Blanko et Noiro sont inséparables et ensemble, ils arpentent les toits de Takara-Machi .
Cette ville est leur domaine et ils comptent bien la défendre des ambitions territoriales de yakuzas peu scrupuleux.
Mais la guerre qui s’annonce risque de provoquer de nombreux changements dans la relation qu’entretiennent ces deux « frères ».
La popularité d’Amer Beton
Amer Beton est sans doute l’oeuvre qui a fait connaître Taiyou Matsumoto.
Datant de 1993-1994 ( éditée une première fois en 1996-1997 par Tonkam), ce n’est pourtant pas sa première oeuvre explosive.
On pouvait déjà admirer son talent sur Zero ( manga de boxe datant de 1991) ou le Rêve de mon père en 1992 ( où il traite déjà de rapports familiaux originaux et complexes).
Cependant, Amer Beton se démarque par au moins deux aspects :
– une intrigue inclassable, mélangeant réalisme et fiction, thriller/action et psychologie multiple
– Un dessin maitrisé par lequel Taiyou Matsumoto affirme un style graphique original et unique.
Amer Beton : un manga multiple
Le résumé d’Amer Beton semble, à première vue, assez simple : une guerre de territoire entre Yakuzas et orphelins.
Et donc, on imagine, du suspense et une bonne dose de castagne.
Et de ce point de vue, on ne sera pas déçu.
Même si le manga prend un peu de temps pour trouver son rythme, il va monter en gamme, une fois passée la nécessaire partie introductive.
Mais même sur cette forme classique, Matsumoto ne fait pas comme les autres.
Que ce soit dans le design des deux orphelins ou de leur némésis, l’auteur choisi de s’éloigner d’une forme de réalisme.
Le nom de la ville est fictive, le temps n’est pas certain, les looks sont étranges et les némésis semblent tout droit sortis d’un shonen d’action.
Et pourtant, on est dans un seinen.
Un seinen qui cache une véritable réflexion psychologique derrière ses personnages.
Il est intéressant de voir que les personnages majeurs d’Amer béton fonctionnent en duo.
Noiro et Blanko : le premier est téméraire et s’oppose frontalement au monde des adultes, le second est naïf et voit le bon en chacun.
Fujimura et Sawada, le duo de policier : le premier est un vieux flic rigoureux et le second est une jeune recrue excentrique.
Le rat et Kimura : le vieux Yakuza proche de la sortie et son jeune apprenti ambitieux.
Chacun est opposé et en même temps complémentaire.
C’est encore plus flagrant avec Noiro et Blanko qui sont comme les deux faces d’une même pièce.
L’un ne pouvant pas vivre sans l’autre. C’est d’ailleurs au final, le véritable sujet d’Amer Beton.
Une vision personnelle des liens familiaux
Taiyou Matsumoto est lui-même devenu orphelin et s’est retrouvé brutalement envoyé en foyer.
Cette expérience a fortement marqué une partie de sa bibliographie.
Comme il l’explique lui-même en interview, si Sunny est la retranscription réelle de ce qu’il a vécu à cette époque, Amer Beton en est une vision fantasmée.
D’ailleurs, comme expliqué plus haut, tout le manga est une version déformée de la réalité. C’est le regard d’un enfant qui se retrouve abandonné et qui ne peut qu’exprimer sa colère envers les adultes (ici à coup de barre de fer).
Une colère qui d’ailleurs augmente d’intensité au fil du manga.
On retrouve cette déformation dans la famille des deux orphelins.
Blanko et Noiro entretiennent un véritable lien fraternel même s’ils ne sont pas liés par le sang.
D’ailleurs, tout le reste de cette famille est fictif. Celui qu’ils appellent grand-père (plus comme un signe affectif) est un vieillard qui donne avant tout des conseils et met en garde Noiro sur ses actions.
Au final, ils se sont créés leur propre noyau familial.
A ce niveau, le manga peut se diviser en deux parties.
Sur la première, Blanko et Noiro vivent en autonomie.
Ils n’ont besoin de personne. Mais Noiro a une ambition (et une colère) dévorante qui met en danger Blanko.
Alors, quand il s’en rend compte, il décide l’abandonner pour le protéger de ses actions.
C’est ainsi que Blanko est récupéré par le duo de flic.
On retrouve ici cet esprit de foyer avec de nouveaux référents et une nouvelle vie.
Mais peut-il vraiment vivre sans ce frère adoptif ?
Un style graphique unique
Avec Amer Beton, le style de Taiyou Matsumoto s’affirme.
Original et aux influences multiples (il cite souvent Moebius), il se crée un univers et une patte graphique reconnaissables entre tous, se différenciant ainsi du moulin commun des mangakas.
Car Matsumoto, c’est un peu tout l’inverse de ce que l’on image des codes manga alors qui est celui qui les a le mieux compris.
Dans Amer Beton ( et ses autres oeuvres), les traits de vitesse sont peu ou pas présents.
Et quand ils le sont, leur traitement est moins rigide.
Il leur préfère une mise en page dynamique et des compositions en biseau ramenant du rythme et de la puissance.
La déformation fait partie intégrante de son dessin mais n’y voyez pas une errance technique.
Bien au contraire, son trait tout en fluidité est une merveille de technicité qui cache une maitrise de l’anatomie et de la perspective assez hallucinante.
C’est le genre de dessinateur qui ne montre pas qu’il sait faire alors qu’au final, il fait bien mieux qu’une grande majorité d’auteurs.
Les designs de ses personnages, même dans un récit qui peut paraître terre à terre, sont toujours originaux et participent à l’attachement que l’on a pour son univers.
En résumé
Amer Beton est une oeuvre essentielle.
Assez facile à aborder, elle possède de nombreux atouts comme des scènes d'action explosives et un dessin bluffant de maitrise.
Sans être l'oeuvre que je préfère de Matsumoto, Amer Beton est parsemé de nombreuses thématiques qui égraineront les futures oeuvres de l'auteur.