La routine d’Émile est millimitrée.
Chef d’hôtel, il prépare son établissement à l’arrivée de client.es un peu particulier.es.
Et toutes ces petites attentions sont nécessaires pour les accueillir le mieux possible.
Après tout, iels viennent de mourir et l’établissement d’Émile est le dernier quai avant le grand saut.
Pour cela, iels n’ont qu’une tâche à accomplir : retrouver la paix de l’âme.
Une pièce en deux actes
Des âmes préoccupées
Le dernier quai de Nicolas Delestret part d’un constat simple : que deviennent les âmes après la mort ?
Une question maintes et maintes fois posée et dont les réponses sont aussi variées que le nombre de personnes sur Terre.
Pour l’auteur, tout se passe dans un hôtel prestigieux tenu par un maître d’hôtel pointilleux.
Un parti pris simple qui amène à un album coupé en 2 actes.
La première partie est consacrée à un premier groupe et a pour objectif de mettre en place la petite routine d’un maître d’hôtel au service de ses client.es
Et Émile est méthodique. C’est le moins que l’on puisse dire !
Cette organisation quasi militaire pose le cadre pour mettre à l’aise des individu.es qui viennent de perdre la vie.
Mais si iels sont ici, c’est pour une raison bien particulière.
À partir d’indices déposés dans leur chambre, iels doivent comprendre ce qui affecte leurs âmes pour mieux se pardonner.
Une tâche nécessaire pour que les défunt.es reposent en paix et n’errent pas indéfiniment dans la forêt interdite.
Chose à laquelle se refuse Émile !
Sur cette première partie, l’auteur pose les bases de son intrigue et met en place des règles qu’il va, inévitablement détourner sur la seconde.
Le concept s’avère original même si, par petites touches, on retrouve certaines inspirations japonisantes.
D’ailleurs, l’idée de départ m’a beaucoup fait penser à une série d’animation : Death Parade.
Briser les règles pour mieux les comprendre
Sur la deuxième partie, Le dernier quai prend un virage à 190 degré.
Inévitablement, tout ce qui nous est présenté dans la première se retrouve être balayé avec l’arrivée d’un deuxième groupe étrange.
Un réveil en retard, une arrivée peu conventionnelle, des hôtes.ses qui ne souviennent aucunement de leurs vies passées et qui ne tiennent pas à écouter les recommandations du maitre des lieux.
Rien ne se passe comme d’habitude et Émile en sort chamboulé.
Au final, ces petites habitudes ont autant d’importance pour lui que pour les personnes qu’il accueille.
En les lui enlevant, on le prive des tâches qui lui occupait l’esprit, afin d’éviter de penser à sa propre condition.
De façon assez maline et en utilisant davantage les codes du polar que ceux du fantastique, Nicolas Delestre amène le doute sur son personnage principal.
Qui est-il vraiment ? Depuis quand tient-il ce rôle ? Comment s’est-il retrouvé à son poste ?
Des réponses qui, comme pour les membres de ce nouveau groupe, sont à rechercher dans un passé tortueux.
La sobriété du graphisme de Nicolas Delestret
C’est avec le dernier quai que je découvre pour la première fois le travail de Nicolas Delestret.
Cependant, en jetant un coup d’oeil à ses projets précédents, on remarque immédiatement l’évolution graphique.
Alors que son trait était jusque là assez marqué « jeunesse », il opère ici une certaine radicalisation de ses designs.
C’est d’ailleurs assez notable sur ses personnages qui s’éloignent, pour le coup, d’un style inspiré animation, pour aller vers des codes plus franco-belges.
J’aime beaucoup la variation qu’il apporte aux visages par le biais de nez souvent proéminents.
Certains regretteront que les décors ne soit pas aussi travaillés, même si son hôtel, par son côté biscornu, défie à merveille les lois de l’apesanteur.
Reste que, si la plupart de ses arrières plans sont sobres, ils correspondent aussi à une volonté de l’auteur d’axer avant tout le regard sur les personnages.
En résumé
Le dernier quai de Nicolas Delestret est un récit fantastique intriguant qui lorgne tantôt vers le polar, tantôt vers le drame.
Tout en posant un cadre surnaturel, l'auteur développe des personnages attachants liés par une recherche commune : le pardon.
Une oeuvre mystérieuse et émouvante.
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