Moon (Cyrille Pomès)

J’ai découvert le travail de Cyrille Pomès , tout d’abord avec son adaptation du roman de Xavier-Laurent Petit, le fils de l’Ursari (en collaboration avec Isabelle Merlet) puis avec son récit sur le long voyage de deux jeunes afghans, 9 603 kilomètres : l’odyssée de deux enfants. 
 

A cette époque, je recherchais des histoires pouvant servir de compléments à certains cours étudiés par nos élèves d’Ulis, notamment en géographie. 

 
Deux choses m’ont frappé chez cet auteur. 
La première est évidente : un dessin reconnaissable parmi des centaines. 
Si pour 9603 kilomètres, il avait adopté une approche plus réaliste, avec Moon, il retrouve son trait inimitable avec des personnages aux trognes si typiques. 
 
Des encadrés dans une double page de décor

 

Un soin tout particulier a été apporté à de chouettes doubles pages où certains encadrés se faufilent. 
Une nouvelle fois, le travail d’Isabelle Merlet sur la couleur est merveilleux et transpire, notamment sur les décors.
 
des atmosphères aux couleurs pastels saisissantes

 

La seconde est cette façon, si naturelle de mettre en scène ses personnages.
Que ça soit Ciprian ou les cousins Adil et Shafi, on pourrait très bien les croiser au hasard d’une rencontre que cela ne nous étonnerait aucunement. 
Et c’est exactement ce sentiment qui prédomine à la lecture de Moon
 
Plaçant l’action de son récit dans un petit collège de village, il s’attarde sur la vie de jeunes adolescents, la tête vissée à leur téléphone portable. 
C’est le cas , en particulier, de Luna, une jeune fille populaire totalement accro aux réseaux sociaux. 
Egocentrée, parfois piquante, même avec sa meilleure amie ( dont elle se moque des rondeurs sans se rendre compte qu’elle peut être blessante ), elle ne vit qu’à travers les réactions des autres, et notamment de Loïc, le jeune rebelle du village. 
Cosmos, lui, est bien loin de tout ça. Un peu à part, son père ne veut pas qu’il ait de portable. Isolé et moqué, il préfère rester à la marge. 
Jusqu’au jour où un éclair percute un pylône et coupe le réseau de tout le village pour deux semaines. 
 
Et boum, plus de réseau

 

Cyrille Pomés continue donc à s’intéresser à la jeunesse mais laisse le monde des migrants pour celui, plus terre à terre, des collégiens.
Entre brimade, règlement de compte et nouvelle rencontre, Moon réussit le pari de nous faire vivre le quotidien d’ adolescents plus vrais que nature. 
Il est d’ailleurs saisissant de se dire que je pourrais très bien en rencontrer certains d’entre eux au collège. 
 
L’auteur analyse avec justesse leur obsession du « paraître » mais c’est pour mieux amener vers le vrai sujet de son récit : la communication ou le manque de communication ( que ce soit entre adolescents ou avec les adultes )
Le téléphone et autres écrans ont envahi notre quotidien et, alors que nous croyons pouvoir communiquer partout et à tout moment, les réseaux ne sont que des façades. 
La vie de Luna, à travers cette illusion, cache des relations familiales difficiles. 
Dans Moon, c’est à partir du moment où tout est coupé que les échanges se font véritablement et que les vérités deviennent bonnes à dire. 
 
Alors oui, on aurait pu frôler la caricature car il est toujours un peu facile de remettre toutes les fautes sur une invention technologique ou sur un génération. 
Mais ce serait mal connaître le travail de Cyrille Pomés. 
Celui-ci montre assez habilement que l’obsession du portable n’est pas forcément une question de génération et que les adultes n’ont pas vraiment de leçon à donner sur cela. 
De plus, par le biais de Cosmos et de son père, il démontre que l’absence de portable n’est pas forcement liée à un manque de communication, qu’en priver un adolescent est loin d’être la solution. 
 
Alors y a-t-il une solution ? 
Ce n’est pas vraiment le propos de l’auteur. Il n’est pas dupe, il est conscient que cet outil imprègne maintenant nos vies. 
Moon propose juste un regard bienveillant sur des enfants qu’on juge souvent hâtivement, en oubliant un peu vite que nous aussi nous avons été jeunes. 
Après tout, ne disions-nous pas de notre génération qu’elle était vissée aux écrans de télévision ? 
 
Bulles Carrées 

2 réflexions sur “Moon (Cyrille Pomès)”

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