Sean Murphy s’empare de l’univers Batman pour créer, à travers une trilogie et deux spin off, un multiverse fortement imprégné de la vision de Bruce Timm et saupoudré de celle de Tim Burton.
Bienvenue dans le Murphyverse !
Batman : White Knight
Après une course poursuite effrénée, Batman force le clown à avaler une dose importante de médicaments.
Sous les yeux effarés du commissaire Gordon, la scène est filmée puis rendue publique.
Le débat entraine une remise en question des agissements du Dark Knight.
Paradoxalement, le traitement infligé au Joker semble l’avoir guéri de sa folie.
Jack Napier est enfin débarrassé de son alter ego.
Pour autant, il compte bien régler ses comptes avec le justicier de Gotham City.
Une trame classique
Batman : White Knight commence par un énième affrontement entre Batman et son éternel rival, le Joker.
Vilain hautement charismatique, le Joker fascine.
Ses nombreuses apparitions, que ce soit dans les comics ou dans les diverses adaptations cinématographiques, le prouvent aisément.
Si le vilain a évolué depuis sa création en 1940, passant du clown grotesque au psychopathe incontrôlable, sa surexploitation commence à lasser.
Et on aurait pu s’inquiéter qu’un auteur aussi talentueux que Sean Murphy nous resserve la même recette.
Heureusement, il prend le parti de localiser son histoire dans univers alternatif.
Un choix qui lui offre la liberté nécessaire pour s’affranchir de la synchrosainte continuité et proposer une vision nouvelle des rapports entre les deux adversaires.
Le duo Batman/joker vu par ….
La grande originalité de White Knight tient dans cet inversion des rôles.
Batman se retrouve dans la position du hors-la-loi alors que Jack Napier (Joker) devient le justicier.
Et c’est un justicier au bout du rouleau que nous décrit Sean Murphy.
Alfred est malade, Nightwing l’a abandonné.
Il ne reste que Batgirl pour encore contenir l’agressivité montante de son mentor.
Aussi bizarre que cela puisse paraitre, c’est le Joker qui va mettre les pieds dans le plat.
Guéri de la folie qui l’oppressait, il reprend son identité de Jack Napier.
Le personnage, étrange mélange entre la version de Tim Burton et celle d’Alan Moore, s’oppose au chevalier noir par des méthodes renouvelées et beaucoup moins excentriques.
Pour lui, Gotham n’a pas besoin de Batman.
La version du Joker de Sean Murphy est éminemment tragique.
Obsédé par le Dark Knight, il se sent comme un amoureux éconduit.
Cet amour, forcement rejeté par le justicier, est une interprétation nouvelle et non dénuée d’intérêt.
En redevenant Jack Napier, il met fin à cette obsession.
Malgré tout, l’ombre du Joker plane toujours au-dessus de lui.
Et il n’aura de cesse de lutter contre son propre démon intérieur, aidé en cela par celle qui l’a toujours aimé : Harley Quinzel.
À travers ces deux personnages, l’auteur s’amuse à distiller ses références.
Jack Napier reprend le nom civil du Joker dans le film de Tim Burton.
Quant à la Batfamily, beaucoup d’élèments rappellent le dessin animé de Bruce Timm.
Une influence majeure que l’on retrouve comme un fil conducteur liant toute cette trilogie.
Au final, Sean Murphy combine les éléments qu’il aime pour construire sa propre version du chevalier noir.
Action et caractérisation
Au niveau action, Sean Murphy nous gâte avec des scènes époustouflantes de courses poursuites.
On sent véritablement son amour des gros bolides à travers ces scènes dignes de bons gros blockbusters.
Cependant, si vous vous attendez à de l’action à tout va, passez votre chemin.
White Knight, c’est tout d’abord un récit centré autour de ses personnages.
L’autre binôme de White Knight est sans conteste Harley Quinzel / Jack Napier.
Le cas d’Harley Queen est un peu plus complexe.
Pour faire simple, Sean Murphy met dos à dos la vision originale de Bruce Timm avec celle des comics actuels.
Et clairement, l’auteur ne semble pas un grand adorateur de l’évolution « moderne » d’Harvey Queen, qu’il juge avec dureté.
Le duo Harley / Jack est une des grandes réussites de White Knight.
Harley montre une tendresse bien loin des folies auxquelles elle nous a habitués.
La jeune femme met de côté sa folie pour vivre pleinement ses sentiments.
Une quête qui sera, aussi, un des éléments centraux de cette trilogie.
Des caractérisations en duo, il y en a beaucoup d’autres.
Nightwing et Batgirl essayant au mieux d’empêcher leur mentor de chuter.
Ou bien Gordon, qui à chaque coup d’oeil lancé à Batgirl, nous fait comprendre qu’il est loin d’être dupe.
Sean Murphy a su donner un rôle et une importance à chaque entité de la Batfamily, de la plus petite (Bullock) à la plus grande (Joker / Napier).
Il la fera évoluer au même titre que ses « héros » principaux que sont Bruce Wayne et Jack Napier.
Batman : Curse of the White Knight ( Chronique à venir )
Batman : Beyond the White Knight
Le Batman New Age
Suite aux évènements de Curse of the White Knight, Bruce Wayne se retrouve en prison.
Alors que sa peine arrive enfin à son terme, il apprend qu’un nouveau Batman fait la loi dans les rues de Gotham.
Il reconnait immédiatement un de ses prototypes et met en cause Powers, l’homme qui dirige le GTO et qui a fait de Gotham, avec l’aval de Dick Grayson, un état policier.
Connaissant la puissance mais aussi le danger que peut générer le costume du jeune Dark Knight, il s’évade de sa prison.
Mais la première rencontre qu’il fait, en tant qu’homme libre, n’est pas celle qu’il escomptait.
Il y a quelque chose de vraiment réjouissant à voir le costume de Batman Beyond sous les traits de Sean Murphy.
Une nouvelle fois, il montre tout l’amour qu’il porte aux travaux de Bruce Timm.
Or, si la période Beyond, mettant en scène un Batman futuriste, n’est pas la plus connue, elle a marqué l’enfance de nombreux fans.
Et pour le coup, on retrouve tous les marqueurs de la série animée, détournés astucieusement par un auteur qui se fait véritablement plaisir.
Alliances contre nature
Quelques années ont passé depuis Curse of White Knight et beaucoup de choses ont changé à Gotham, notamment au sein d’une Batfamily plus désunie que jamais.
Bruce, en revenant aux affaires, avec réticence, devient le catalyseur des choix de chacun, notamment ceux de Dick qui a trouvé en Powers des moyens plus efficaces pour mettre fin à la criminalité dans Gotham.
Mais à quel prix ?
Bruce, lui, veut réparer ses erreurs.
L’apparition de ce nouveau costume est un rappel de l’impact qu’il a eu sur la population.
Or, depuis, il semble avoir pris en compte l’avis de Jack Napier.
Gotham n’a pas besoin de Batman.
Ainsi, il fuit pour mettre un terme aux agissements de son successeur et va se retrouver à s’unir à une personne qu’on ne pensait plus revoir.
Sans en dévoiler tellement plus, on peut malgré tout remarquer que Sean Murphy a trouvé un moyen original pour assurer une continuité entre ces 3 récits.
Beyond of the White Knight sonne comme la fin d’un cycle.
Du coup, l’auteur se devait de clore ce qu’il avait mis en place sur les deux opus précédents.
Si le moyen peut paraître étrange, on s’y habitue assez rapidement.
On y trouve même une fraîcheur insoupçonnable.
Une rédemption familiale
La quête de rédemption est une des thématiques majeures de la trilogie de Sean Murphy.
À la fin de Curse of the White Knight, l’auteur acte le fait que Bruce Wayne abandonne définitivement son rôle de justicier.
Il en assume les responsabilités et accepte de purger sa peine de prison.
Une prison dans laquelle il retrouvera Jason Todd qui, dans le Murphyverse et de façon ironique, se trouve être le premier Robin.
Dans leurs échanges, on comprend tous les ressentiments qu’a l’ancien acolyte envers son mentor.
Ces ressentiments, on les retrouve sous une forme différente chez Dick Grayson.
Bruce, lui, pense enfin s’assumer.
D’ailleurs, il ne cessera de le répéter tout au long de cet album : » Ne m’appelez plus Batman, je suis Bruce Wayne. »
Pourtant, il ne semble pas comprendre que son alter-ego fait aussi partie de son identité et qu’il ne peut pas le rejeter de façon aussi radicale.
En résumé
Avec cette trilogie, Sean Murphy donne sa propre vision du Dark Knight. À travers ses multiples clins d'oeils aux travaux de Bruce Timm et Tim Burton, l'auteur invente un monde alternatif qui explore avec justesse les relations complexes entre Bruce Wayne et son entourage. Alors que White Knight interrogeait le rôle du justicier, Beyond the White Knight clôt la trilogie sous fond de rédemption et de pardon. Tout n'est pas parfait dans le petit monde de Sean Murphy et on pourra regretter certaines facilités ou des directions, par moment, un peu trop tortueuses. Cependant, l'auteur aura réussi le pari d'écrire et de dessiner une intrigue originale, cohérente, touchante et au final assez optimiste. Le murphyverse se clôt sur un cliff absolument époustouflant et qui risque de faire beaucoup parler. On imagine mal DC laisser cela sans suite. Avec ou sans Sean Murphy.
Note : les images illustrants cet article proviennent de la version Noir et Blanc d’Urban Comics.
Cette version est une édition limitée mais la série est aussi publiée en format classique et couleur.
Pour lire nos chronique sur : Le puits et la lumière et Undertaker