Mots Tordus et Bulles Carrées

L’animateur (Juanungo)

Nazareno dit Neno est, comme le père de Juanungo, un ancien animateur atteint d’un cancer en phase terminale.
Alors que ses deux enfants viennent d’apprendre qu’il n’y avait plus d’espoir, ils décident d’engager un jeune infirmier pour apaiser les souffrances de leur père.

Mais l’entente entre le vieux réalisateur et le jeune infirmier n’est pas des plus cordiales.

Le récit d’une fin de vie

La rencontre de 2 hommes

Un premier échange difficile

Neno se bat depuis plus d’un an contre un cancer qui le fait terriblement souffrir.
Alors quand il voit son fils, de retour d’un rendez-vous auprès de son oncologue, il comprend immédiatement son silence et peine à retenir ses larmes.

En quelques pages, le ton est donné. Cet homme va mourir, il le sait, nous le savons.
L’animateur de Juanungo ne cherche pas à nous épargner.
Encore moins à nous confondre dans une espèce de compassion béate.
Bien au contraire.

Et c’est sans doute en cela que l’arrivée de cet infirmier va servir de repoussoir au vieil homme.
Neno ne peut qu’être agacé par le sourire crédule du garçon.
L’un est jeune et en pleine santé alors que l’autre est vieux et risque de mourir dans les jours à venir.
Au départ, sa simple présence l’insupporte, lui rappelant fatalement sa position de dépendance.
Et le vieil homme n’est pas du genre à cacher ce qu’il pense, quitte à mettre mal à l’aise le pauvre infirmier qui ne cherche qu’à l’aider.
On sent d’ailleurs chez cet auxiliaire de santé quelque chose de fragile.
Ce choix de carrière est récent et marqué par un parcours personnel qui viendra irrémédiablement le percuter.

Ces deux personnages sont immensément attachants et l’écriture les met en valeur sans forcement chercher à nier leurs failles.
Leur relation évoluera au fil des pages et Neno apprendra à faire confiance à son infirmier puis à se reposer sur lui.

Se rendre utile !

L’imaginaire du studio d’animation

L’un comme l’autre, ils cherchent à être utile.

Pour l’infirmier, cela semble évident.
Si les premiers pas sont hésitants voire maladroits, il ne cessera d’être auprès d’un homme qui, au moins sur les premiers jours, ne l’épargne pas.
À travers ce portrait, Juanungo rend hommage à tous les personnelles de santé et décrit assez bien la difficulté de leur travail.
Encore plus quand celui-ci se fait à domicile où le professionnel se mélange rapidement à de l’affectif.

Neno est du genre bavard.
On ressent la passion qui l’animait lorsqu’il était réalisateur de films d’animation.
Et le projet d’une simple pub va lui permettre d’accompagner ses derniers jours.
Par le biais de ce simple travail de commande, on découvre un métier d’une patience infinie qui demande une attention de tous les moments.
Chose terriblement difficile quand on souffre le martyr.

L’hommage sensible d’un fils à son père défunt

La vie quotidienne d’un homme dépendant

Les derniers feuillet de l’album nous apprennent que l’histoire de Neno est fortement inspirée de celle du père de l’auteur : Rodolfo Saenz Valiente.

Dans l’animateur, Juanungo rend un très bel hommage à son père défunt autant par ce récit tendre et émouvant que par un dessin reprennant certaines techniques d’animation.

Par la simplicité de son trait rappelant l’étape des storyboards ou cette attention constante portée aux mouvements et aux attitudes, le dessin de Juanungo épate par son efficacité et sa fluidité.
L’auteur ne cherche pas à nous en mettre plein les yeux.
Il veut juste nous faire vivre, de la façon la plus sincère possible, les derniers jours de cet homme.

L’écriture n’est pas en reste.
Il n’y a aucune complaisance dans le discours de l’auteur et encore moins une envie de jouer les tire-larmes.
Pourtant, l’émotion est bien là et s’en retrouve même décuplée quand le moment fatidique arrive.
Au final, Juanungo nous a permis d’accompagner ses deux personnages, d’apprendre à les découvrir, à s’émouvoir et rire avec eux pour mieux ressentir la force de leurs derniers moments.

En résumé

L’animateur de Juanungo aborde la thématique de la fin de vie avec une finesse et une sincérité irréprochable.

À travers le portrait de ce vieil homme mais aussi celui de ce jeune infirmier, on découvre des humains dans ce qu’ils ont de plus attachant.
Passionné pour l’un, altruiste pour l’autre, ils cherchent avant tout à se rendre utile pour gagner (ou garder) une certaine indépendance.

Ce récit, qui ne tombe jamais dans la complaisance, sait malgré tout émouvoir en étant tout simplement « vrai ».

Commander sur

Pour lire nos chroniques sur Quelques secondes encore et Nos étoiles contraires

Bulles Carrées

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Aller au contenu principal