Mots Tordus et Bulles Carrées

S’informer, à quoi bon ? (Bruno Patino)

Président d’Arte et professeur associé à l’école de journalisme de Science Po Paris, Bruno Patino est l’auteur de deux essais : « La civilisation du poisson rouge » en 2019 et « Tempête dans le bocal » en 2022. Dans ces deux ouvrages, il nous démontrait comment nous étions devenus des poissons rouges enfermés dans le bocal de nos écrans. Et comment nous pouvions trouver un chemin pour nous sortir des réseaux sociaux et de leurs algorithmes permanents. C’est donc tout naturellement que la collection ALT des éditions La Martinière jeunesse l’a sollicité pour rédiger un court essai adressé aux 15-25 ans, malicieusement intitulé « S’informer, à quoi bon ?« 

« Nous savons déjà tout, non ? »

La génération actuelle des adolescents et des jeunes adultes est certainement la plus connectée et soumise à l’information. Qu’elle le veuille ou non, les réseaux sociaux l’inondent perpétuellement d’informations.

Et le phénomène de « fatigue informationnelle » apparait. La remise en question de l’utilité de s’informer aussi.

Nous sommes pris alors entre une certitude et une envie : la certitude, c’est que l’information finira par nous atteindre et qu’il n’est pas nécessaire de s’en préoccuper, et l’envie, c’est qu’en fait, si on pouvait s’en passer, ce serait mieux.

Or, c’est précisément ce que ce petit livre va déconstruire. Tous les messages ne se valent pas en information. Et l’information est utile non seulement à soi mais aussi pour exercer un contrepouvoir. De plus, elle offre une certaine qualité au débat public.

Dans « S’informer, à quoi bon ?« , Bruno Patino va donc, dans un premier temps, redéfinir ce qu’est l’information. Puis rappeler à quoi elle sert. Dans un second temps, il rappelle son histoire. Enfin, dans une troisième partie, l’auteur nous explique en quoi les réseaux ne sont pas neutres. Et comment notre cerveau « adore modifier notre comportement pour que nos croyances ne soient pas remises en cause« . Pour conclure, il réaffirme l’importance de la confiance entre les journalistes et les lecteurs. Mais aussi le rôle que chaque citoyen doit avoir pour s’informer auprès de sources indépendantes, fiables et responsables.

S’informer quotidiennement, c’est un peu comme les cinq fruits et légumes par jour : quelque chose qui nécessite une action de notre part, ce que les Anglo-saxons appellent notre régime informationnel (news diet). Ce n’est pas une contrainte mais un outil d’émancipation individuelle, cela nourrit notre capacité à agir.

« À vous de jouer ! »

La collection ALT trouve sa place depuis quelques mois dans les librairies et, je l’espère, dans les salles de classe. Leur slogan, « Parce que, pour avoir un beau point de vue, il faut prendre de la hauteur », propose en une trentaine de pages, soit une heure de lecture au maximum, de suivre la pensée et la réflexion d’un auteur à propos d’un sujet.

Le propos est clair, abordable et dynamique. L’air de rien, dans ces pages, les références universitaires sont nombreuses mais jamais pompeuses et toujours accessibles.

D’ailleurs, les liens en fin d’ouvrage sont clairement à destination des jeunes élèves / étudiants. Le CLEMI (centre d’éducation aux médias et à l’information) que les enseignants connaissent bien, des films (Spotlight de Tom McCarthy ou Pentagon Papers de Steven Spielberg par exemple) et des documentaires sur la « fabrique » d’un journal (Les gens du Monde d’Yves Jeuland).

La grande réussite de cet essai sur l’information à l’heure des réseaux sociaux et sur notre rapport raisonné avec elle, tient également au ton qui est utilisé pour s’adresser aux jeunes. Ils sont vraiment traités comme des êtres penseurs, qui réfléchissent à leurs pratiques et au monde dans lequel ils vivent. Et l’auteur de rappeler :

Ne pas s’informer, c’est laisser entrer la guerre des récits en nous, être son objet et son sujet.

Pourquoi lire S’informer, à quoi bon ?

En quelques pages, Bruno Patino offre aux jeunes lecteurs une réflexion exigeante mais abordable sur l'information et la nécessité de s'informer. En décortiquant ce qu'elle est et comment elle a évolué au fil des siècles, comment elle nous touche et ce qu'elle apporte à notre société lorsqu'elle est fiable et validée, ce petit livre nous rappelle notre responsabilité collective. Il répondra sans doute à la soif d'engagement que ressentent de nombreux lecteurs adolescents et jeunes adultes. 

À mettre entre toutes les mains et toutes les têtes, donc.

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