Mots Tordus et Bulles Carrées

Matin brun (Franck Pavloff)

Quand Franck Pavloff écrit la nouvelle « Matin brun » en 1997, pour le Salon du livre antifasciste de Gardannes, il ne se doute pas que ce texte de quelques dizaines de pages va entrer dans l’histoire de la littérature engagée du XXe siècle.

Avec plus de 2 millions d’exemplaires vendus (chiffre de 2014), son succès et sa longévité témoignent de son universalité et des thèmes forts qui y sont abordés.
La montée du totalitarisme, la question de la résistance mais aussi celle des démissions quotidiennes face à la mise en place d’un Etat national.

Le choix des éditions Albin Michel de rééditer ce texte en 2014 en lui associant des oeuvres de C215, alias Christian Guémy, un artiste urbain pochoiriste, est l’occasion de redonner un second souffle à cette fable humaniste.

Matin brun est un petit bijou de concision et d’efficacité.
En quelques phrases, sous les mots du narrateur dont on ne connaitra jamais le nom (ce pourrait être nous), on découvre la mise en place de l’état totalitaire « brun ».

Tout doit être brun

D’abord, au détour d’une conversation avec son ami Charlie, ce sont les animaux, et plus spécialement les chiens et les chats, qui sont interdits.
Les non-bruns doivent disparaitre, sous un prétexte pseudo-scientifique.
Ensuite, ce sera la main mise sur les médias.
Les journaux opposants sont interdits et, avec la radio, ils deviennent « bruns », c’est-à-dire sous le contrôle de l’Etat national).

le regard de l’enfance

Progressivement, on surveille les conversations, de même que le passé des gens (il devient interdit d’avoir possédé un animal non brun) et des arrestations massives ont lieu, installant un climat oppressant. 

« On aurait dû dire non »

Ce qui frappe dans Matin brun, ce sont les réactions du narrateur, et à travers lui, de la population. De la surprise à l’acceptation, de l’inquiétude à la peur, les lecteurs se trouvent pris dans l’engrenage de cette société où décrets et règlementations décident petit à petit de la vie des habitants. Une société où l’acceptation d’une loi, la plus futile en apparence, entraine la soumission. 

« On aurait dû dire non. 

Résister davantage, mais comment ?

Ça va si vite, il y a le boulot, les soucis de tous les jours. Les autres aussi baissent les bras pour être un peu tranquilles, non?« 

Facile à lire, cette fable ouvre la réflexion sur des sujets historiques et engagés (on lit souvent cette oeuvre en 3e et au lycée). Mais elle laisse le lecteur s’interroger, sans lui donner de réponse toute faite ou moralisatrice. C’est sans doute ce qui fait la force de ce récit. 

Grâce aux photographies des peintures murales de C215, Matin brun interpelle. Les regards de ces visages interrogateurs, inquiets ou déterminés, s’adressent à nous. Nous sommes ces enfants, ces hommes et femmes, ces vieillards. Nous sommes le peuple qui souffre et se demande « Pourquoi ? » 

le regard des hommes

Pourquoi lire Matin brun ?

Dans « Matin brun », Franck Pavloff et C215 nous font entendre leurs voix et lire leurs regards sur l’humanité. On n’en sort pas indemne mais cette lecture est nécessaire et continuera, je l’espère, à passer de main en main. 

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(Mots Tordus)

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