Mots Tordus et Bulles Carrées

Et le désert disparaîtra (Marie Pavlenko)

Marie Pavlenko est une autrice jeunesse qui compte car ses personnages et leurs histoires germent dans la tête de ses lectrices et de ses lecteurs bien après leur lecture. Son récit intitulé Et le désert disparaîtra, paru aux éditions Flammarion, en est un parfait exemple. Au sens propre comme au sens figuré, il est une ode à l’arbre et à la nature. A ce qui nous unit aussi.

Samaa et l’arbre

Samaa est une jeune fille audacieuse et entêtée. Elle vit dans une tribu au milieu du désert avec sa mère. Dans ce monde, la nature a quasiment disparu. Les animaux sont rares, de même que l’eau et les plantes.

Elle a perdu son père, perdu lors d’une des chasses à laquelle il participait. Une chasse à l’arbre. En effet, dans ce monde sec et désertique, les arbres sont devenus des denrées rares, qui poussent dans des trouées et se revendent à prix d’or. On obtient, en échange de la vente de ce « bohis« , de la nourriture, des bouteilles d’oxygène et de l’eau gélifiée, pour toute la tribu.

Très attachée à ce père disparu, Samaa veut elle aussi aller chasser pour nourrir la tribu. Pour se venger aussi. Car c’est à cause de ces arbres si rares que son père n’est jamais revenu.

Chasser avec les hommes. Mais elle est une femme.

Moi aussi, je voudrais chasser les arbres, faire vivre la tribu. Au lieu de ça, j’apporte son potage à une vieille radoteuse édentée, et je file les fibres synthétiques que les hommes rapportent de la grande ville.
Minable.

Alors qu’elle voit sa mère dépérir depuis la mort de son père, son ami Solas qui la délaisse au profit de Tewida, l’Ancienne qui lui parle du monde d’avant, quand les arbres étaient partout, elle décide de partir seule et de rejoindre plus tard le groupe des chasseurs. Suffisamment tard pour qu’ils ne puissent plus faire demi-tour et qu’ils l’acceptent.

Je veux être chasseuse. La première de ma tribu. Je changerai le destin de toutes les femmes.

Mais après 23 jours de marche seule, elle se perd et tombe dans une trouée. Aux pieds d’un arbre solitaire lui aussi.

Engloutie par le désert, elle va découvrir que sa vie est liée à cet être majestueux.

Tout ce qui nous unit

Le récit de Samaa de ces jours passés auprès de l’arbre, mais aussi de la source et du microcosme qui l’entoure, est un combat pour la vie.

Celle de Samaa d’abord, dont la cheville est blessée et dont les rations sont limitées. Ses jours sont comptés.

Comment sortir de cette trouée profonde ? Comment tenir jusqu’à un improbable sauvetage ? La jeune fille va faire l’expérience de ce qu’elle tenait pour des propos farfelus : ceux de l’Ancienne qui parlait des bienfaits des arbres. De leur capacité à protéger de l’ardeur du soleil, de leurs racines qui plongent jusqu’à l’eau, de leurs branches qui deviennent nid ou atèle, de leurs feuilles douillettes et de leur écorce amère mais nourricière.

D’ennemi, l’arbre va devenir ami et ouvrir l’esprit de Samaa, dans un dialogue silencieux et poétique.

J’aime être perchée dans mon arbre, le monde y est différent.
Je reste des heures à observer le ciel à travers le feuillage.
Il me reste trente-deux repas.

Car, au-delà de la vie de Samaa, on devine que c’est celle de l’humanité qui se joue. Dans des retours en arrière ou des pensées de la jeune fille, on découvre que la population meurt de faim et de soif, à cause de l’exploitation qu’elle a faite des plantes et des arbres. Que ce cercle vicieux est entretenu par les villes et que les hommes se voilent la face en considérant la Nature comme un bien dont il faut s’emparer.

Le message écologiste est d’autant plus saisissant et fort que Samaa elle-même refuse de voir, au début de son séjour, ce qu’est vraiment l’arbre. Mais ce moment de vie auprès de lui va lui permettre de faire l’expérience des liens qui l’unissent aux êtres vivants autour de lui, à l’eau, au vent, à elle et à la vie en général.

En effet, si elle le considère au début comme « son » arbre, elle va apprendre à le respecter comme un « arbre-mère » et même le nommer « Naïa« . Prendre conscience surtout que sa vie compte. Se battre pour elle aussi.

Et garder espoir.

Pourquoi lire Et le désert disparaîtra ?

Le récit de Marie Pavlenko est à la croisée de la fable écologique, du roman d'anticipation et du texte poétique. Son écriture simple et forte procure, à certains moments, une intense sensation de calme et de paix, et à d'autres concentre des questionnements et des réflexions sur notre place dans la Nature et notre rapport à elle, tellement mis à mal.

C'est une parenthèse sensible et engagée qui encourage à défendre les arbres et à repenser notre place d'humains dans le monde vivant.

Une lecture nécessaire donc.
  • Prix Utopiales jeunesse 2020 et Prix Libbbylit Roman Ado 2021

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