« Il/elle est dyslexique« .
J’ai souvent entendu cette phrase, comme une sentence, dans la bouche de parents avec lesquels j’avais rendez-vous. Je l’ai peu entendu de la bouche même de l’élève, garçon ou fille. Parce que ce trouble de l’apprentissage est encore trop souvent porté comme une étiquette honteuse, synonyme de grandes difficultés et d’incompréhension.
Un parcours semé d’embuches
Dans son roman « DYS sur 10 » (aux éditions PKJ), Delphine Pessin, autrice et professeur de français en collège, dresse avec beaucoup de sensibilité le portrait complexe de Dylan. C’est un ado de 14 ans en 4e, dyslexique reconnu et suivi depuis l’école primaire, dans ses relations parfois tendues avec sa famille, ses amis et ses professeurs.
Le récit à la première personne nous place immédiatement au coeur du problème. On convoque Dylan pour son conseil de discipline et il ne peut réprimer un fou rire. Son attitude, en apparence déplacée, est en fait la marque de son malaise. Face à la liste des faits irrespectueux dont il a été l’auteur, Dylan ne sait pas expliquer ses gestes ni ses paroles. Il écopera de 3 jours d’exclusion, laissant sa mère désarmée et son père lassé.
Dys sur 10 va alors effectuer plusieurs retours en arrière. Il nous fait découvrir le parcours semé d’obstacles de Dylan. Depuis le diagnostic de dyslexie en CE1, après un an de consultations auprès de différents spécialistes et avec la mise en place d’un PAP (Plan d’Accompagnement Personnalisé) par la MDPH (Maison départementale pour les personnes handicapées), jusqu’aux événements qui l’ont conduit au conseil de discipline.
La grande force de cette histoire, c’est que l’autrice nous met dans la peau de Dylan. Son regard sur ses réactions, qu’il ne comprend pas toujours lui-même , ses émotions et sa relation aux autres est touchant et percutant. En effet, comment un adolescent peut-il construire son identité quand les mots qu’on lui colle sont des « guignol », « flemmard », « handicapé » ?
Un personnage touchant
Chaque situation conflictuelle, chaque débordement, est en fait la conséquence d’une humiliation, volontaire ou non, mais en tout cas ressentie comme telle, de la part des adultes ou des camarades. Dylan dit de lui-même qu’il est comme Bruce Banner, le personnage des comics américain qui se transforme en Hulk lorsque les émotions sont trop fortes et qu’il ne les contrôle pas. Des demandes ou des remarques a priori habituelles dans le cadre de l’enseignement deviennent ainsi des situations-problèmes. Ainsi, une fiche de renseignements mal écrite, une lecture à voix haute ânonnante, un contrôle pourtant révisé mais échoué… Toutes ces occasions sont comme des humiliations par l’enfant dyslexique.
Si l’on ajoute à cela une recherche d’identité correspondant à cette période difficile qu’est l’adolescence, tant du point de vue émotionnel que du point de vue relationnel avec les parents et les amis, on imagine aisément les obstacles qui s’accumulent pour Dylan. Il ne trouve pas sa place dans sa vie de collégien, de camarade et de fils.
Et c’est encore une fois une belle réussite du roman d’offrir à ce personnage une vision plus positive de lui-même. C’est grâce à ses amis proches (Pauline et Martin) mais aussi à sa découverte du théâtre (initiée par sa professeure de français Mme Nas), que Dylan va comprendre qu’il n’est pas réduit à ses résultats scolaires ni à cette étiquette de « guignol ». Il va retrouver confiance en lui, se découvrir capable de mettre en place des projets et aussi de communiquer avec ceux qu’il aime.
Pourquoi lire DYS sur 10 ?
Delphine Pessin, en 188 pages, nous éclaire de manière sensible et vraie sur ce que vivent dans leur quotidien les enfants dyslexiques. J'espère que des enfants touchés par ces troubles de l'apprentissage liront DYS sur 10, mais aussi leurs parents et leurs camarades. Par leurs enseignants aussi. L'ANAPEDYS (association nationale des adultes et parents d'enfants Dys) salue d'ailleurs, dans un texte préliminaire, la parution de ce roman.
Il est à noter que Dys sur 10 est disponible en édition audio, lue par Fred Testot, aux éditions Lizzie (les premières pages sont en écoute libre ici ), ainsi qu’en édition numérique dans une version « lecture confort » aux éditions 12/21.