Le conte du pêcheur (Sally Nicholls / Julia Sardá)

Un vieux pêcheur souhaite trouver un cadeau pour le baptême de son fils mais il n’en a pas les moyens.
Pour y remédier, il entame un périple afin de recruter un parrain digne de ce nom.
En une journée, il rejette la candidature du Bon Dieu et du Diable, les jugeant inaptes à la tâche.
Mais la Mort, plus juste dans ses choix, propose au pêcheur un marché qu’il ne peut refuser.

Le cynisme des Frères Grimm

Une rencontre improbable

Le conte du pêcheur de Sally Nicholls et Julia Sardà est l’adaptation de La mort marraine, un conte des frères Grimm.

J’ai une certaine admiration pour les contes et, dans le genre, ceux des frères Grimm sont les plus exemplaires.
Je ne vous parle pas de la version édulcorée passée sous la moulinette de Disney mais essentiellement des textes originaux, bien plus sombres dans leur approche.

Le conte du pêcheur retranscrit toute cette imagerie fantastique mise au service d’une morale cynique à souhait.
D’ailleurs, Sally Nichols garde sa structure en deux parties : une première consacrée à la recherche du parrain et une seconde sur les conséquences engendrées par le pacte engagé avec la Mort.
Fidèle au texte initial, l’autrice prend toute une iconographie religieuse mettant face à face ces deux grandes figures.
Si on n’est guère étonné que le pêcheur n’accorde pas sa confiance au Diable, il est plus étonnant de le voir rejeter avec véhémence le Bon Dieu.
Pourtant, le pamphlet s’avère assez critique vis à vis des actions de la divinité.
Il faut s’imaginer ce que c’est de remettre en cause Dieu à l’époque des frères Grimm. Et pourtant…
Sally Nicholls, par la voix du pêcheur, fustige la justesse du jugement divin estimant, à raison, que les hommes ne naissent pas égaux.
Au final, seule la Mort applique à la lettre le concept même d’égalité.
Qu’on soit riche ou pauvre, on meurt tous !

Sur la seconde partie, l’autrice se permet quelques changements, concentrant l’essentiel de son récit autour du pêcheur.
Ainsi, le vieillard pactise avec la Mort et non son fils.
Ce détournement peut paraître anodin, surtout que la trame reste la même.
Mais elle débouche vers une fin percutante, poussant le cynisme à un degré plus haut.
De plus, en restant sur le pêcheur, le texte jette un regard réprobateur sur les faiblesses humaines.
En effet, si les actes du pêcheur sont justes, la peur de la mort le pousse à renier ses propres convictions.

Et l’issue ne peut qu’en être fatale.

Un style gothique

Un dessin en forme de guide

Qui mieux que Julia Sardà pour illustrer ce Conte du pêcheur ?
Découverte, en tant qu’illustratrice, sur Mary auteure de Frankenstein, Julia Sardà démontre un certain penchant pour les ambiances sombres et gothiques.

On retrouve cette influence sur la couverture qui rappelle, à certains égards, les sublimes enluminures de livres anciens.
Son style, unique et personnel, reste un mélange de multiples inspirations, tout en reprenant l’imagerie des contes.
Le trait est détaillé sans être uniforme et s’attache tout particulièrement aux effets de matières.
De même, les designs sont codifiés mais parfaitement maitrisés.
Ainsi, La Mort symbolise parfaitement la justesse de ses actions. Son visage reste neutre, même si elle fait preuve, à de rares moments, d’une forme d’humanité.

La colorisation se veut sobre avec une teinte orangée qui unit l’ensemble des illustrations.
D’ailleurs, celles-ci mettent en valeur le texte autant sur le fond que sur la forme.
Sur le fond, en illustrant le conte et, sur la forme, en servant de décor aux pages elles-mêmes.
L’apparition du Diable en est le parfait exemple.
En effet, il encadre le récit tout en le mettant en scène.

Un choix graphique pertinent qui donne une véritable allure au conte du pêcheur.

En résumé

Le conte du pêcheur de Sally Nicholls et Julia Sardà est une adaptation fidèle de la Mort marraine des frères Grimm. 

Tout en reprenant le récit original, l'autrice opère de subtils changements et renforce sa portée symbolique ainsi que le cynisme de sa morale.
Julia Sardà illustre magnifiquement l'ensemble en donnant une âme gothique au récit, tout en le décorant à la manière des enluminures de textes anciens.

Un conte macabre dont la morale marque les esprits.

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