Aspergus, peintre talentueux et réputé, est en pleine remise en question sur l’intérêt de ses oeuvres. Un de ses assistants couleur va l’aider à trouver une solution pour se renouveler.
Aspergus et ses petites mains
Aspergus et moi de Didier Lévy et Pierre Vaquez part d’un principe simple : certains grands artistes ne travaillent pas seuls.
Ils sont accompagnés, dans leur projet, par plusieurs « petites mains ».
Celles-ci composent l’atelier et dont la tâche est d’aider au mieux le grand maître.
Un petit monde avec ses propres codes et sa hiérarchie inégalitaire comme le montre la typographie du titre avec un énorme Aspergus et un petit et moi.
Pour le maître, le succès et la gloire.
Pour les assistants, l’ignorance et les tâches ingrates.
Cependant, parmi eux, une petite souris qui a la tâche de s’occuper des couleurs, et plus spécialement du noir, va se détacher du groupe en osant parler au Maître pour comprendre son désarroi.
Nous retrouvons ce noir omniprésent dans les sublimes illustrations de Pierre Vasquez. Ces dessins, prenant une bonne partie de la place, sont rehaussés par des couleurs.
Ce sont des notes d’espoir et de changement dans un monde cloisonné et austère où seule la bouille joyeuse de notre assistant transparaît.
Le Renouveau de l’artiste
Le renouveau, c’est la deuxième grande thématique de cet album jeunesse.
Aspergus est effectivement un artiste renommé mais il n’aime pas ce qu’il fait.
Il sent, au fond de lui, que ses œuvres sont « mauvaises » et qu’elles ne sont que le fruit de commandes pour de riches clients.
Et il a de plus en plus de mal avec cette sensation.
On y retrouve d’ailleurs, par petites touches, cette critique de la monétisation de l’art qui détruit d’une certaine manière la créativité des artistes.
Il trouve la solution grâce à son assistant qui lui propose différentes méthodes pour faire évoluer son dessin.
Derrière tout cela, les auteurs se questionnent sur ce qu’est une « belle œuvre ».
Doit-elle être réaliste avec une technique irréprochable ou plus « enfantine » avec un trait moins contrôlé et un artiste travaillant seul, sans aucune pression ?
Au final, le message est simple : un artiste ne peut continuellement faire la même chose.
Il doit sans cesse remettre en question son art s’il ne veut pas tomber dans l’ennui.
Tous ceux qui ont tenu un crayon ou un pinceau savent à quel point cette vision est pertinente.
Le rôle de l’artiste dans la transmission
Sur les dernières pages, l’humanisme prend le pas sur la valeur marchande.
Aspergus, toujours bien conseillé, va comprendre l’importance de la transmission.
Monter une école, donner des cours, apprendre, comme ils disent :
» aux enfants à dessiner comme les grands et aux grands à dessiner comme des enfants. »
De ce point de vue, j’ai eu l’impression de retrouver le message de Dessiner sur les Murs (Mathew Burgess et Josh Cochran) consacré à l’artiste Keith Harring.
La transmission et l’éducation sont nécessaires pour faire vivre un art et permettre aux nouvelles générations d’apprendre puis d’expérimenter leurs propres voies.
En résumé
Aspergus et moi, derrière un graphisme sublime, pose le questionnement du renouvellement continuel de l'artiste et de son rôle en tant que passeur de savoir.
Une oeuvre généreuse à découvrir à tout âge.
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