J’ai découvert Takashi Murakami (le mangaka hein, pas le plasticien qui dessine des fleurs au sourire béat) il y a déjà 10 ans avec le tome 1 du Chien gardien d’étoiles. Alors peu adepte du manga, j’avais été profondément touchée par ce récit triste et tendre racontant la relation entre un homme solitaire et son chien. Et, au-delà, l’impact de leurs rencontres avec ceux qui avaient jalonné leur chemin. A l’occasion de la sortie de l’intégrale aux éditions Pika Graphic, je me suis replongée dans ce champ de tournesols lumineux. Et dans le regard si émouvant de ce chien blanc au collier rouge.
L’homme et le chien
« Hoshi Mamoru Inu » (le chien gardien d’étoiles en français) est une expression japonaise. Elle désigne les personnes cherchant toujours à obtenir ce qu’il est impossible de posséder, à l’image du chien regardant fixement les étoiles et ayant l’air de vouloir les attraper.
Qui a déjà vécu avec un chien sait ce regard si profond, plein d’innocence et d’amour inconditionnel que l’animal porte à son maitre. C’est ce regard sans jugement et plein d’affection que le manga va poser sur le parcours d’un homme. Cet homme dont on retrouve le corps un an après sa mort dans une voiture abandonnée au milieu d’un champ. Et celui de son chien, décédé après lui.
« PAPA ». C’est le premier mot de ce récit qui adoptera le point de vue du chien. De la première rencontre « mordante » avec l’homme à son décès et, plus tard, à sa propre mort.
Le récit de Takashi Murakami est rétrospectif. En quelques chapitres, nous allons revivre avec le chien son arrivée dans la maison familiale, le divorce et le départ vers le sud, sans rien d’autre qu’une voiture et quelques affaires. Viendront ensuite la rencontre avec un jeune garçon abandonné qu’ils sauveront de la famine et enfin la panne qui marquera la déchéance physique de l’homme et sa mort.
Si ce résumé peut paraitre bien sombre et profondément triste, il est traversé par des moments lumineux et drôles. En effet, le mangaka a réussi à donner une humanité touchante à l’homme. Ce dernier n’hésite pas à se sacrifier pour son chien ou pour le jeune garçon dont il devine la pauvreté.
Et l’histoire ne s’arrête pas là. Takashi Murakami tisse également des récits parallèles, notamment à travers les personnages d’autres chiens ou d’humains liés plus ou moins directement à l’homme.
L’assistant social, le garçon devenu grand, une grand-mère acariâtre et suicidaire… Chacun va être sauvé par un chien rencontré par hasard.
La croisée des destins
Le chien gardien d’étoiles est donc un récit choral dont le scénario est classique mais terriblement efficace.
Les personnages, humains et animaux, sont profondément touchants et offre une image des liens intergénérationnels lumineuse. Au contraire, la société japonaise n’en sort pas indemne. La pauvreté, la solitude ainsi que les inégalités sociales sont terriblement réalistes. Mais Takashi Murakami peint ce tout avec une douceur et une poésie désarmantes. A l’image de ce chiot dont le jeune maitre vient de lancer la balle dans le museau et qui ne manifeste aucune rancune envers lui.
L’art de Takashi Murakami tient dans un subtile dosage. Entre la rudesse du quotidien et de la mort, l’affection sans limite des animaux pour leurs maîtres et maîtresses et la douceur des instants de nature, sortes de petits haïkus dessinés.
Au final, et grâce notamment aux épisodes ajoutés lors de cet intégral, tous les liens se font. Une sorte d’harmonie s’installe, à l’image de la scène finale. Un homme redonne sa chance à un chien abandonné qui trouve une famille d’accueil.
Les chiens sont ainsi remerciés, pour leur présence, leur affection et leur fidélité sans faille. La boucle est bouclée en une jolie note d’espoir.
Pourquoi lire Le chien gardien d’étoiles ?
Dans ce récit émouvant créé par Takashi Murakami et présenté désormais en intégrale, plusieurs vies se croisent et se mêlent, sous le regard tendre et innocent des chiens. Le chien gardien d'étoiles est profondément touchant, poétique et drôle. Il offre aussi aux lecteurs une vision réaliste parfois crue mais sensible de la société japonaise et des inégalités qui font souffrir les isolés et les démunis. On ne sort pas indemne de cette lecture et l'on aimerait remercier tous les Hoshi Mamoru Inu, ces êtres qui continuent à observer les étoiles alors qu'ils ne pourront jamais les atteindre.
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