Mots Tordus et Bulles Carrées

Fool night (Kasumi Yasuda)

Un épais nuage recouvre le ciel, causant la disparition de toutes les espèces végétales de la surface de la Terre. 
L’oxygène se raréfiant, les scientifiques recherchent un nouveau procédé permettant la survie de l’humanité.
Ainsi, ils découvrent que les hommes peuvent, après transplantation d’un germe, se transformer en plantes et générer de l’air pur : ce sont les Sanctiflores.
Ainsi, certains humains, en échange d’une somme conséquente, choisissent de se « sacrifier ».
Toshiro Kamiya fait partie de ces « volontaires » alors que la société se divisee sur le bien fondé de cette décision.

Dépression et humanité

Fool Night ou le portrait d’un personnage en reconstruction

Au bord de la dépression

Deux enfants se baladent tout en discutant de leur avenir. 
Ils semblent heureux et ne prêtent aucune attention aux corps humains qui jonchent le sol, en plein stade de floraison, fournissant l’oxygène qui manque tant à l’humanité.
L’un de ses enfants est Toshiro Kamiya.
Des années plus tard, l’enfant est devenu un adulte désespéré.
Toshiro a beau s’évertuer à se sortir la tête de l’eau, l’accumulation de dettes pour subvenir aux besoins d’une mère atteinte de troubles psychiatriques semble avoir raison de lui. 
Leur dernière confrontation choque par sa brutalité mais elle nous permet de comprendre l’état d’esprit du jeune homme et ce qui l’amène à prendre la décision de se transformer en Sanctiflore.
Un choix qui s’apparente à une forme de suicide.

Ce bref résumé de Fool Night peut effrayer mais la qualité d’écriture de Kasumi Yasuda est telle qu’il évite tous les pièges qui lui sont tendus. 
Avec une telle intrigue, beaucoup seraient tombés dans l’exagération ou le larmoyant. 
Ici, c’est loin d’être le cas. 
Déjà, Toshiro ne se comporte pas comme une victime. 
On ressent sa souffrance mais son choix l’amène à repenser son regard sur lui-même ainsi que son rapport aux autres. 

Puis, les nombreuses surprises amenées, dès le premier tome, par le manga oblige Toshiro à sortir de sa zone de « confort » et a faire évoluer son état d’esprit.
De victime, il devient acteur de son destin et de celui des autres.

Fool Night : un univers en constante évolution

Un danger qui se cache derrière les plantes

Alors qu’on aurait pu craindre que le manga devienne un enchainement d’histoires psychologiques, Kasumi Yasuda lui fait prendre un tout autre chemin.

Sur le 2eme et 3eme tome, le mangaka insuffle une dose de polar qui surprend autant qu’elle interroge.
Ivy, un Sanctiflore apparemment doué de conscience, semble s’en prendre aux humains.
Si l’existence même de ce genre de créature à de quoi surprendre, Toshiro comprend assez vite qu’elle n’agit pas au hasard.
L’enquête prend un tournant inattendu quand l’entourage du jeune homme est touché de plein fouet par les crimes du tueur.

Cette nouvelle direction impose un rythme et une composition nouvelle.
Tout d’abord, Toshiro n’est plus seul.
Rapidement, il intègre l’institut de transfloraison et rencontre des personnes qui ont autant (voir plus) souffert que lui. 
D’ailleurs, ce groupe va prendre de plus en plus d’importance, allant jusqu’à mettre de côté, notamment sur le tome 6, son propre personnage principal.
Très vite, la série évolue : de la science fiction sociale, on arrive à un polar social et politique aux multiples ramifications.

Le cas Ivy n’est, au final, que la partie immergée d’un univers de plus en plus riche .
Le tome 4 de Fool Night développe la structure de cette société et nous fait découvrir ses bas-fonds, lieux de vie et d’exclusion des Sanctiflores.
Puis le tome 5 raccorde l’ensemble à un nouveau groupe politique souhaitant mettre fin à la transfloraison.
L’intrigue s’intensifie et se complexifie de tome en tome, s’approchant petit à petit de grandes oeuvres du manga de science fiction.
D’ailleurs, l’ambiance rappelle, à certains égards, l’approche de Masamune Shirow sur Apple Seed.

Quant à Toshiro, sa transformation continue son expansion, imposant une sorte de compte à rebours fatal pour la série.

Un dessin fin et expressif

Une mise en page de l’action trépidante

Graphiquement, le dessin de Kasumi Yasuda a de quoi surprendre.
Si on retrouve certains codes du manga, son trait plein de finesse dégage un parti pris original, notamment sur l’expressivité de ses personnages.
Il va à l’essentiel et frappe par sa puissance narrative.
De certaines de ses planches se dégage une rage absolument hallucinante.

Le style risque d’en désarçonner plus d’un mais un auteur avec une telle empreinte graphique ne pouvait pas rester dans l’ombre et on ne peut que remercier Glénat d’avoir pris le risque de publier une série ambitieuse autant sur le fond que sur la forme.

C’est maintenant aux lecteur.rices de se montrer curieux et de laisser leur chance à des oeuvres qui sortent des habituels carcans du manga.

En résumé

Fool Night de Kasumi Yasuda est une oeuvre étonnante, en constante évolution. 

Le récit, derrière un propos écologiste, parle avant tout de notre humanité et des sentiments contre lesquels nous devons lutter pour ne pas sombrer.
Lorgnant vers la psychologie puis vers le polar, Kasumi Yasuda développe, par petites touches, un univers et une intrigue politique qui gagnent en ampleur.

Le dessin s'éloigne agréablement des codes du manga et propose un style tantôt rugueux, tantôt élégant, et une mise en page dynamique.

Une oeuvre surprenante rappelant certains grands classiques du manga de science fiction.

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Bulles Carrées

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