Armelle, petite tortue solitaire, a peur de la nuit.
Effrayée par toutes les créatures qui peuplent les recoins lugubres de la forêt, Armelle ne sait plus comment faire pour gérer ses angoisses.
Jusqu’au jour où elle rencontre Mirko …
Une lumière dans la nuit
Une sombre solitude
Armelle et Mirko, du duo Anne Montel et Loïc Clément, est à mettre, au mois sur le premier tome, aux côtes d’oeuvres telles qu’Epiphanie Frayeur de Séverine Gauthier et Clément Lefevre ou Ma peur et moi de Francesca Sanna.
Derrière cette fable, se cache une réflexion profonde sur l’amitié, la solitude mais aussi le monde qui nous entoure.
Armelle a terriblement peur du noir.
Le moindre petit bruit ou petite ombre lui fait imaginer le pire.
On comprend dès les premières pages que, lorsque le soleil se couche, la petite tortue engage un combat quotidien qu’elle est condamnée à perdre, ne pouvant que se replier sur elle-même.
On pourrait croire que la journée est source de réconfort mais il n’en est rien !
Son environnement reste hostile et, alors que les autres tortues se protègent en se recroquevillant dans leur carapace, Armelle en est incapable.
Se blottir dans cet espace, c’est faire face à son propre intérieur, tout aussi sombre que l’extérieur.
On est assez surpris par la mélancolie du premier tome.
Les auteurs nous font ressentir la terreur de la pauvre tortue tout en nous donnant une explication terrible mais, malheureusement, réaliste.
Et si tout cela avait pour source une simple blague de mauvais goût ?
Ne plus être seule
Mais la vie d’Armelle va changer du tout au tout grâce à une simple rencontre.
A priori, rien de destinait un luciole à faire ami amie avec une tortue.
Pourtant, Mirko va très vite être touché par la sensibilité mais aussi la tristesse enfouie dans les ressentiments d’Armelle.
Il l’écoute, la comprend et fait preuve d’une compassion dont on avait jamais fait preuve pour cette pauvre tortue.
Sans s’en rendre compte, Mirko met fin à une solitude qui pesait sur Armelle.
Certes, certains traumas peuvent ressurgir sans crier gare et la confiance entre les nouveaux amis n’empêche pas la peur de resurgir.
Cependant, l’amitié n’est elle pas une solution même aux problèmes les plus complexes ?
C’est justement ce que développe le second et troisième volume.
Après un temps passé ensemble, Mirko veut reprendre son voyage.
Et immédiatement, le lecteur craint le pire pour la pauvre Armelle qui, au moins un temps, retombe dans ses travers.
Enfin pas totalement.
Les moments de complicités passés avec son ami l’ont fait progresser et la tortue n’est plus la même.
Un fond écologique
Sur les premiers volumes, la nature était déjà omniprésente même si elle faisait plus office de décor.
D’ailleurs, jusque là, on pouvait voir Armelle et Mirko comme une fable teintée de douceur et de mélancolie.
Ce troisième tome se veut plus tranchant, mettant en scène une nature puissante et parfois dévastatrice.
D’ailleurs, le ressentiment d’Armelle devant les restes de sa demeure fait terriblement écho avec une actualité encore très récente.
Une nouvelle fois, le coupable semble tout désigné et Anne Montel et Loïc Clement ne font pas dans la dentelle :
» Au cours de mes voyages, j’ai entendu des histoires sur des créatures appelés « humains » … Ils avaient complètement détraqué la météo et ont fini par disparaître. »
Ce propos donne un nouveau cachet à Armelle et Mirko, ramenant la série vers une certaine réalité.
D’ailleurs, des vestiges de cette humanité révolue font leur apparition et sonnent comme une mise en garde.
Des illustrations de toute beauté
Soyons clair, la découverte du dessin de Julien Arnal est la révélation d’un auteur extrêmement talentueux.
Se spécialisant tout d’abord pour l’animation, il signe ici sa première série jeunesse.
Ses personnages, Armelle comme Mirko sont parfaitement caractérisés.
Rien qu’avec une paire de lunettes et une simple écharpe rose, il apporte une tendresse à notre tortue.
Quant à Mirko, c’est encore plus impressionnant.
Minuscule comme tout bon luciole qui se respecte, son chapeau et son cardigan lui donnent un petit look anglais parfaitement identifiable même sur ses petites apparitions.
Ses ambiances graphiques sont marquées par une gestion de la lumière et des couleurs impeccables mais aussi par un jeu de texture délicat.
Qu’on soit en pleine nuit avec son peuple des ombres ou en plein jour, les couleurs de Julien Arnal apportent des tonalités variées suivant l’atmosphère recherchée : effrayante d’un côté, poétique de l’autre.
On referme ces albums ébloui par la performance.
En résumé
D'après une idée originale d'Anne Montel, Loïc Clément écrit, avec Armelle et Mirko, une fable sur une amitié naissante entre deux êtres qui n'ont, à priori, rien en commun.
Cette amitié s'enrichira de nombreux personnage tout en abordant de façon symbolique, les ravages de l'humanité sur la météo et la nature.
Julien Arnal, qui débute ici sa carrière d'auteur jeunesse, étonne par ses ambiances colorées, donnant une pâle prépondèrante à la beauté de ses décors sans pour autant laisser de côté sa galerie animalière.
Une histoire tendre, émouvante et fort agrémenté d'un véritable coup de coeur graphique.
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