15 ans après avoir échappé à un assaut de l’alliance de la libération des animaux, Charlie s’apprête enfin à entrer au lycée.
Mais Charlie n’est pas un adolescent comme les autres.
C’est un humanzee, hybride entre l’homme et le chimpanzé, qui a été élevé jusque là par des parents humains dans un espace protégé.
Or, il est temps pour lui de découvrir le reste de la société humaine.
intrigue haletante de Darwin’s incident

Darwin’s incident étonne par l’audace et la résonance actuelle de son propos.
C’est sans doute pour cela que le manga est sorti de la masse en se retrouvant dans de nombreux coups de coeur de libraires.
Malgré tout, Shun Umezawa ne s’est pas contenté de faire de sa série une simple estrade pour un discours idéologique mais nécessaire.
Au contraire, si l’histoire de Charlie passionne, c’est aussi parce que son auteur a su insuffler une véritable tension à son intrigue.
Pur récit à suspense, Darwin’s incident réserve à ses lecteurs son lot de scènes d’action, de retournements de situation et autres coups de théâtre.
Sans pour autant les comparer, il y a dans l’écriture de Shun Umezawa, quelques points communs avec celle de Naoki Urasawa, notamment à l’époque de Monster.
Est-ce ce faux rythme qui cache une tension constante ? Ou bien le charisme assez saisissant de son « méchant ? Il y a un peu de Johan dans Max, vous ne trouvez pas ?
En tout cas, c’est une des grandes qualités du manga : sa facilité d’accès.
Si les sujets dont il traite semblent s’adresser avant tout aux plus grands d’entre nous, il n’en reste pas moins abordable et, que ce soit par l’action ou par le discours de son personnage, le mangaka évite de tomber dans un imbroglio idéologique moraliste.
Le graphisme de Shun Umezawa reste assez classique.
Un trait fin, peu poussé en terme d’encrage, mais qui laisse, au final, toute la place à une mise en page efficace, que ce soit lors des phases d’action ou lors des nombreuses scènes de dialogue où l’auteur multiplie les gros plans, démontrant un talent certain dans l’expressivité de ses personnages.
Et Darwin’s incident leur réserve une véritable place de choix.
Darwin’s incident et son propos écologique et sociétal
différence et tolérance

Charlie est plutôt du genre à attirer l’attention.
Il faut dire que son existence n’a jamais été cachée et que la nature même du personnage pose pas mal de questions.
Pendant longtemps, il a été protégé dans un univers clos mais ses parents adoptifs le savent prêt à rencontrer ceux de son âge.
Les premiers jours se feront seul.
On l’épie, on chuchote dans son dos mais on ne l’approche pas vraiment.
Or, petit à petit sa présence va agacer.
Autant pour ce qu’il est que pour ce qu’il véhicule.
Car, en tant qu’hybride, Charlie est végan.
Dans le sens où, comme il l’explique très bien, il a été élevé comme cela et qu’il ne s’est jamais posé la question du besoin de viande.
Or, être végan suffit à amener de l’animosité contre soi surtout dans ce royaume du barbecue que sont les Etats-Unis.
Cependant, le propos de l’auteur, au delà du véganisme, est symptomatique de toutes les situations d’intolérance.
Au fond, la situation de Charlie n’est pas tellement différente de celles des premiers étudiants noirs américains.
Il dérange (et fait peur) par sa différence.
Heureusement pour lui, il n’est pas le seul à se sentir à part.
Lucy (le choix du prénom n’est certainement pas anodin) n’est pas plus à sa place parmi ses congénères.
C’est sans doute ce qui va les rapprocher, au point de devenir petit à petit un binôme inséparable.
Elle s’avèrera d’ailleurs un soutien infaillible pour son ami qui n’a pas vraiment la langue dans sa poche et n’hésite pas à mettre le doigt là où ça fait mal.
Ecologie et éco-terrorisme

Darwin’s incident est un manga qui prend fait et cause pour la cause animale.
Charlie est végan mais à aucun moment il ne cherche à imposer son mode de vie aux autres, même s’il n’est pas du genre à prendre des pincettes lorsqu’il débat avec ses détracteurs.
A partir du moment où on aborde ce sujet avec lui, il s’en saisit avec une facilité déconcertante et pousse la réflexion vers des limites qu’un humain n’aurait sans doute pas osé dépasser.
Charlie : » Allez y, ne vous gênez pas pour moi.
Vous pouvez manger tout ce que vous voulez.
Du poulet, du boeuf, du porc, du poisson et même de l’humain…
Etudiant : » Comme si les humains pouvaient se bouffer entre eux !? »
Charlie : » Pourquoi les humains sont-ils les seules créatures que l’on a pas le droit de tuer dans le but de les manger ? »
« Si c’est parce que vous ne voulez pas les faire souffrir ou leur ôter la vie alors ça devrait s’appliquer à toutes les créatures sensibles dotées d’un système nerveux … »
Derrière les interrogations cyniques de Charlie se cache une véritable question de société.
Et c’est là toute la force du raisonnement de Shun Umezawa.
En quoi l’humain est-il si spécial qu’il peut se permettre ce que d’autres espèces ne peuvent pas faire avec lui ?
Un propos qui, poussé à l’extrême, amène aux actions de l’alliance de libération des animaux.
La violence pour forcer au changement.
Là aussi, le manga de Shun Umezawa est terriblement d’actualité.
Peut-on servir un objectif, aussi louable soit-il, en usant de violence ?
La question se pose de plus en plus dans notre société et sans en arriver, pour le moment, aux actions de l’organisation de Max, on voit bien que la radicalité prend de plus en plus la place de la discussion, même dans un domaine comme l’écologie.
De son côté, et cela ne fait aucun doute, Shun Umezawa rejette et critique cette méthode.
Déjà, c’est contre-productif en terme d’image : Charlie n’aura de cesse d’être jugé pour des actions qu’il n’a pas commises. Pire, on mettra en doute sa sincérité car, selon les rumeurs , il pourrait être du même camp que les extrémistes.
Le tome 2 est d’ailleurs assez exemplaire à ce niveau-là.
Tout en développant son message, Shun Umezawa démontre qu’une organisation de la sorte use au final de méthode terroriste.
Max n’hésite pas à user de la violence et à tuer tous ceux qui pourraient être contre leur vision.
Véritable entreprise terroriste, il utilise au final les mêmes méthodes que le terrorisme islamiste, prêt à manipuler les esprits les plus faibles pour qu’ils se sacrifient à leurs causes.
Le tome 3 donne d’ailleurs des éléments assez intéressants sur la création de cette organisation, démontrant que leur idéologie trouve sa source dans une histoire plus obscure.
D’une certaine façon, Max est le côté pile alors que Charlie est le côté face .
Font-ils pour autant partie de la même pièce ? C’est bien toute la question.
En résumé
Darwin's Incident nous plonge dans une intrigue passionnante aux multiples rebondissements et questionnements sur notre rapport à la cause animale. Si certains y verront du prosélytisme vegan, Shun Umezawa évite les amalgames. Il ne cherche pas à imposer son propos mais nous amène juste à nous poser les bonnes questions. A contrario, il fait de l'éco-terrorisme le véritable ennemi de la cause en cherchant à atteindre son objectif quelles que soient les pertes encourues. Par ce biais, Shun Umezawa regrette que la violence ait plus d'impact que le débat et se fait le reflet d'une société qui perd peu à peu ses repères.
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