Mots Tordus et Bulles Carrées

Mademoiselle Sophie ou la fable du lion et de l’hippopotame (Vincent Zabus / Hippolyte)

Mademoiselle Sophie, l’institutrice de Romain, est au plus mal.
Celle qui a toujours été aux côtés de ses élèves, joyeuse et dynamique, n’est plus que l’ombre d’elle-même.
Ce corps qu’elle semblait assumer devient un poids et, contrairement à ses habitudes , elle s’isole chaque midi en s’enfermant dans la classe.
Romain aimerait sincèrement l’aider mais que faire quand on est juste un petit bonhomme de 11 ans ?

La fable du quotidien

L’institutrice, un être humain comme les autres

Une institutrice en plein désarroi

Pour moi, les profs, c’étaient juste des gens qui parlent devant une classe et remettent des bulletins.
Qui est Mademoiselle Sophie derrière les dictées et les sourires ?

Cette question essentielle sert de base à la réflexion de Romain.
Il a toujours aimé son institutrice mais il se rend bien compte que quelque chose a changé depuis le retour des vacances.
Mademoiselle Sophie est complètement écrasée par un corps qui se fait chaque jour de plus en plus lourd.

Sophie est le genre d’institutrice qu’on rêve tous d’avoir.
Elle aime ses élèves, ne crie jamais et prend sur son temps pour monter des projets avec eux, ici le fameux spectacle de fin d’année.
Mais ces derniers temps, son attitude est différente.

Vincent Zabus, à travers le portrait de Sophie, exprime toute la gratitude mais aussi la méconnaissance que les enfants peuvent avoir de ce métier.
Car oui, Sophie n’est pas qu’institutrice.
Elle a une vie et des sentiments qui peuvent la rendre malheureuse.

L’auteur en profite d’ailleurs pour traiter d’un sujet, au final, peu exploré : celui du surpoids.
L’institutrice s’est jusque là toujours assumée comme elle était.

Une grosse dame mais qui savait garder ses proportions

Or, depuis les vacances, elle a encore pris du poids et n’arrive plus à cacher son mal-être.
Si les propos, qui reflètent la pensée de Romain, peuvent paraître durs, ils le sont beaucoup moins que les moqueries ouvertement méchantes de certains de ses camarades de classe.
Car c’est un fait. Les enfants n’ont aucun tact et peuvent toucher là où ça fait mal.

Romain aimerait intervenir mais le fera-t-il ?

A la croisée des chemins

Entre deux âges

L’année prochaine, j’aurai traversé le passage.
Je serai dans le gros bâtiment d’en face. Celui des ados.
J’ai 11 ans, bientôt 12.
Je m’appelle Romain.

En effet, si les propos du jeune garçon peuvent paraître maladroits, il ne porte pas un meilleur jugement sur sa personne.
Romain est à un âge charnière : en Cm2 mais bientôt au collège.
C’est la dernière année qu’il passera aux côtés de son institutrice avant d’intégrer l' »école des grands ».
Le jeune garçon a un bon fond mais quand son imagination le voit en super héros prêt à malmener les vauriens qui se moquent de sa maîtresse, la réalité lui confirme ce qu’il pense vraiment de lui : il est bien trop lâche.

Heureusement, porté par sa grande soeur, il va tout de même mener l’enquête pour essayer de comprendre ce qui a pu changer dans la vie de Sophie.
Ainsi, le jeune garçon apprendra à mieux connaître son institutrice tout en ayant un aperçu de la difficulté d’être un adulte.
C’est ensemble, le lion et l’hippopotame , qu’ils vont apprendre à faire face à leurs doutes.

Hippolyte : dessinateur polymorphe

Hippolyte en mode Sempé

Quand on reprend les 3 projets sur lesquels Hippolyte a collaboré avec Vincent Zabus, on ne peut qu’être épaté par l’évolution et la variation de ses styles.

Si sur Les ombres, il assume un dessin imagé et fantasmagorique, il entame, depuis Incroyable, une transition vers un trait plus doux qui rappelle par certains égards celui de Sempé.
Avec Mademoiselle Sophie, il accentue encore plus cet aspect en simplifiant radicalement son dessin pour, sans doute, correspondre à l’esprit fable voulu par Vincent Zabus.

Si sur Incroyable il avait délaissé la couleur tout en privilégiant des crayonnés fins et détaillés, il fait ici tout le contraire.
Son dessin se veut minimaliste.
L’encrage est linéaire et les décors n’apparaissent que de façon éparse.
Le tout est rehaussé pour une couleur aquarelle lumineuse qui apporte de la douceur à un travail qui se veut simple (mais qui est loin de l’être).

En résumé

Avec Mademoiselle Sophie, Vincent Zabus et Hippolyte mettent en scène une fable sociale entre un jeune garçon et son institutrice. 

Hommage à un métier ô combien nécessaire, Mademoiselle Sophie nous parle aussi de notre relation à nous-même que l'on soit enfant ou adulte. 
Hippolyte, pour l'occasion, simplifie à l'extrême son trait tout en privilégiant l'humanité de chacune de ses mises en scène. 

Mademoiselle Sophie ou la fable du lion et de l'hippopotame est joyeux, triste, réconfortant et par moment amère. 
Complexe comme la vie en général. 

Prix et récompenses

  • Prix jeunesse de la critique ACBD 2023

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Bulles Carrées

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