Le rêve du jaguar (Miguel Bonnefoy)

Récent lauréat du prix Femina 2024, j’ai découvert la flamboyance de Miguel Bonnefoy à travers Le Rêve du jaguar. On y découvre les vies d’Antonio, Ana Maria, Venezuela et Cristóbal, trois générations d’une même lignée dont les destins se tissent à celui de leur pays : le Venezuela. Une saga foisonnante et survoltée dans laquelle l’auteur rend hommage à son prestigieux héritage familial mais aussi littéraire.

Une saga fabuleuse

Peut-être faut-il écouter Miguel Bonnefoy avant de le lire ? C’est la réflexion que je me suis faite en découvrant Le Rêve du jaguar après avoir écouté l’entretien de l’auteur avec la Librairie Mollat. En effet, ses mots qui résonnent et la flamboyance de son écriture prennent une ampleur singulière.

Ensuite, il faut accepter de se laisser embarquer ! Car la saga familiale est dense et colorée, pleine de personnages plus extravagants les uns que les autres et de rebondissements qui donnent au fil de l’histoire des allures de pelote entre les pattes d’un chat joueur.

Tout commence par un bébé abandonné sur les marches d’une église. Recueilli et élevé par une mendiante muette sans amour, Antonio devient vendeur de cigarettes, porteur sur les quais, homme à tout faire dans une maison close. Il sera ensuite chirurgien et fondateur de la première université du pays.

Mais c’est surtout sa rencontre avec Ana Maria, une jeune femme obstinée et difficile à séduire, qui va changer sa vie et forger la saga familiale. La jeune femme, première femme médecin, va pratiquer la gynécologie et lutter en faveur de l’avortement, malgré les lois répressives de son pays.

De cette union, naitra Venezuela qui, contrairement à son prénom, n’aura de cesse que d’aller s’installer à Paris.

Antonio la prit comme s’il eût tenu dans ses mains une des douze pierres d’Israël. Là, gigotant dans ses bras, elle ressemblait à une nymphe dansant dans un noyau d’olive. L’enfant pesait un poids démesuré, celui d’hier et celui de demain. Ce fut comme la découverte d’une fresque qu’on aurait trouvée après des fouilles, un trésor fermé, tout un monde de symboles à déchiffrer. Antonio, qui avait maintenu jusqu’à maintenant une tension sérieuse et une réserve dans ses gestes, s’affaissa sur ses genoux et fondit en larmes.

Enfin, Cristobal, son fils, renouera les liens familiaux avec le Venezuela en retournant sur la terre de ses aïeuls.

Force intérieure, courage face à l’adversité, lutte pour la vie et quête de soi. Le Rêve du jaguar bouillonne de vie et d’envies.

Une épopée tourbillonnante

Comme l’explique l’auteur, Antonio Borjas Romero, son grand-père, est un mythe :

J’ai toujours entendu le récit du destin de mon grand-père, orphelin de la rue, gavroche et rufian, enfant de la misère et de l’ignorance, qui devint cardiologue et fondateur de la première université de Maracaibo, sauvant ainsi à la fois le cœur des hommes et celui de la connaissance.

Le Rêve du jaguar est donc la légende de cette famille dont le destin est intimement lié à celui du Venezuela.

Le récit tient à la fois du conte, de l’épopée, du réalisme magique et de la biographie. Le tout saupoudré d’une pincée d’humour.

C’est la raison pour laquelle, même si l’on peut à certains moments se sentir perdu dans le labyrinthe des personnages et des situations rocambolesques, on goûte le plaisir du récit. Chaque anecdote ouvre un tiroir dans lequel on plonge pour découvrir l’histoire d’un personnage secondaire, esquissée en quelques phrases, parfois une seule. On sent l’imaginaire de Miguel Bonnefoy souffler entre les lignes avec l’idée malicieuse de nous emporter dans ce tourbillon d’histoires.

On découvrira ainsi avec délectation les 1000 histoires qu’Antonio devra recueillir et consigner dans son carnet pour séduire Ana Maria.

Antonio s’aperçut que son cahier était désormais fini, bien qu’i restât encore quelques pages blanches. Il débordait d’étreintes courageuses et d’illusions retrouvées, d’engagements et de virtuosités, et de centaines de noms inconnus qui lui faisaient l’effet d’un seul homme. Il fera le cahier et répondit alors :

– Je m’en vais vivre la mienne.

L’amour d’Antonio pour Ana Maria, comme celui de Cristobal pour le Venezuela, disent aussi, en écho, celui de l’auteur pour sa famille et son pays. Une bien belle déclaration.

Pourquoi lire Le Rêve du jaguar ?

Le Rêve du jaguar est la fresque familiale virevoltante, dense et colorée de destins qui ont fait le Venezuela. Miguel Bonnefoy y dit la folle aventure humaine et amoureuse d'Antonio et d'Ana Maria, de grands médecins qui ont écrit l'histoire de leur pays, mais aussi de leur fille Venezuela et de son fils Cristóbal, qui inscrira leurs destins dans ses écrits. Le roman, à la croisée du mythe et du réalisme magique, emporte dans un tourbillon de personnages et d'événements. On lit dans Le Rêve du jaguar non seulement l'amour de l'auteur pour sa famille mais aussi pour un pays à l'histoire mouvementée. Flamboyant !

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