Depuis mes lectures de Bordeterre et de Lettre à toi qui m’aimes, j’attendais impatiemment de replonger dans un roman de Julia Thévenot. C’est chose faite, et pour 2 tomes, avec Mille pertuis – La sorcière sans nombril. On y retrouve l’univers original et farfelu de l’autrice, mélange de sorcellerie moderne, de féminité en devenir et d’une écriture poétique et trash à la fois.
Dans la famille d’Alambrin, je demande…
Dans la famille d’Alambrin, il y a 3 filles : Epine, Ortie et Ronce. Toutes le trois sont les filles d’une sorcière puissante, prénommée Omphale. Elles vivent entourées de leurs tantes Viv, Réséda et Antigone, toutes sorcières et guides pour les jeunes débutantes.
Leur quotidien, pas banal, se déroule au milieu des « communs », c’est-à-dire les humains sans pouvoirs. Et ce n’est pas facile de rester secrètes lorsqu’on va à l’école avec eux.
Surtout quand on est une ado rebelle telle qu’Epine ou une petite gloutonne, dévoreuse de tablettes de lave-vaisselle et autres produits toxiques telle que Ronce.
Au milieu de ses soeurs, la cadette Ortie (prénommée Hortense dans le monde commun) découvre petit à petit ses pouvoirs et les dons qui les accompagnent. Elle apprend à devenir une sorcière accomplie, en respectant, plus ou moins, les règles de la sorcellerie.
Mais Ortie est curieuse et a une sensibilité très développée.
Comment Ortie est devenue une sorcière sans nombril
C’est ainsi qu’à 5 ans, elle se lie d’amitié avec un petit garçon nommé Corentin devant lequel elle pratique la magie au fond de la cour de récré, sans vraiment se rendre compte des risques qu’elle lui fait encourir.
En effet, les sorcières ont des pouvoirs, notamment de guérison, mais aussi de manipulation et d’hypnose, qui les rendent particulières. Et surtout, elles ont un Nord puissant, un destin lié à leur nombril qui les guide et concentre leur force. Encore très jeune, Ortie doit apprendre à le trouver et à l’apprivoiser. A renforcer ses sorts avec de la salive, du sang et des larmes aussi.
Au lieu de leur expliquer qu’elles avaient dans leur chair un noyau de magie concentrée, lequel définissait leur identité, leur vie et même ce qui venait après, pour ne pas les effrayer, on leur inculquait un catéchisme épuré : on avait en soi un aimant qui pointait vers le Nord, il suffisait de se laisser guider par sa boussole intérieure pour accomplir son destin.
Or, elle se lance dans des expériences avec Corentin et, à l’occasion d’un jeu, elle lui fait avaler son Nord, puis, plus tard, lui ouvre le ventre pour le récupérer. Sauf que le petit Corentin n’a pas de pouvoirs de guérison comme elle…
Les erreurs d’Ortie, souvent liées à son attachement ou à sa curiosité, mais aussi à sa fantaisie, vont l’amener à découvrir la force de sa magie, la solidarité des sorcières mais aussi d’autres mondes intrigants, symbolisés par le mille pertuis.
Et l’existence d’une sorcière grêleuse unique en son genre… ou plutôt d’un sorcier. Une anomalie dans ce monde uniquement composé de femmes sorcières.
Enfance, adolescence, indépendance d’une sorcière particulière
Si quelques clins d’oeil à Harry Potter parsèment le roman, n’allez pas croire que vous lirez un nouvel épisode de l’Ecole des sorciers.
Les sorcières sont des femmes modernes, indépendantes et originales. Parfois cruelles et violentes, elles savent prendre soin les unes des autres, se guider et s’entraider, dans une sorte de sororité magique. Et, même si l’époque où on les brulait vives est loin, elles n’en sont pas moins chassées.
C’est ce mélange quasiment indescriptible de monde actuel, de légendes et d’une sorcellerie ancrée dans la réalité (plantes et substances corporelles sont les ingrédients essentiels des sorts et autres potions) qui fait toute la saveur du roman.
On retrouvera ici l’écriture acidulée et rythmée de Julia Thévenot qui a décidément un grand talent pour créer des personnages féminins puissants et fragiles à la fois.
Généralement, les chagrins d’amour, on fait ça à vingt ans, mais il faut savoir qu’à vingt ans, Ortie, on est toujours un enfant, c’est donc certainement que la plupart des gens sont très en retard, pas spécialement que tu es en avance sur les drames de l’existence.
En suivant les souvenirs d’Ortie, de l’enfance à l’adolescence puis à son indépendance, l’autrice nous offre un voyage dans le coeur et les corps des sorcières.
L’humour y tient une part importante, notamment dans la première partie toute empreinte des réflexions d’enfant de la petite sorcière, parfois naïves mais toujours profondes. Les émotions sont fortes, les blessures sanglantes et les rebondissements en surprendront plus d’un.
Jusqu’à la dernière page… en attendant le tome 2.
Pourquoi lire Mille pertuis – La sorcière sans nombril ?
Mille pertuis (la sorcière sans nombril) de Julia Thévenot ne laisse pas indifférent. Avec un sens aigu de la narration, une plume parfois acidulée mais toujours sensible, et des personnages très originaux, l’autrice redonne au roman de fantasy et de sorcières un souffle nouveau. La potion concoctée a un côté punk, écolo et féministe à la fois.
Une surprise piquante dont on attend déjà le tome 2 avec impatience.
Pour lire nos chroniques sur Conan le cimmérien et Le trône de fer