Xavier-Laurent Petit est un auteur prolifique qui touche souvent juste là où il frappe (avec toujours beaucoup de tendresse). Que ce soit le Col des mille larmes, Be safe pour les récits ancrés dans la réalité ou Le Monde d’en haut pour la SF, chacune de ses histoires met en scène des personnages confrontés à une réalité douloureuse ou violente. C’est le cas également pour Mon petit coeur imbecile, avec une bonne dose d’amour et de solidarité en plus.
3417 jours
C’est le décompte du nombre de jours depuis lesquels le coeur de Sisanda bat. Et si elle tient à jour ce chiffre, c’est que son coeur est en péril. En effet, elle souffre d’une malformation cardiaque qui rend sa vie fragile et ses jours comptés.
Malgré ce handicap et cette épée de Damoclès au-dessus de sa tête, Sisanda est heureuse et aimée. D’abord, il y a Maswala, sa mère, la gazelle qui court chaque jour. Pa’Jabari, son père, travaille loin de la maison et fait vivre sa famille à distance. Dans la keja familiale (pièce unique de vie), elle partage son quotidien avec grand-mère Thabang qui croit aux esprits et connait le pouvoir des plantes, et onc’Benia, le frère de sa mère, un colosse à l’esprit simple qui garde les brebis.
Pour ne pas être trop isolée, Sisanda a fait le choix d’aller à l’école, malgré les risques du trajet et de faire une crise. Elle sait lire, écrire et calculer et elle peut compter sur ses amis qui sauraient réagir et lui administrer un médicament pour faire repartir son coeur en cas de danger.
Un après-midi, alors qu’elle rentre de l’école avec sa mère, celle-ci lui demande de lire un article du journal dont la photo l’intrigue. On y annonce la victoire d’une marathonienne qui a remporté une prime d’1,5 million de kels. Or, cette somme énorme correspond à celle qui serait nécessaire pour opérer Sisanda en Europe, comme l’a annoncé Apollinaire, le médecin qui la suit depuis sa naissance.
Mamantilope, comme la surnomme sa fille, va donc se lancer dans une préparation physique intense pour gagner à son tour cette course et offrir un nouveau coeur à son enfant.
Le souffle court
L’histoire contée par Xavier-Laurent Petit à travers la bouche et le « petit coeur imbécile » de Sisanda, est particulièrement touchante et intense.
On y retrouve tous les ingrédients de la course. L’intensité, le suspense, l’émotion.
Trois mille quatre cent vingt-huit jours que mon coeur bat. Apollinaire m’a montré comment prendre mon pouls, en posant deux doigts en travers du poignet.
« Cent, Sisanda, cent dix maximum, jamais plus. »
Cent battements par minute, six mille par heure, cent quarante-quatre mille par jour, plus d’un million par semaine, presque cinquante-trois millions de fois par an… Jamais plus. Facile à dire. Je voudrais bien t’y voir, Apollinaire.
Mon imbécile de petit coeur bat bien trop vite. Il faut que je lui parle, que je lui explique tout ce que Maswala veut faire pour lui.
Mais le problème avec toi, mon coeur, c’est que tu n’en fais qu’à ta tête.
Les rebondissements sont nombreux, la tension en courbe ascendante au fur et à mesure que la date de la course arrive. En effet, on sent, grâce au récit à la première personne, que le coeur de Sisanda peut lâcher à tout moment.
Mais même dans les instants les plus critiques et les plus sombres, la personnalité de Sisanda et le courage de Maswala emportent tout. On est, bien sûr, en admiration devant ce petit bout de femme qui doit gérer la proximité quotidienne avec la mort. Et la force de cette maman qui court pour redonner le souffle à sa fille adorée.
Sans jamais tomber dans la facilité, l’auteur exprime avec des mots simples la peur de mourir, la solidarité du village, l’amour d’une mère pour son enfant et l’exploit qu’elle est prête à accomplir pour elle.
Pourquoi lire Mon petit coeur imbécile ?
Mon petit coeur imbécile est une histoire de coeur, au sens propre comme au sens figuré. Le courage de Sisanda, atteinte d'une malformation cardiaque, et celui de sa mère, prête à aller au bout de ses forces pour gagner une course qui offrirait à sa fille une opération vitale, sont extraordinaires. Le récit, accessible aux plus jeunes lecteurs, est intense et touchant. Les rebondissements et leurs résolutions offrent des moments de lecture forts. Comme si l'on courait avec Maswala pour sa fille.
Une lecture au rythme du coeur de Sisanda, pleine d'humanité.
Pour lire nos chroniques de La théorie du K.O. et La servante écarlate