Le puits et la lumière (Paula Bombara)

Il est des livres qui nous arrivent de l’autre côté de l’Atlantique bien des années après leur écriture. C’est la cas de ce roman de Paula Bombara, autrice argentine, qui fut publié en 2002, sous le titre  » El mar y la serpiente » (en français « le puits et la lumière », d’après la traduction de Sophie Hofnung). Mais seulement 20 ans plus tard aux éditions Talents hauts.

On comprend, à l’image de couverture, qu’il s’agira ici d’ombre et de lumière. De tristesse et d’espoir. De disparition et de vie.

Soutenue par Amnesty international, cette édition  » le puits et la lumière » honore, en effet, le travail de mémoire « intime et universel » de la population argentine, victime de la dictature de 1976 à 1983. Instauré par le général Videla, ce régime violent fut à l’origine d’enlèvements, de tortures et de meurtres. 30000 personnes, appelées « desaparecidos« , ne seront jamais retrouvées. Chaque jeudi, les mères de ces « disparus » manifestent, devant le palais présidentiel, place de Mai. Elles demandent justice et vérité. C’est l’une de ces histoires familiales que nous raconte ce roman. Celle d’une petite fille dont le père va disparaitre et dont la mère va être torturée.

La mer et le serpent

La traduction du titre peut paraitre surprenante. Mais à la lecture de ce court roman, on comprend que la traduction littérale par « la mer et le serpent » aurait désorienté les lecteurs. En effet, la mer, face à laquelle se réfugie la jeune narratrice, symbolise dans ce récit le père disparu. Le serpent est une sorte de doudou créé par la mère pour sa fille alors que les militaires la retiennent.  

La force de ce récit, à l’écriture simple et en apparence enfantine mais incisive, tient dans le point de vue de la narratrice qui assiste à une tragédie historique et tente de comprendre, avec son regard d’enfant d’abord puis d’adolescente, la réalité dure et funeste de son pays et des répercutions sur sa famille. 

Les silences qui ponctuent les dialogues témoignent à la fois de la volonté de la jeune fille de comprendre ce qui est arrivé à son père et à sa mère, mais aussi de la douleur et des secrets qui entourent ces familles qui vivent dans la crainte des enlèvements et des disparitions, même après le retour à la démocratie. 

Pourquoi lire Le puits et la lumière ?

En trois parties, "la petite fille", "l'histoire" et "la décision", l'autrice nous fait vivre une période sombre de l'histoire argentine, pleine de tristesse et de non-dits, de peur et d'espoir. 

Comment grandir et se construire entre toutes ces disparitions et ces silences ? Comment écrire les blancs de l'histoire familiale ? C'est ce que Paula Bombara réussit avec sensibilité et finesse, pour que reste vive la mémoire des "desaparecidos" et que grandissent les générations futures.
(Mots Tordus)

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