Dans un village ancestral, la naissance de jumeau symbolise un destin hors norme, celui de régner sur les Tsugai. Ainsi naissent Asa et Yuri, les « jumeaux séparant le clair de l’obscur ».
Des années plus tard, alors que le jeune frère est libre de ses mouvements, sa jeune soeur Asa est emprisonnée en attendant de remplir sa destinée.
La vie au village est paisible jusqu’à ce que des soldats s’attaquent violemment à ses habitants.
Yuri, impuissant, fait face à une de ces combattants qui lui dévoile un terrible secret.
Tout ce en quoi il croyait n’est qu’un mensonge !
Un retour gagnant ?
Une écriture palpitante, drôle et surprenante

Parler de retour en mentionnant de nom d’Hiromu Arakawa est légèrement présomptueux au vu de la qualité de sa bibliographie.
Si Fullmetal Alchemist reste son plus grand succès, il ne faudrait pas négliger la qualité constantes de ses autres mangas.
Silver Spoon, Arslan et dans une moindre mesure Hero Tales ont démontré la multiplicité de parcours de la mangaka.
Malgré tout, depuis Hero Tales, elle s’est essentiellement consacrée à des intrigues plus « traditionnelles », délaissant le côté fantastique et extraordinaire que l’on adorait sur Fullmetal Alchemist.
Jusqu’à ce qu’arrive, de façon fracassante sa nouvelle série : Tsugai.
On retrouve immédiatement toute la science du dialogue d’Hiromu Arakawa, mélange d’émotion, de tension et de décalage humoristique parfaitement dosé.
Si Tsugai est un pur shonen d’action, il n’en est pas moins drôle.
La mangaka use de cet aspect avec une certaine efficacité, ce qui n’enlève en rien à la partie tragique inhérente à son histoire.
Ceux qui ont lu Fullmetall Alchemist se rappellent à quel point certaines scènes peuvent durablement marqué les esprits.
Qui ne se souvient pas du sort tragique de Nina ?
Et de ce point de vue, cette nouvelle saga commence brutalement en multipliant les retournements de situations et les scènes « chocs ».
Il faut dire que la mangaka n’est plus une novice.
Elle ne l’était d’ailleurs pas à l’époque de Fullmetall Alchemist.
Mais avec Tsugai, fini les introductions laborieuses.
Si par la suite, l’intrigue prendra son temps pour poser les bases de cet univers, la mangaka multipliera les révélations tout en nous plongeant aux côtés de Yuri dans des scènes d’action endiablées.
Personnages et intrigues à tiroir

En découvrant les premières pages de Tsugai, on se croit en terrain connu.
2 jumeaux, l’un symbolisant la lumière, l’autre la nuit, grandissent dans le même village.
Yuri est l’archétype du héros.
Blond, courageux, presque austère mais qui s’adoucit dès qu’il approche de sa soeur.
Comme pour la petite taille d’Edward Elric, la mangaka se moque gentiment de la naïveté de Yuri.
Elles deviennent un gimmick comique et atténue l’image lisse du héros.
Mais cela n’enlève en rien de son charisme et le jeune garçon aura de nombreuses occasions de le prouver face à des ennemis surpuissants.
Asa est plus mystérieuse. Enfermée, dans un premier temps, on découvre petit à petit, une jeune fille attachante, pétrie de doute et de tendresse pour son frère, provoquant certaines scènes cocasses.
Jusqu’à ce qu’on apprenne la douloureuse vérité.
Hiromu Arakawa se laisse le temps de développer toutes les répercussion engendrées par le cliffhanger du tome 1.
Et si leur destiné est inévitablement liée, Yuri comme Asa doivent apprendre à se (re)découvrir pour se faire confiance.
La base peut paraître assez simple.
Mais c’est habituel chez Hiromu Arakawa.
L’autrice se sert de structures classiques puis les pousse à l’extrême pour nous emmener vers des chemins de plus en plus sombres et complexes.
Elle crée un monde peuplé de traditions et de légendes pour mieux les briser en quelques pages.
Inévitablement, on se pose de nombreuses interrogations sur les multiples personnages de la série.
Qui sont les alliés ? Qui sont les ennemis ? Les frontières semblent friables et entre les manigances ou autre trahison en devenir, il est encore difficile d’émettre des certitudes.
Surtout quand les masques tombent, de façon inattendue, même au bout de 5 tomes.
Les Tsugai

Le concept des Tsugai est aussi riche qu’énigmatiques.
Pour résumer, ces démons fonctionnent en binôme, obéissant aux ordres d’un maitre.
Sortes de djinns, ils prennent des formes diverses , à l’image du Tsugai de Gabbi qui est une sorte de réminiscence du Glouton de Fullmetal Alchemist.
La mangaka ne s’impose aucune limite et crée des formes parfois incongrues pour refléter des pouvoirs insoupçonnables.
On sent une réelle espièglerie dans sa façon de trouver des situations et des formes toujours plus incongrues.
Les Tsugai de Yuri sont, par leur forme et leur interaction, à part.
Ces gardiens cardinaux sont intimement lié à la mission de leur maître même si leur objectif reste floue.
Ils ont été des acteurs récurrents de la grande Histoire et leur puissance leur donne une place toute particulière dans la hiérarchie des Tsugai.
Un style graphique gravé dans le marbre

S’il y a une chose qui ne change pas avec Hiromu Arakawa, c’est son dessin.
Depuis sa première oeuvre Stray Dog et, hormis une plus grande maîtrise technique, les bases de son style n’ont pas réellement évolué.
On pourrait d’ailleurs lui en faire le reproche, même si c’est une tendance chez de nombreux mangakas.
Cependant, consciente de cette « faiblesse », elle évite de reprendre les designs de ses personnages iconiques ou cherche à les faire évoluer subtilement.
Cela n’empêchera pas de retrouver les traits de Hugues chez Jin mais les personnages sont si diffèrents que la comparaison s’arrête là.
Pour le reste, nous sommes en terrain connu.
Le trait est simple mais solide, les designs sont inventifs et percutant notamment pour les Tsugai.
Quant à la narration, elle est d’une lisibilité exemplaire.
Le tome 4, plus riche en action, démontre une véritable expertise en la matière.
Elle s’amuse avec les capacités des Tsugai pour dynamiser sa mise en page et proposer des combats dynamiques et réjouissants.
Au final, si le trait reste le même, les designs sont assez inventifs et généreux pour qu’on reste admiratif devant le travail accompli.
En résumé
Tsugai d'Hiromu Arakawa a tout d'un grand shonen.
La densité de l'intrigue se couple parfaitement avec un humour décalé.
Après un premier volume surprenant, la mangaka développe petit à petit ce nouvel univers et ses personnages.
Dans Tsugai, la notion de bien et mal reste floue.
Les manigances sont nombreuses et les objectifs incertains.
Après un tome 4 riche en action, la mangaka pose , petit à petit, les pions d'une intrigue de plus en plus vaste avec encore de nombreuses zones d'ombre.
En prime, on retrouve avec délice le style d'Hiromu Arakawa modelé à un univers fantastique et des créatures plus stylisées les unes que les autres.


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