d’ailleurs pas anodin que le projet ait eu une première émanation sous forme d’album jeunesse.
Le gentil héros écarté du pouvoir au profit d’un demi frère ambitieux, une belle-mère qui semble accorder peu d’égard au jeune prince, un roi légendaire en fin de vie qui aimerait que son fils soit digne de l’héritage qu’il lui cède et des membres du gouvernement divisés suivant le soutien qu’ils apportent à chacun des enfants.
Rien de bien original, surtout si on ajoute à cela un dessin naïf qui pourrait en rebuter certains.
Et pourtant, il ne vous faudra pas longtemps pour vous laisser charmer par le prince Bojji .
Il faut dire que le héros est terriblement attachant.
S’il affiche un sourire constamment figé qui cache une gentillesse excessive, Bojji est sourd de naissance.
Par ce handicap, le jeune héros se retrouve à la marge.
Il ne communique que par des sons brefs ou par la langue des signes, connue essentiellement par quelques proches, comme son maître d’arme.
Le traitement de la surdité est assez réaliste et montre le décalage qui se crée entre une personne sourde et son environnement.
À cela s’ajoute une extrême faiblesse qui rend du port d’un simple glaive une épreuve insoutenable.
Une tare conséquente quand on se doit d’être l’égal d’une légende.
Et pourtant, le jeune prince montre une persévèrence hors du commun.
En inventant des méthodes pour pallier son manque de force, il met à jour des talents inattendus.
Au fil des tomes, il cherche des moyens pour palier à cette faiblesse « naturelle » et n’hésite pas à profiter d’un entrainement particulier.
Attention, ne vous attendez pas à un nouveau Naruto. Si le héros devient plus « fort », c’est tout d’abord en prenant conscience de sa propre faiblesse.
Le mangaka n’a de cesse de jouer avec nos pré-requis tout en les balayant d’un revers de la main par une finesse d’écriture étonnante
Ne pas se fier aux apparences

Si la structure suit la trame classique du conte, Sosuke Toka tord rapidement le cou à certains préjugés.
L’un des meilleurs exemples de cette subtilité est le personnage de la belle-mère.
On a tous l’image de l’horrible belle-mère des contes qui s’amuse à faire subir les pires outrages à des enfants qui ne sont pas les siens.
À première vue, la reine Hiling coche toutes les cases.
Colérique, autoritaire, même son profil, avec ce nez limite crochu, n’inspire guère la confiance.
Cependant, l’auteur développe une relation entre la reine et son beau fils bien plus actuelle et complexe qu’on l’imagine.
L’évolution de l’histoire n’aura de cesse de remettre en question ce que l’on pense de tels ou tel personnages.
On est bien loin des caricatures et des facilités habituels du shonen.
Derrière certaines fonctions, il y a des hommes et des femmes avec un passé, une morale et une humanité qui explique la plupart de leurs choix.
Si le jeune prince est profondément bon, peut-on dire que ceux qui lui font face sont mauvais ?
Rien n’est moins sûr !
Une aventure en devenir

Les premiers volumes sont loin d’être avares en évènements mais ils servent avant tout à la mise en place d’un casting riche et varié.
Cependant, l’aventure du jeune prince ne commence qu’au milieu du tome 2 et ne dévoile qu’une partie de son potentiel à partir du tome 3.
L’intrigue prend petit à petit de l’ampleur et use de retournement de situations inattendus qui offre souvent de nouvelles perspectives.
On ne cesse d’être étonné et , pour le moment, chaque fin de volume incite à en ouvrir un autre.
C’est aussi le cas du dessin.
En effet, si on s’arrête à un simple feuilletage rapide du manga, on risque d’être rebuté par un trait désuet, manquant cruellement de profondeur.
Il faut dire que le profil du mangaka et de son oeuvre est assez atypique.
Elevé dans une famille où les mangas sont mal vus, l’auteur essaie, à partir du lycée, de tenter sa chance, sans véritable succès.
Il entre dans la vie active mais, sans avoir jamais abandonné son rêve, il démissionne de son travail à 41 ans pour se consacrer entièrement à sa passion.
C’est ainsi qu’émerge le petit monde de Ranking of Kings dont les débuts sur internet sont assez timides.
Puis le succès, brutal et inattendu, arrive, faisant de ce manga une oeuvre à part.
Au final, le parcours de Bojji est un peu celui de son auteur.
Malgré l’adversité, le héros croit en son rêve.
Bojji veut devenir roi. Sosuke Toka voulait devenir mangaka.
C’est maintenant chose faite.
Et derrière ce style sommaire, influencé par Akira Toriyama avec une pointe de Osamu Tezuka, l’auteur montre un véritable talent de mise en scène, retrouvant ainsi l’essence même du manga : un dessin au service total de son histoire.
En résumé
Ranking of kings de Sosuke Toka est un manga aussi étonnant qu'attachant. À travers le personnage frêle et muet du prince Bojji, le mangaka met en scène son propre parcours construit avec persévérance et passion. Derrière la façade d'un banal shonen, se cachent des personnages complexes et variés mise en valeur par l'écriture subtile son auteur. Alors ne restez pas bloqué par la fausse naïveté du dessin de Sosuke Toka et lancez-vous dans l'aventure, vous ne le regretterez pas !
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