Le beau parleur (Teresa Radice / Stefano Turconi)

Vicente est de retour dans son village natal.
Accueilli par son jeune frère Pedro, il a à peine le temps de poser ses valises que celui-ci lui réclame le récit complet de ses aventures à l’extérieur.
Vicente sait que son arrivée risque de moins plaire à son autre frère José.
À la mort de leurs parents, c’est lui qui a pris en charge Pedro et ses deux soeurs cadettes alors que Vicente a préféré parcourir le monde.

Malgré tous les efforts de Pedro, une rancoeur persiste entre les deux frères.
Et ce n’est pas le vol de la barque de José par Vicente qui risque d’apaiser les tensions.

Road-trip entre frère

Voyage en terre inconnue

Le beau parleur est le dernier bébé du duo italien Teresa Radice et Stefano Turconi.
Après avoir exploré le terrain de la langue dans le sublime La terre, le ciel et les corbeaux,
ils nous emmènent en voyage dans les contrées amazoniennes.
La faune est d ‘ailleurs parfaitement retranscrite par le trait coloré et délicat de Stefano Turconi qui, comme à son habitude, nous gratifie d’un sublime travail graphique.
Les couleurs tantôt vives, tantôt chaudes retranscrivent à elles seules les moments de joie et de doute des deux frères.
Le dépaysement est garanti, même si la thématique du lien fraternel est somme toute classique.

Pedro admire son frère, voire il l’adule.
Il se l’imagine en baroudeur, écumant les ports et s’abreuvant de cultures aussi multiples que diverses.
Il s’est forgé l’image d’un frère digne des histoires dont il s’abreuve avec avidité.
D’une certaine façon, Vicente alimente cette légende en lui envoyant les cartes de ses destinations ou en lui ramenant ses livres tant convoités.
Pour Pedro, Vicente est son modèle, ce qui est d’ailleurs assez injuste pour José qui est le seul, en réalité, à assumer la charge familiale depuis la mort de leurs parents.

D’autant plus qu’on comprend assez rapidement que la vie de Vicente est en réalité très éloignée de la réalité.
Vicente est un beau parleur et les beaux parleurs mentent beaucoup… même à leur petit frère.

À travers cette relation, Teresa Radice développe un récit feel good non teinté d’une pointe d’amertume.
Les rapports entre Pedro et Vicente sont complexes.
Au final, Vicente est assez égoïste (et on apprendra pourquoi) et, même quand il accepte la présence de son frère à ses côtés, c’est avant tout pour le poursuivre lui-même.
Il a beaucoup de mal à écorner son image et même quand il avoue ses fautes, il les enrobe de mensonge.
Pourtant, Pedro est loin d’être un idiot… Loin de là !
Alors que Vicente ne fait jamais face à ses responsabilités et se comporte, au final, comme un enfant qui ne veut pas grandir, il oblige son frère à renoncer à son innocence.
Pedro comprend qu’en ne croyant plus aux histoires de son frère, il l’oblige à devenir adulte.

Malgré tout, Teresa Radice rend le parcours de Vicente attachant.
Si les choix sont difficiles à prendre, il prend une ultime décision.
La fin, ouverte aux interprétations, propose plusieurs pistes quant à sa destinée.
À nous, lecteur-rices, de décider si son histoire se termine bien ou non !

Vivre sa propre histoire

L’amour des livres

Le propos classique du titre pourrait décevoir.
Des histoires entre frère, on en a lu beaucoup et celle-ci ne sort pas vraiment du lot.
Malgré tout, les auteurs, comme à leur habitude, se servent avant tout de leur histoire pour pousser la réflexion de leur lectorat.

Par le biais de nombreuses parties de textes écrites par Pedro, Teresa Radice met en lien le lecteur avec l’écrivain.
Pedro est un jeune garçon avide de lecture.
Se plonger dans une histoire, c’est une façon pour lui de s’évader de la banalité de sa vie. Du moins la juge-t-il comme cela.
Sa dernière lecture, Le magicien d’Oz, va lui servir de fil conducteur et les réflexions de Dorothy vont l’amener à mieux comprendre sa situation.

Cependant, en agrémentant son récit des écrits du jeune garçon, Teresa Radice mélange les points de vues.
Si narrativement cet élément permet d’explorer en profondeur les ressentiments du jeune garçon, ces lignes nous convient aussi à vivre son aventure.
D’une certaine façon, Pedro devient l’acteur de sa propre histoire.

On pourrait même pousser le bouchon un peu plus loin.
Sur le dernier arc, les rebondissements deviennent plus « exagérés » et on pourrait très bien imaginer que Pedro lui-même enjolive les évènements pour rendre son histoire plus palpitante.
Après tout, il le proclame lui même. C’est un beau parleur.

Malgré tout, si le procédé est intéressant, il peut amener certaines lourdeurs et longueurs à un récit qui, sans doute, aurait mérité d’être un peu plus resserré.
Il n’empêche que ce beau parleur a beaucoup d’atouts dans sa poche

En résumé

Le beau parleur de Teresa Radice et Stefano Turconi s'annonce, au départ, comme un récit feel good sur les rapports fraternels. 
Entre adulation et mensonge, Pedro va apprendre à mieux connaître un frère qu'il adore malgré les mensonges qui ont construit sa légende.

Dans ce récit initiatique parfaitement illustré par Stefano Turconi, le jeune garçon est à son tour acteur de sa propre histoire.
Une histoire riche en rebondissement et en émotion, malgré quelques longueurs et un procédé scénaristique qui pourra en lasser certains.

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