Valhalla ( Fabien Bedouel )

La série B désigne un film à budget relativement réduit : film d’action, d’épouvante, d’aventure.
Les films de série B ne sont pas nécessairement mauvais et peuvent à l’occasion constituer de bonnes surprises et des spectacles distrayants, mais le terme demeure quelque peu péjoratif. 

(nanarland.com)

Valhalla Hotel

Lemmy et son coach Malone sont en partance pour un championnat de tennis de table à Albuquerque.
La fiat 500 du coach tombe en rade, tout proche de Flastone, un bled paumé en plein milieu du Nouveau Mexique.
Ils font d’ailleurs très vite connaissance avec le shérif local qui les embarque en les prenant pour des sodomites.
C’est ainsi qu’ils trouvent refuge au Valhalla Hotel, un endroit étrange, pour ne pas dire flippant.
Surtout qu’au petit matin, Lemmy a disparu de sa chambre.
Or, le coach Malone n’a pas l’intention de partir sans lui.

Un duo implacable

Le fameux Valhalla Hôtel

Pat Perna et Fabien Bedouel sont habituellement cantonnés aux récits tirés de faits historiques, questionnant la nature complexe de l’homme.
D’ailleurs, je vous conseille la lecture de Darnand en parallèle de Kersten pour vous en convaincre.

Avec Valhalla Hotel, nous sommes sur une proposition radicalement différente, déconcertante à première vue mais terriblement réjouissante.
Partant d’une idée originale de Fabien Bedouel, Valhalla Hotel pose ses valises dans un genre souvent critiqué et critiquable : celui de la série B.
Pourtant, en bande dessinée, le terme est loin d’avoir la même valeur péjorative.
Les plus vieux se souviendront avec émotion de la collection Série B chez Delcourt alors que les plus jeunes se régalent avec les récits du Label 619 de Run et leur titre Doggybags.
Or, là où les courts récits de Doggybags penchaient vers le fantastique/horrifique, la série de Fabien Bedouel et Pat Perna fait la part belle aux courses poursuites et aux longues fusillades suintant d’adrénaline.
Et tout cela sans renoncer à la touche fantastique inhérente au genre.

Courses poursuites et fusillades à gogo

des scènes d’action hollywoodiennes

Si on le compare souvent à Il faut flinguer Ramirez de Nicolas Petrimaux, Valhalla Hotel assume à fond son trip hollywoodien, sans forcément chercher une quelconque complexité narrative.
C’est d’ailleurs sur ce point que Pat Perna et Fabien Bedouel frappent fort.
Ils n’y vont pas par quatre chemins.
C’est gros, voire grotesque, mais leur plaisir est tellement communicatif qu’on se laisse tout simplement porter par ce vent de folie.
Le but premier étant, avant tout, de nous offrir un divertissement totalement régressif.

Attention, il ne faudrait pas croire que la simplicité du récit soit une excuse pour bâcler le travail.
Le duo ne se moque pas de ses lecteurs et apporte un soin tout particulier aux détails, rendant l’ensemble particulièrement abouti et prenant.

Si l’action prédomine très largement, Pat Perna et Fabien Bedouel ont su saupoudrer tout cela d’un peu de surréalisme.
Si on était en droit de craindre « la couche de trop sur un gâteau déjà bien généreux », ils ont su rendre cet aspect essentiel alors qu’il prend, au final, peu de place dans l’histoire globale.
L’atmosphère est, dès le premier volume, étrange et la petite dose de mystère distillée par petites touches se renforce au fil des pages.
Que peut bien cacher la tenancière Frau Winkler ? Qui est cette jeune fille aux pouvoirs surhumains ? Et comment ça , il y a un homme avec une tête de cochon ?
Les questions seront nombreuses mais attendez-vous à ne pas avoir toutes les réponses.

Une galerie de personnages complètement dingues

Un shérif aux avis légèrement arriérés

Mais pour qu’une telle histoire fonctionne, il faut une galerie de personnages au diapason.
Et de ce point de vue, on est gâtés.
Que ce soit Lemmy, ce pongiste qui ne dit pas un mot, ou son coach au langage fleuri, on comprend assez vite qu’on va avoir affaire à des cadors.
Et ça ne s’arrange pas avec ce shérif homophobe légèrement obnubilé par le sujet.
On se croirait dans un film des frères Coen.

Toute bonne série d’action a besoin de son anti héros.
Son loubard au grand coeur sauvant la mise aux losers qui ont la chance de ne pas s’être pris une balle plus tôt.
Ce rôle est dévoué à El Loco, un gros bras qui ne faut pas trop titiller. Rockeur, garagiste et surtout armurerie sur pattes, le bonhomme en impose.
Au final, seule Betty, l’adjointe du shérif, amène une légère touche de raison, même si elle n’en est pas moins téméraire.
Sans doute parce que c’est une fille … Quoique, au vu des autres figures féminines, il n’est pas certain qu’il faille retenir cette interprétation.

Il faut d’ailleurs noter l’excellence des dialogues.
Drôles, cyniques, les punchlines fusent à tout va.
C’est un des aspects qui, avec les scènes d’action, rend l’ensemble addictif.
On ne s’ennuie pas une seconde !

Valhalla Bunker

Des années se sont écoulées depuis l’incident de Flastone.
Malone sort enfin de prison, souhaitant reprendre le train train de sa vie passée.
Malheureusement pour lui, ses exploits n’ont pas été oubliés et ses ennemis comptent bien se venger.
El Loco et le reste de la bande décident de frapper en premier et débarquent au fin fond de l’Alaska.

Une suite attendue

Retour aux affaires

À la base, Valhalla Hotel était prévu en 3 tomes.
Or, on comprend sur le dernier volume, que les auteurs ne nous ont pas tout raconté.
Est-ce seulement une fin ouverte ou nous préparent-ils une suite qui, pour le coup, ne pourra plus s’appeler Valhalla Hotel ?
Fabien Bedouel clos rapidement ce suspens en annonçant, à la sortie d’un coffret regroupant les 3 volumes de Valhalla Hotel, une suite au titre évocateur : Valhalla Bunker.

Et un changement, ne venant jamais seul, il sera cette fois-ci seul aux commandes.
Et c’était sans doute la seule incertitude de cette suite.
Certes, la saga Valhalla a été pensé par Fabien Bedouel mais on était en droit d’imaginer que Pat Pena lui apportait une structure scénaristique solide.
Est ce que ça allait lui manquer pour cette suite ?

Soyons clair : non !
Ce premier tome prend la même direction que le premier cycle.
Non seulement, on prend un énorme plaisir à retrouver toute cette bande de tarés ( avec quelques changements bien croustillants ) mais en plus, le scénario n’a rien perdu de son mordant.
C’est toujours aussi explosif, jouissif et un peu débile, avec un Malone toujours à côté de la plaque.
Les années sont passées mais le ton reste le même.

En conclusion, la série est un régal.
Alors sortez le pop-corn et prenez votre pied !

Un graphisme détonant

ça pète de partout !

Fabien Bedouel est littéralement en osmose avec son projet.
Les couvertures rappellent la composition des vieilles affiches de films étiquetées séries B et, comme pour les meilleurs d’entre eux, tout est fait pour qu’on en prenne plein les yeux.
Les courses poursuites sont haletantes et les fusillades délirantes.
Ça sent la tôle froissée, l’hémoglobine et les os brisés sans pour autant tomber dans une violence de complaisance.
C’est brutal mais avant tout décalé, pour ne pas dire complètement barré.
Les planches de Fabien Bedouel rendent possible ce qui aurait coûté une fortune au cinéma.
La seule limite est son imagination et elle est débordante.

Le grotesque de certaines scènes (sans spoiler, la mort peut venir de n’importe où) est sans limite.
Je dois bien avouer que mettre son cerveau, au moins un temps, en pause pour apprécier un tel spectacle a quelque chose de totalement dépaysant.
La preuve, on en redemande !

En résumé

La saga Valhalla de Fabien Bedouel est un bonbon acidulé. 
Le premier cycle, Valhalla Hotel, en collaboration avec Pat Perna, est un petit bijou d'action régressif, saupoudré d'une touche de fantastique.

Pour sa suite, Valhalla Bunker, Fabien Bedouel reprend les commandes et démontre sa capacité à gérer seul une série totalement déjantée.

La galerie de personnages est peuplé de gentils idiots, de femmes fatales, d'anti-héro et de méchants bien perchés.
Les scènes d'action dament le pion aux grosses productions américaines par leur côté transgressif absolument réjouissant.
Ce pur divertissement est un véritable spectacle pyrotechnique.


Valhalla Hotel est mort, vive Valhalla Bunker !

Pour lire nos avis sur The Paybacks et L’ennui des après-midi sans fin

Bulles Carrées

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