Chaque jour, une mère et son enfant passent devant une dame assise sur un trottoir, un bébé dans les bras.
Chaque jour, l’enfant se questionne sur une situation qui la met mal à l’aise.
Elle aimerait pouvoir prendre un autre chemin.
Mais faut-il éviter ce qui nous rend triste ou trouver, même avec ses petites mains d’enfants, une solution pour égayer un instant la vie de cette dame et de son bébé ?
Sans détour ou L’injustice par le prisme de l’enfance
Sans détour de Stéphanie Demasse-Pottier découle d’une scène banale.
Une jeune fille se prépare à aller à l’école. Elle endosse son cartable à cerises et nous raconte sa petite routine de la matinée .
Le même chemin, le même décor se répètent de jour en jour.
Dans ce décor, il y a cette dame assise avec son bébé.
Nous ne savons rien d’elle mais cette image provoque un sentiment de mal-être chez l’enfant.
Elle ne sait comment réagir, baissant le regard devant cette situation qu’elle ne comprend pas.
Sa seule solution, envisager un détour pour ne plus les croiser.
Non, pas qu’elle s’en moque. Bien, au contraire.
Comme le montre Stéphanie Demasse-Pottier, cette scène n’a rien de normale pour la jeune fille.
Elle ne saisit pas pourquoi elle peut vivre dans une maison douillette alors que ce bébé vit dans le froid et sans aucun toit sous sa tête.
Les concepts d’injustice, de pauvreté n’ont aucun sens pour elle.
Et pourtant, elle sait, au fond d’elle, que cette vie n’a rien de normale.
Cependant, elle se sent inutile … Après tout, elle n’est qu’un enfant.
C’est aux parents de prendre le relais. De réconforter dans un premier temps puis de montrer l’exemple.
Un sourire, une petite pièce, un simple geste qui, au final, montre qu’on est pas indifférent.
C’est aussi ça la force de Sans détour.
Toucher juste sans être moralisateur.
Si une petite fille a saisit qu’on peut faire beaucoup avec pas grand chose, nous pouvons tous le comprendre.
Une émotion sans détour
Tom Haugomat nous avait déjà épatés sur son album À travers.
Sur Sans détour, il laisse un peu plus de place au texte de l’autrice mais, la mise en page de ses illustrations n’en est pas moins originale et maitrisée.
Alternant les multiples points de vue, de simples cases à des gros plans en double page, l’illustrateur réussit, par on ne sait quel miracle, à insuffler un rythme à un simple chemin d’école.
Mais, là où il est vraiment remarquable, c’est sans conteste dans sa gestion des émotions.
Il est sans doute le seul illustrateur à faire transparaître autant de sentiments, allant de la tristesse, à la colère ou la compassion, sans jamais dessiner la moindre expression de visage.
Une marque de fabrique loin d’être handicapante et qui, au contraire, amène la nostalgie et la tristesse correspondant à l’état d’esprit de la jeune enfant.
En résumé
Sans détour de Stéphanie Demasse-Pottier et Tom Haugomat est un album touchant et d'une justesse simplement enfantine.
En mettant en scène les interrogations et le mal-être de cette enfant face à une scène qu'elle ne comprend pas, l'autrice questionne notre propre attitude face à ce type d'injustice.
Quant à Tom Haugomat, il réussit une nouvelle fois le pari de nous faire ressentir la tristesse de cet enfant sans jamais illustrer la moindre expression de visage.
Une véritable prouesse.
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