Hiroto Ikuta est un freeter.
Pour résumé, il multiplie les CDD et les petits boulots ce qui, pour la société japonaise, n’es guère acceptable.
Sympathisant avec Hanae, une veille dame chez qui il dine gracieusement tous les soirs, il hérite de sa maison à la mort de cette dernière.
Ainsi, tout jeune propriétaire, il décide d’héberger sa jeune cousine Natsumi qui arrive sur Tokyo pour la première fois afin de poursuivre des études d’art.
C’est ainsi que débute cette collocation paisible et chaleureuse à l’image d’Hiroto.
La vie … tout simplement
Des personnages tendres et attachants

L’une des grandes forces d’Hirayasumi, comme souvent chez Keigo Shingo ( à qui l’on doit l’inoubliable Mauvaises Herbes ), vient du caractère même des personnages qui peuplent ses mangas.
Et à ce niveau, Hiroto Ikuta en est le parfait exemple.
Si on se contente du résumé de l’histoire, on pourrait croire, au vu de sa situation, que le jeune garçon profite honteusement de la vieille dame.
Or, à aucun moment, cette idée n’émerge de la tête d’Hiroto.
Le jeune homme est fondamentalement bon et prend la vie comme elle vient… sans trop se poser de questions et encore moins porter une quelconque jugement.
On pourrait y déceler une certaine mièvrerie mais là aussi, on se tromperait.
Il est juste aimable et traite son entourage avec toute la sincérité qui le caractérise.
Au final, Hiroto n’a qu’un seul défaut… légèrement handicapant.
Il n’arrive pas à exprimer cette sincérité auprès des jeunes filles qui lui plaisent .
Mais même là, il ne se traumatise pas pour si peu.
Surtout, qu’à priori, cette soi-disante timidité ne pourrait bien n’être qu’un prétexte au vu des quelques révélations du tome 2.
Natsumi, sa cousine, est un peu plus caractérielle.
Elle accepte la proposition de son cousin, un peu par dépit, et ne cache pas le fait qu’elle aimerait habiter ailleurs.
Si la jeune adolescente est un peu perdue dans sa nouvelle vie à Tokyo, elle prend vite ses marques, aidée en cela par de belles rencontres amicales.
On sent que Natsumi a le plus grand potentiel d’évolution et d’une certaine façon, elle est le contrepoids idéale à la béatitude de son cousin.
Le portrait d’une certaine société japonaise

À travers ces portraits, auxquels on pourrait rajouter Hideki et Akari, Keigo Shinzo donne sa vision, tantôt douce tantôt mélancolique, de la vie japonaise.
Les liens entre générations et l’amitié sont les grandes thématiques d’Hirayasumi.
On peut se demander ce qui amène Hanae à offrir ce premier repas à Hiroto.
Le besoin de nouvelles rencontres ? son visage angélique ? De la pitié ? Ou simplement de la bonté ?
Finalement, peu importe.
Avec ce geste, elle amorce un rendez-vous régulier qui permet à ces deux personnes de mieux se connaître.
Si la grand- mère décède dès les premiers pages du manga, elle reste toujours présente à travers des flash-back attachant qui développe autant son caractère que sa relation avec le jeune garçon.
Avec Natsumi, Keigo Shinzo décrit , comme avec trait pour trait, de façon peu reluisante, les écoles d’arts.
On est étonné, une nouvelle fois, de voir comment sont perçus les mangakas dans la société japonaise.
Dans un monde vénérant le travail, il est peu enviable de gagner sa vie en dessinant .
Malgré tout, il en faut plus pour que la jeune fille abandonne son rêve.
Les tomes 2 et 3 donnent un coup d’accélérateur à ses objectifs artistiques et on imagine mal l’auteur ne pas se saisir de l’occasion pour nous donner sa vision d’un milieu, au final, assez mal connu.
Keigo Shinzo fait toujours preuve de finesse dans le traitement de ces thématiques, évitant toutes formes de jugement.
Son écriture est délicate voire apaisante.
Cela n’empêche pas d’être happé par l’émotion mais, de façon assez contradictoire, c’est le sourire qui prédomine tout au long de cette lecture.
Un dessin minutieux

Pour certains, le trait de Keigo Shinzo ne paraitra sans doute pas des plus flamboyants.
Et pourtant…
L’auteur étonne par la précision et la finesse de son trait.
Comme pour son écriture, on ressent une certaine douceur dans chacun de ses coups de crayon.
Ses visages reflètent à eux seuls toute la tendresse que l’on peut ressentir pour ses personnages.
Sa mise en page, tout comme ses cadrages, sont totalement maitrisés, renforçant là aussi son propos.
Et en prime, on a même le droit à un chapitre entier (et pas n’importe quel chapitre) avec des aquarelles de toute beauté.
Un pur ravissement pour les yeux mais qui demande une curiosité pour un style bien loin du « tape à l’oeil » graphique.
En résumé
Hirayasumi de Keigo Shinzo est une oeuvre réconfortante. Par la douceur de son ambiance, le mangaka nous raconte le parcours d'un jeune homme et de sa cousine dans les affres d'une collocation en plein Tokyo. Emouvante, drôle et surtout sincère , Hirayasumi fait véritablement du bien autant pour son caractère intergénérationnel que pour sa vision de la vie en générale. Une oeuvre sensible mais loin d'être niaise. C'est sans doute la plus grande force de l'écriture (mais aussi du dessin) de Keigo Shinzo. En faire beaucoup, avec peu !
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