Mots Tordus et Bulles Carrées

Plein gris (Marion Brunet)

Et si on lisait un bon thriller ?  Voilà un genre que j’ai beaucoup écumé en littérature dite « adulte » mais peu en « jeunesse » ou « young adult ».

« Plein gris » de Marion Brunet (aux édition PKJ) a attiré mon œil gourmand dans les rayons de la librairie par sa couverture bleu profond, ses voiles blanches et ses reflets rouges (classique pour ce genre, me diriez-vous, mais une belle création tout de même d’Axel Mahé).

 
 

Autant le dire tout de suite, je suis une terrienne, absolument ignorante du monde de la mer, et de la navigation en particulier. C’est pourtant avec plaisir que je me suis plongée dans ce huis clos cauchemardesque d’une bande de cinq jeunes de Terminale, lancés dans un voyage vers l’Irlande, sensé symboliser leur grande amitié.

Enfin, plutôt quatre … En effet, le premier chapitre de Plein gris s’ouvre sur l’image d’un corps remontant à la surface près du bateau : il s’agit du cadavre de Clarence, l’un des cinq amis embarqués quelques jours plus tôt à bord du Céladon, le voilier des grands-parents d’Elise, avec Sam, Emma et Victor, ses amis.

C’est Emma qui prend la parole pour remonter le fil des récits qui se croisent ici : d’abord l’histoire de cette amitié exclusive et intense, de cette bande organisée autour de Clarence le lumineux, celui qui attire et rassemble, celui qui emmène et entraine dans son sillage, Clarence le séducteur qui manipule parfois pour garder son emprise. Ensuite, celle de leur croisière qui vire au cauchemar, entre la mort d’un des leurs et la tempête qui s’acharne sur le Céladon. 

La construction du récit, alternant entre flash-backs et tempête plus que présente, est particulièrement efficace. Marion Brunet pose chaque pièce du puzzle stratégiquement afin de permettre au lecteur d’entrer dans l’intime des personnages, dans leurs relations et leurs désillusions, dans leurs enthousiasmes aussi et leurs émotions ambiguës parfois. Elle traite ainsi avec talent et fluidité la complexité de ces cinq personnalités adolescentes qui vont s’entrechoquer dans ce voyage extrême et révéler parfois une part sombre d’elles-mêmes. La langue est précise, brute parfois mais toujours rythmée. Et l’on dévore ces lignes avec avidité parce qu’il est question de vie et de mort.

Sans doute, le parcours professionnel de l’auteur éclaire beaucoup cette facilité à dépeindre les adolescents : Marion Brunet est éducatrice spécialisée. Plusieurs de ses romans, notamment aux éditions Sarbacane, mettent en scène des adolescents qui entrent brutalement dans le monde des adultes et qui garderont les traces d’expériences parfois violentes.

En tous cas, l’autrice est entrée avec fracas dans ma bibliothèque et Plein gris augure de belles lectures à venir.

Son roman fait partie de la sélection du prix Vendredi 2021.

COMMANDER SUR

(Mots Tordus)

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Aller au contenu principal