Imaginez que vous soyez un minuscule insecte et qu’en pleine journée, un étrange objet rond et coloré tombe brutalement sur votre territoire.
La peur est le premier des réflexes mais petit à petit, tout insecte que vous êtes, vous voilà fasciné par la taille et la couleur de l’objet.
Une fascination dont la vénale araignée a bien l’intention de profiter.
Je ne connaissais pas les précédents travaux des Fan Brother, duo d’auteurs canadiens qui m’a d’abord épaté par leur trait en graphite noir et blanc totalement subjuguant.
Les designs de leurs insectes sont attachants, à l’image de notre l’araignée, parfaite en Monsieur Loyal, avec son chapeau haut de forme et son noeud papillon.
Une fable anticapitaliste
Pour le texte, il y a 2 façons de lire ce sublime album publié chez Little Urban.
La première est classique.
The Fan Brother nous raconte l’histoire d’une bande d’insectes qui va apprendre le partage après avoir subi le marchandage.
On peut y voir, sans aucun soupçon, une critique à peine déguisée du capitalisme.
Cette petite bille, tombée du ciel, devient l’objet de toutes les convoitises.
Et une chose rare, ça se paye.
Or, plus les gens sont prêts à payer, plus les prix montent et plus la prestation devient luxueuse.
La loi de l’offre et de la demande.
Ainsi les fan Brother mettent en garde.
Tout produit (et notre époque ne cesse de nous le rappeler) peut disparaître du jour au lendemain
Et notre entrepreneur restera seul avec sa solitude et son désespoir.
La convoitise de l’araignée
Bien sûr, la morale est sauve.
L’araignée comprendra ses erreurs.
Quant à la société des insectes (et nos petits lecteurs à fortiori), elle apprendra que le partage vaut tout l’argent du monde.
Un hommage caché à Lovecraft ?
A côté de ça, comme un éclair de génie, j’ai décelé une interprétation qui m’amène à une seconde lecture.
Une lecture que seul un adulte connaisseur d’un auteur à l’antithèse de l’album jeunesse peut comprendre : H.P. Lovecraft.
Une de mes nouvelles préférées d’un des maître de l’horreur s’intitule « La couleur tombée du ciel » et raconte comment un météorite, diffusant une couleur étrange, va anéantir la vie d’une famille américaine.
La découverte de l’objet coloré
Et si notre duo canadien n’avait pas simplement ambitionné de proposer une version enfantine d’une nouvelle de Lovecraft ? Interprétation farfelue ?
Pourtant tout concorde : la bille aux couleurs chatoyantes qui tombe du ciel et chamboule la vie de ses insectes qui deviennent obsédés par cet objet.
Le traitement graphique à base de graphite noir et gris où seules les couleurs de la bille et celles des feuilles (représentant la monnaie) tranchent (symbole du désir).
Et puis la disparition même de cette bille, reprise par une main quasi divine et venant d’ailleurs.
Pour tout vous dire, j’ai trouvé cette approche fascinante.
Je ne sais pas si c’est un délire de ma part ou si c’était la volonté des auteurs mais le ressenti reste assez frappant pour moi.
En résumé
Que ce soit par leur graphisme puissant ou par cette réflexion sur notre monde par le prisme de l'inconnu et de l'argent, The Fan Brothers ont écrit et dessiné une intrigue forte, référencée avec non plus une double mais une triple lecture.
A lire sans modération !
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