Mots Tordus et Bulles Carrées

Catherine ( Julia Billet / Claire Fauvel / Mayalen Goust )

Adaptations des romans de Julia Billet, La guerre de Catherine puis Au nom de Catherine racontent le parcours d’une jeune fille vivant la seconde guerre mondiale puis la période de l’Après-guerre à travers l’objectif de son appareil photographique.

La guerre de Catherine

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Alors que l’Allemagne a envahi la France et que le régime de Vichy installe une politique de répression contre la population juive, Rachel doit changer d’identité et quitter la maison de Sèvres où elle avait trouvé refuge.
Elle prend le nom de Catherine et part, accompagnée de son Rolleiflex, sur les routes de France pour échapper à sa condition.

La fuite d’une jeune fille juive

Une jeune fille et son appareil photo

La guerre de Catherine de Julia Billet aborde cette fuite interminable de jeunes juif.ves pour échapper à la répression nazie.
L’ombre des camps de concentration, absents visuellement de l’album, plane, et même si la jeune fille n’a pas idée des risques qu’elle encoure, la crainte est assez forte pour fuir aux moindres soupçons.

Que ce soit au cinéma, dans la littérature ou tout simplement lors de cours d’histoire, la chasse des juifs par les allemands lors de la seconde guerre mondiale est un sujet connu.
S’inspirant de la vie de sa mère, Julia Billet écrit cette histoire avec délicatesse et simplicité, tout en s’éloignant d’une émotion brutale et parfois moralisatrice.
Cela n’en fait pas pour autant un récit naïf mais, à l’image du sourire qu’arbore Catherine sur la couverture, la guerre n’est pas faite que de morts et de drames.
Pourtant, la vie de la jeune fille est loin d’être facile.
Sans aucune nouvelle de ses parents depuis le début de la guerre, elle doit quitter le seul endroit où elle se sentait à sa place.
Mais les pleurs ou la peur n’effaceront jamais sa joie de vivre et cet espoir de retrouver les gens qu’elle aime.

À travers son voyage, elle va découvrir de nombreuses personnes qui ont tous un point commun : l’entraide.
Religieux, paysans, directrice d’orphelinat, résistant(e)s et même soldat allemand, elle doit sa survie à la bonté et la générosité qui résument la résistance, passive ou non, d’une partie du peuple français.

La guerre à travers l’objectif de l’enfance

Catherine, c’est aussi une journaliste en devenir.
Quand Pingouin lui offre cet appareil photographique, il n’imagine sans doute pas à quel point ce cadeau va changer sa vie.
Comme toute passion, elle a des hauts et des bas, et la guerre ne facilite pas les choses.
Mais elle se prendra d’amour, au sens propre comme au figuré, pour tout ce qui touche à la photographie puis au reportage.
Cela dénote, d’un certain point de vue, de la sensibilité de la jeune fille qui, à travers son voyage et les différents portraits qu’elle photographiera, se fera le témoin de cette période sombre de l’histoire de France.

Un dessin tout en rondeur

Douceur et rondeur pour témoigner de la guerre

Le trait rond et lumineux de Claire Fauvel retranscrit à merveille la tonalité du texte de Julia Billet.

À travers les rondeurs du physique de Catherine, elle exprime à merveille l’enfant qui sommeille encore en elle.
Ses expressions, d’une grande douceur, symbolisent les nombreuses émotions qui traversent le visage de la jeune fille.
Les couleurs aquarelles et l’encrage au pinceau apportent toute la vitalité mais aussi la luminosité qui accompagne le parcours de Catherine.

Sans en faire des tonnes, notamment d’un point de vue narratif, Claire Fauvel se met entièrement au service d’un récit attachant, émouvant et délicat.

Au nom de Catherine

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À la fin de la guerre, Étienne et Catherine s’était promis de se retrouver.
Mais après quelques mois de vie commune, le jeune homme laisse son amoureuse partir en quête d’indépendance.
De retour à la maison Sèvres, elle décide de se consacrer entièrement à la photographie mais faire sa place en tant que femme reporter s’avère plus difficile qu’il n’y parait.

Une jeune femme en quête d’indépendance

Le début d’une nouvelle vie

Si la couverture de La guerre de Catherine nous montrait une enfant lumineuse, celle d’ Au nom de Catherine se veut plus sobre.
Le blanc laisse la place au noir.
Le sourire en coin est remplacé par un visage concentré et sérieux
La jeune enfant est devenue une jeune femme.

Au nom de Catherine pourrait se résumer vulgairement comme l’album de la maturité.
En effet, ce deuxième opus fait la part belle à la quête de reconnaissance d’une jeune femme qui doit faire sa place dans un monde d’hommes.
Profondément féministe, ce deuxième album nous montre comment la société d’Après-guerre reste encore dirigée par le patriarcat.

Mais Catherine est une femme de caractère qui sait ce qu’elle veut, même si certains de ses choix l’amènent vers la mauvaise destination.
La photographie fait désormais partie intégrante de sa vie mais elle ne sait que choisir entre la mode ou le reportage.
Or, ce dernier l’amène irrémédiablement vers un passé qu’elle refuse de côtoyer à nouveau.
Comme elle le dit elle-même, Rachel n’existe plus, c’est à Catherine de prendre le relais de cette nouvelle vie.

Pardonner pour mieux combattre

Contrairement au premier volume, plus simple d’un point de vue narratif, Au nom de Catherine multiplie les thématiques.

Si le féminisme reste central, il côtoie aussi celui du pardon et de la différence.
Le pardon est raconté par le biais d’un camp de vacances entre jeunes juif.ves et allemand.es, symbole de réconciliation.
Mais voilà, les choses ne sont pas aussi simples pour tous.
Comment pardonner quand on n’a pas fait soi-même le deuil du passé ?

La différence se retrouve à travers deux sous-thématiques : l’homosexualité et le racisme.
L’expérience de Catherine, en tant que femme juive, fait écho à celle de Mavis, jeune femme afro-américaine qui a fui le racisme des États-Unis.
Que ce soit à travers cette histoire ou celle de Mr Brown, Catherine se confronte à une réalité difficile et emplie de préjugés.

Cependant, comme pour le premier volume, résister à l’oppression, à la colère et à l’ignorance reste le meilleur moyen pour vivre ensemble.
Tous les allemands ne sont pas nazis, tous les hommes ne sont pas machistes, tous les américains ne sont pas racistes.

Réalisme et maturité

Vision d’un monde nouveau

Pour cette deuxième partie de la vie de Catherine, Mayalen Goust remplace Claire Fauvel.
Et d’une certaine façon, le style de la dessinatrice correspond parfaitement à l’évolution de la jeune femme.
Plus tranché, que ce soit au niveau du trait ou des couleurs, le dessin de Mayalen Goust montre les changements qui s’opèrent chez Catherine.
Physiquement, elle n’a plus rien à voir avec la jeune enfant qu’elle était.
C’est une jeune adulte qui fait face à une vie toujours plus complexe.

Son travail et sa mise en page se concentrent sur l’essentiel et cherchent à retranscrire l’état d’esprit et les doutes de la jeune femme.
La colorisation est composée d’aplats neutres qui fonctionnent par unités de couleurs.
Le rouge, par exemple reflète son passé avec la robe de Cristina, la chambre noire mais aussi les doutes de la jeune femme.

Si le dessin de Mayalen Goust peut paraître plus froid que celui de Claire Fauvel, il retranscrit parfaitement le contraste entre les deux albums et son évolution.

En résumé

Avec La guerre de Catherine et Au nom de Catherine, Julia Billet dresse le portrait d'une femme en devenir qui, à travers ses combats, cherche à acquérir sa propre liberté. 
Elle rend, en parallèle, un merveilleux hommage à tous ces photographes qui ont été les témoins de l'Histoire. 

Claire Fauvel puis Mayalen Goust ont réussi, chacune à leur manière, à retranscrire les étapes de la vie de Catherine : de jeune juive qui fuit la répression à jeune adulte qui se bat pour avoir sa place dans la société. 
  • Prix Artémisia de la fiction historique 2018 pour La guerre de Catherine
  • Fauve Jeunesse au festival d’Angoulême 2018 pour La guerre de Catherine

Pour lire nos chroniques sur Carnet de voyage auprès de mon arbre et Jour de sable

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