Mots Tordus et Bulles Carrées

Hana Thierry, les hirondelles et autres noms d’oiseaux (Touria Arab-Leblondel)

Depuis ma lecture d’Amour chrome de Sylvain Pattieu, je suis moins réticente à lire des récits réalistes, ancrés dans des décors de quartiers populaires, dont les personnages principaux sont des jeunes lycéens ou collégiens. J’ai moi-même vécu dans un quartier dit « difficile » et aiété élève dans un collège de ZEP. Je sais la diversité des populations qu’on y rencontre.
De toutes ces cultures, de ces langues et de ces traditions qui vivent ensembles au milieu des bâtiments gris (aux noms souvent ironiquement « poétiques » ou « verts »).
Je sais aussi la mixité, celle des quelques élèves venus des campagnes environnantes qui « débarquent » dans un monde pas toujours facile, avec des codes et un langage qu’ils apprennent vite à maîtriser.
Je sais aussi celle des enfants dont les parents sont d’origines différentes aussi.
Et enfin, je sais la place que les filles, les soeurs, les cousines et les mères occupent dans cette mosaïque.

Ces trois thématiques se trouvent justement réunies dans le roman de Touria Arab-Leblondel « Hana Thierry, les Hirondelles et autres noms d’oiseaux« . 

Mais qui est Hana Thierry ?

Hana est une jeune élève du collège François Mitterand.
C’est un établissement situé en plein quartier des Hirondelles.
Un quartier populaire fictif d’Angers dans lequel elle va grandir et découvrir qui elle est vraiment.

Car Hana a une histoire familiale multiple puisque sa mère est d’origine marocaine et son père français. Ses parents sont très attachés à cette mixité et ont voulu lui donner un prénom « universel ». Mais quand on porte le nom de famille « Thierry » au collège François Mitterrand, c’est plutôt « Hana Babtou » qu’on vous appelle. Surtout quand on ne vit pas aux Hirondelles, mais à Saint-Vincent-sur-Loire, dans un petit village près d’Angers. Et que quasiment tous les camarades d’école vont au collège privé pour éviter le collège « difficile ».

Hana va donc découvrir la vie du quartier et des habitants, à travers ses rencontres et ses amitiés du collège. Et notamment lors d’une sortie « nature » dans la forêt du château de Chambord pour écouter le brame du cerf. Mais aussi à travers l’histoire de sa mère qui a vécu aux Hirondelles quand elle était plus jeune et qui reste très liée à cette communauté. 

Un récit naturel et original

L’originalité de ce récit tient dans son naturel. Il n’est question ici ni de caricature ni de simplification, ni d’euphémisme ni d’exagération. L’écriture est fluide, les dialogues vifs et la narratrice porte un regard juste, souvent drôle, mais sans concession, sur les personnages qu’elle rencontre. De Zinedine, le relou, à Malik le rebelle, en passant par Manon, Zoulikhan et Solkem, des camarades bien loin des clichés sur les filles de « banlieue ».

Et puis, il y a les adultes de l’établissement. Florence, la professeur de SVT, Mme Alain en français, la CPE Mme Lecomte, Enzo le surveillant. Chacun à leur manière s’impliquent, font réfléchir et débattre leurs élèves. Ils ouvrent leur monde, parfois fermé, à la nature et aux cultures des uns et des autres. A l’actualité aussi puisqu’au moment où débute le récit, une jeune fille nommée Anna (au grand dam du personnage principal dont le prénom « Hana » est très proche) est harcelée et menacée de mort sur les réseaux sociaux après avoir critiqué la religion musulmane et tenu des propos islamophobes. La référence à l’affaire Mila est l’occasion dans le roman d’entendre toute la diversité des voix des élèves, de leurs ressentis. Cela permet aussi mettre en valeur la gestion par le collège de cette réalité polémique qui percute celle de leur quotidien.  

Pourquoi lire Hana Thierry ?

On sent donc, dans « Hana Thierry, les Hirondelles et autres noms d’oiseaux« , toute l’affection que porte l’autrice à son quartier angevin, celui de la Roseraie. Et à son ancien collège, le collège Jean Vilar, dans lequel elle a été élève. La référence initiale à une fresque intitulée « Yaye« , ce qui signifie « maman » en wolof, réalisée par le collectif La Douceur, un duo d’artistes angevins de street art, et créée à la Roseraie en 2020, place Jean XXIII, en témoigne.

 
Photo de Josselin Clair (Courrier de l’Ouest 14/10/2020) 

 On retrouve d’ailleurs cette fresque sur la 4e de couverture, aux éditions Milan, dans une illustration réalisée par Marta Orzel.

Par son originalité, sa diversité positive et ce naturel enthousiasmant, Touria Arab-Leblondel offre aux jeunes lecteurs (et aux plus grands) une fresque à la fois douce et énergique. Pleine d’humanité et de solidarité, elle porte en elle une confiance bienveillante dans la jeunesse

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(Mots Tordus)

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