Mots Tordus et Bulles Carrées

Là où règnent les baleines (Jolan C. Bertrand)

J’attendais avec une impatience non feinte le nouveau roman de Jolan C. Bertrand depuis ma lecture enthousiaste des Soeurs Hiver l’année dernière. Toujours généreuse en grands espaces et en créatures mythologiques, nous retrouvons donc l’auteur cette fois près de La Rochelle, sur une île perdue dans l’océan atlantique. Là où règnent les baleines est édité par l’Ecole des loisirs.

Roanne et le phare perdu

Roanne a tout gagné : non seulement elle va passer toutes ses vacances scolaire chez son oncle Kierzic qu’elle n’a jamais vu mais en plus il habite seul sur une île perdue, sans réseau. Et il n’est même pas là pour l’accueillir sur le quai de la gare.

En plus, il pleut et elle n’a pas son numéro de téléphone. Autant dire que son séjour est mal engagé !

Après avoir trouvé refuge dans un café (et accessoirement retrouvé son oncle), Roanne découvre l’univers dans lequel il vit : un gros caillou sur lequel est planté un phare abandonné, « le phare aux sirènes », au milieu de l’océan. Sans électricité. Avec pour seule compagnie une mouette et pour seule nourriture, du poisson… Du moins, c’est ce que croit Roanne.

Toujours avec beaucoup d’humour et de dramatisation adolescente, Jolan C. Bertrand plante son décor rude, humide et venteux, et surtout, elle donne vie à des personnages que rien ne semble lier en apparence.

Kierzic est bourru, habitué à la solitude loin des humains, et préoccupé par son phare. Il est étrangement absent et semble plutôt « encombré » par cette nièce qu’il ne connait pas.

Roanne, elle, cherche par tous les moyens à quitter l’île pour retrouver Paolo, son ami, qui va passer ses vacances dans le sud de la France. Elle préfèrerait s’entrainer aussi pour les compétitions de natation synchronisée. Parce que, même si elle aime l’eau, nager dans l’océan atlantique n’a rien de rassurant.

Et puis Kerzic est bien mystérieux, presque inquiétant.

« Comme le personnage du roman de Bram Stoker, elle était prisonnière dans un endroit glauque et flippant. Kierzic était son dracula, un hôte mystérieux qui faisait semblant de lui offrir l’hospitalité, alors qu’en réalité elle était son dîner ! »

Très vite, Kerzic et Roanne vont échafauder des idées préconçues et des jugements l’un sur l’autre, allant jusqu’à la caricature. Mais un appel venu de la mer va briser ces préjugés et leur révéler qui ils sont vraiment.

« Hééé ho ! »
Roanne dressa l’oreille. Cette voix… Elle venait de l’entendre dans son rêve. Mais ce n’était pas celle de Kierzic. On aurait dit…
« Hé ho ! »
– Une petite fille, souffla-t-elle en s’agrippant à la tête du lit.

Un royaume en danger

Là où règnent les baleines est une perle. Une perle brute qu’il faut aller chercher dans les fonds marins.

D’abord par la complexité de ses personnages et par les différents points de vue adoptés dans la narration. La lecture juxtaposée des chapitres racontés à travers les yeux de Roanne puis à travers ceux de Kerzic est jouissive, souvent drôle et surtout touchante. Car on découvre deux personnages qui ont certes beaucoup de caractère. Mais surtout que la vie a malmenés et qui souffrent d’un manque d’affection envers eux-même. Le dévoilement progressif du passé de Kerzic notamment remuera beaucoup les lecteurs.

Et ce décor ! La mer d’abord, tumultueuse et fracassante, les fonds marins aussi enchanteurs qu’inquiétants , l’île-rocher brute, à la fois prison et réfuge, le phare naufrageur… Jolan C. Bertrand, par ses mots, met en valeur leur force et en même temps leur fragilité. Car le monde marin est menacé par l’homme qui ignore la Nature et les êtres qui y vivent.

Enfin, et par-dessus tout, l’auteur redonne vie à ces êtres merveilleux qui peuplent les légendes maritimes. On admirera au fil des pages les descriptions pleines d’émerveillement et les douces illustrations crayonnées d’Hélène Let qui constituent le carnet au centre du roman. Au-delà de la réécriture, on découvre avec Roanne un peuple attentif, en harmonie avec l’océan, qui se trouve en grand danger à cause de l’Homme.

Car la portée du roman est vaste et universelle : s’y posent des questions écologiques et scientifiques mais surtout des questions d’humanité, de tolérance et de solidarité.

Pourquoi lire Là où règnent les baleines ?

Dans ce roman, le réel se mêle au merveilleux avec finesse et les lecteurs seront emportés avec Roanne dans cette aventure pleine de rebondissements et de surprises. Ils seront également émus par le destin de son oncle Kerzic. 

Tout le talent de Jolan C. Bertrand éclate (éclabousse devrait-on dire) et on se sent plus humain une fois le livre terminé. Avec l'impression de faire partie d'un tout. Un tout pour lequel il faut lutter et qui mérite qu'on le protège.

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