Wonder Woman Historia (Kelly Sue DeConnick / Phil Jimenez / Gene Ha / Nicola Scott)

Les déesses du panthéon olympien sont lassées de la médiocrité de leurs homologues masculins.
Avec l’appui partiel d’Héra, elles créent une société secrète libérée de la toute puissance masculine : les Amazones..
Sur Terre, une jeune femme doit se débarrasser d’un nourrisson qui a commis l’erreur de ne pas naître du bon sexe.
Prise de scrupule, elle essaie en vain de rattraper le landau qui dévale le fleuve.
Mais cette course poursuite ne l’amène qu’à faire face, une nouvelle fois, à la barbarie des hommes.
Elle ne sait pas encore que le destin va lui permettre de croiser celui des Amazones.
Puis de devenir leur future reine : Hippolyte.

Wonder Woman : Historia, un récit mythologique féministe

Des femmes puissantes pour faire face à l’oppression des hommes

Hippolyte, une femme guerrière

Wonder Woman : Historia de Kelly Sue DeConnick a un titre faussement trompeur.
S’il n’est pas vraiment question de Wonder Woman, cette histoire est fondatrice des origines de la super héroïne.

Axée sur la destinée d’Hippolyte, future reine des amazones et mère de Wonder Woman, la mini série est un récit mythologique profond donnant la part belle à des portraits de femmes magistraux.
Il faut bien avouer que la mythologie est avant tout une vision d’hommes.
Et même si les femmes n’en sont pas exclues (loin de là même), elles restent dans des rôles conditionnés par l’époque.
Le mâle est forcement un guerrier et, si les femmes peuvent l’être, comme les Amazones, elles doivent perdre une partie de leur féminité, à l’image de ce sein tranché pour pouvoir tirer à l’arc.
Une vision allègrement retoquée par la narratrice dès la première page.
Pour Kelly Sue DeConnick, les Amazones sont avant tout l’expression d’une injustice : celle de la violence des hommes faite aux femmes.
Pour cela, rien de mieux que la création divine d’une caste prête à combattre ces injustices.
Ainsi, elles deviennent le bras armé de la condition féminine mais doivent rester cachées pour ne pas attirer le regard réprobateur des Dieux.

Car même en Olympe, l’égalité des sexes n’a pas sa place.
Héra en est un très bon exemple.
On pourrait la croire soumise mais la divinité est plus complexe.
Il ne faut pas oublier qu’à l’origine, Héra est l’expression même de la femme jalouse qui ne supporte plus les infidélités de Zeus.
Cette imagerie n’est pas reprise, même si le récit montre toute la difficulté de leurs rapports.

À l’opposé, Hippolyte reste humaine.
L’autrice lui enlève toute ascendance divine, donnant encore plus de grandeur à son ascension.
Marquée par un péché originel, elle cherche à se racheter en trouvant sa place auprès des Amazones.
D’abord simple guerrière, elle gagne petit à petit assez de prestige pour devenir un élément moteur de leur destinée future.

Un récit épique et grandiose

Massacrer tout en restant cachées

Wonder Woman : Historia coche toutes les cases du récit mythologique.
Parfaitement documenté, on y retrouve tous les codes qui érigent les légendes grecques même si le propos se veut plus actuel.

Ainsi les Dieux et les Déesses sont partout et à l’origine de tout.
À ce niveau, Artemis se retrouve rapidement liée à la destinée d’Hippolyte, lui offrant la protection nécessaire pour atteindre ses objectifs.
Ainsi, Hippolyte prend le rôle de l’héroïne soutenue dans ses efforts par une déesse, agissant avant tout par rancune contre la « lâcheté » d’Héra.

De la même façon, on y retrouve un élément majeur de l’histoire d’Hippolyte : l’affrontement contre Héraklés.
Un combat maintes fois raconté et aux résolutions multiples.
Héraklés est l’archétype du « mâle dominant ».
Injurieux et brutal, il est bien loin de l’image que l’on se fait d’un héros de la mythologie.
Kelly Sue DeConnick développe sa vision en faisant de cette victoire face au demi-dieu un fondement de l’unité des femmes.
Une façon judicieuse de montrer aux lecteur.rices que le combat ne peut pas se faire seule.

les 3 visions artistiques de Wonder Woman : Historia

Un dessin foisonnant et original

Wonder Woman : Historia se divise en trois chapitres marqués par 3 approches graphiques personnelles mais unies.

Cette union, on la doit au premier d’entre eux : Phil Jimenez.
Le dessinateur, souvent comparé à Georges Perez, a imaginé les designs des dieux et déesses, ainsi que ceux des Amazones.
Si vous avez aimé les créations de Cliff Chiang sur le Wonder Woman d’Azarello, vous serez sans doute épaté par le travail de Phil Jimenez.
Son trait est non seulement original mais respecte parfaitement l’imagerie de chacun.es de ces icônes légendaires.
Athéna, pour n’en citer qu’une, est absolument fascinante.
Pour le reste, le dessinateur américain assure un travail soigné mais parfois un peu trop foisonnant.
Si beaucoup aiment cette partie, avec son trait typé franco-belge, on peut regretter que la colorisation prenne un peu trop de place.
Le dessin perd ainsi, sur certaines cases, une partie de sa lisibilité.

On a un réel plaisir à retrouver Gene Ha qu’on n’avait pas revu depuis sa collaboration avec Alan Moore sur Top Ten.
Sa stylisation s’attache moins à la perfection morphologique des amazones et des déesses, leur donnant des silhouettes plus réalistes, malgré une certaine carrure.
Héra, notamment, a plus de formes, ce qui convient bien à son rôle de mère fondatrice.
Si ses arrière-plans sont moins poussés, il laisse plus de place à une colorisation apportant de la matière à son dessin.

Nicola Scott risque de plaire à la majorité.
Son style mainstream réunit à la perfection un dessin détaillé et une mise en page dynamique et léchée.
Un condensé de pur comics qui perd cependant un peu de son originalité au vu de l’ambition d’ensemble.
Malgré tout, les planches restent saisissantes, notamment sur les scènes d’action dont elle a , en grande partie la charge.

Au final, l’ensemble est cohérent et ne gêne à aucun moment l’unité de la lecture.
Si certains préfèreront tel ou tel dessinateur, cela reste une histoire de goût car aucun n’aura démérité.
Pour s’en convaincre, il suffit d’admirer les bonus mettant en scène le travail engagé par les 3 artistes.

En résumé

Wonder Woman : Historia de Kelly Sue DeConnick est une oeuvre ambitieuse et foisonnante qui, en plus de développer le parcours mouvementé d'Hippolyte, donne la part belle aux personnages féminins de la mythologie. 

Partagée entre 3 dessinateurs, Phil Jimenez, Gene Ha et Nicola Scott, la partie graphique est impressionnante, malgré des styles radicalement différents, liés par une vision d'ensemble originale. 

Un chouette coup de coeur. 

Prix et récompenses

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