Mots Tordus et Bulles Carrées

La théorie du K.O. (Mathieu Reynès)

Beck, jeune orpheline, est été élevée par Kal à la marge d’un monde extérieur en pleine crise.
Quand son mentor disparaît, après un voyage hors des frontière de son cocon, elle part à sa recherche et découvre une société dont elle ignore les règles.
Heureusement, l’entrainement au combat que lui a prodigué son maître lui permet de se faire sa place tout en continuant ses recherches.
Or, plus elle avance dans ses découvertes, plus elle se rend compte qu’elle ne connaissait quasiment rien de l’homme qui l’a élevée.

Un manga français de plus ?

Prépublication et communication

L’environnement protecteur de Beck

La théorie du K.O. de Mathieu Reynès est donc un nouveau projet de manga français.
Un énième, dirais-je, tant ces oeuvres s’avèrent de plus en plus nombreuses et alimentent une partie du marché déjà bien conséquente.
J’apprécie nombre de mangas ( comme le prouve nos chroniques ) mais je ne m’estime pas être un grand connaisseur, ayant été plutôt biberonné aux comics.
Si je comprends cette envie de vouloir faire son propre manga, je suis longtemps resté sceptique devant les propositions faites.
Bien sûr, on pense à Last Man ou, plus récemment, à Banana Sioule mais je vois plus ces projets comme des oeuvres hybrides.
Dans une certaine mesure, La théorie du K.O. l’est aussi mais Mathieu Reynès pousse le concept encore plus loin.
Dès la conception, il a cherché à respecter les codes du genre en proposant une lecture mensuelle coupée en chapitres et récupérable sur internet (avec un 1er épisode gratuit et la suite sous forme d’abonnement).
Ce choix rappelle le système de prépublication dans les magazines style shonen jump.

On sent d’ailleurs toute l’expertise de l’auteur dans cet exercice.
Extrêmement présent sur la multitude de réseaux sociaux, Mathieu Reynès avait toutes les possibilités de faire de La théorie du K.O. un évènement, bien avant la publication en format papier.
D’ailleurs, on peut se demander si cela a été le cas.
Avant mes recherches pour cette chronique, je n’avais lu aucune mention de la proposition de Mathieu Reynès alors que j’avais croisé des illustrations de Beck ici et là.
Mais peut être est-ce avant tout dû à mon mode de fonctionnement qui n’accorde guère de place à la communication sur les réseaux sociaux.

Un monde en construction

Mais au final que vaut ce nouveau manga français ?
On nous vend une oeuvre à la croisée de nombreuses cultures trouvant ses influences dans Gunm et Dragon Ball, rien que ça !

Je n’avais aucun doute sur les qualités graphique de ce manga.
Mathieu Reynès a déjà une bien belle bibliographie et Harmony s’est fait une belle place dans la bande dessinée pour adolescents.

Pour le récit, on sent qu’à l’image du monde qu’il met en scène, il est en pleine construction.
Mathieu Reynès prend le temps d’introduire les éléments fondateurs de son histoire qui amèneront à la guerre civile
Une guerre qui reflète de nombreuses préoccupations actuelles et qui oppose de façon conflictuelle le progrès à l’écologie.
On sent, dans cette introduction, l’influence de plusieurs récits d’anticipations et le ton, assez sombre, contraste, au final, avec la légèreté plus assumée de la suite (même si… ).

L’auteur profite du nombre conséquent de pages pour mettre en place ses pions et se concentre, au moins sur un premier temps, à la recherche de Beck.
Celle-ci peut paraître d’ailleurs anodine par rapports aux éléments mises en place en amont mais on comprend assez rapidement que la destinée de la jeune fille ( et celle de son mentor) sont liées à cette situation.
Qui est vraiment Kal ? Que cherche réellement C.H.A.O.S. ? et Sigmacorp ?

Le récit évolue au fil des pages et accélère petit à petit la cadence en multipliant les scènes d’action.
De la même façon, Beck évolue, de jeune adolescente perdue à combattante expérimentée et un peu naïve.
Et amatrice de nourriture, c’est évident !

De la pure castagne

Des scènes de combats fracassantes

Si l’anticipation est bien présente, l’action n’est pas non plus en reste.
Et à ce niveau là, on est gâtés.

L’entrainement qu’a prodigué Kal à sa jeune élève a fait d’elle une combattante experte.
Beck est certes une jeune femme naïve et un peu perdue dans ce nouveau monde, elle n’en est pas moins capable de se défendre.
Et c’est un peu par hasard qu’elle se retrouve à faire ses premiers pas à l’ U.W.C.
Si son idée première est d’enquêter sur son mentor, son talent ne restera pas longtemps inaperçu.

À ce niveau, on retrouve assez bien l’esprit des mangas de sport.
L’U.W.C , sorte de MMA du futur, met en scène des combats aux corps à corps avec une règlement basique.
Celui qui tombe le premier a perdu.
Mais Beck n’est pas du genre à baisser les bras.
Même face à des adversaires aux capacités augmentées, elle montre une véritable abnégation à la victoire.
À ce niveau, elle est assez caractéristique de bon nombre de héros de Shonen.
Cependant, elle n’en est qu’au début et les prochains combats pourraient être des challenges hautement plus corsés.

D’auteur franco-belge à mangaka

Un auteur privé de ses couleurs

En se lançant dans un tel projet, Mathieu Reynès savait qu’il y avait des règles à suivre.
Et l’une d’entre elles est l’absence de couleurs remplacées par le tramage.
Or, on sait que cette étape a une place fondamentale dans le dessin de l’auteur et s’en priver pouvait lui être préjudiciable.
Pourtant, sa prestation s’avère de grande qualité.

Son style graphique, proche de l’animé, est déjà bien affirmé et convient parfaitement à ce récit.
Son trait, simple mais détaillé, est parfaitement épaulé par un encrage dense et fluide.
À cela, il a apporté quelques innovations en cartoonisant certains personnages sans pour autant tomber dans la caricature.
Sa mise en page est dynamique et apporte la dose de punch nécessaire aux scènes d’action.
Manga oblige, on regrette malgré tout l’utilisation un peu trop fréquente de traits de vitesse.
Son découpage est assez efficace pour se passer de ce genre d’artifices qui, à son niveau, n’apporte pas grand chose.

Mais ne nous trompons pas, l’ensemble est tout bonnement impressionnant.
Le travail graphique suit parfaitement la charte du manga tout en gardant l’originalité et les qualités narratives de l’auteur.
Si on reste frustré par ce noir et blanc traditionnel, on se consolera avec une magnifique couverture et des illustrations bonus de toute beauté.

En résumé

Mathieu Reynès fait, avec La théorie du K.O., une entrée fracassante dans le petit monde du manga français. 

L'auteur construit par petites touches un monde riche et complexe dont on perçoit seulement les prémisses, un peu comme son héroïne Beck. 
Un flot de mystère entoure cette intrigue, relevée par des scènes d'actions parfaitement chorégraphiées. 

Si on sent que ce premier tome sert avant tout à introduire les éléments et les personnages majeurs de la série, Mathieu Reynès démontre une certaine maitrise pour attiser notre curiosité, à l'image d'un cliffhanger de fin intrigant. 

Pour lire nos chroniques sur Last Man et Cours !

Bulles Carrées

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