1602, la fin du règne d’Elisabeth Ier approche.
L’Europe est frappée par d’étranges phénomènes météorologiques faisant craindre le pire à Stephen Strange, médecin et astrologue de la reine.
Au même moment, Virginia, accompagnée de son serviteur indien Rohjaz, est en route pour le royaume d’Angleterre.
Dans un monde où l’inquisition pourchasse les mutants, la jeune fille garde un secret qui pourrait bien tout bouleverser.
Le multiverse historique
le concept original de Marvel 1602
Marvel 1602 de Neil Gaiman et Andy Kubert sort en 2003 dans un contexte foisonnant pour l’écurie Marvel.
Joe Quesada, nouvel éditeur en chef, fort de son expérience sur le label Marvel Knight, compte réitérer l’exploit sur l’ensemble des séries.
Pour cela, il fait appel aux plus grands auteurs du moment et rêve de collaborer avec Neil Gaiman.
Le romancier anglais, créateur de Sandman pour Dc Vertigo, n’avait jamais travaillé pour la maison des idées.
Du coup, l’annonce de sa présence sur une mini-série aussi mystérieuse que celle-ci attise immédiatement la curiosité.
Surtout que Neil Gaiman n’est pas du genre à faire comme tout le monde.
Alors que les héros Marvel sont attachés à un environnement urbain, le scénariste prévient qu’il n’y aura rien de tout cela dans son histoire.
Et pour cause, en 1602 point de building ou autres véhicules motorisés.
L’auteur met en scène, dans un contexte historique bien connu (la découverte du nouveau monde, le poids de l’inquisition, le règne d’Elisabeth Ier), les premières apparitions d’êtres aux pouvoirs extraordinaires.
Malgré tout, si les identités sont bien connues, leurs rôles correspondent davantage à la période historique.
Simple multiverse historique ?
Neil Gaiman prévient : Marvel 1602 fait partie de l’univers classique.
Et la résolution de l’intrigue tentera de nous expliquer comment.
Les héros de Marvel en 1602
Pour croire en cette idée anachronique, il a fallu un énorme travail de recontextualisation.
Hors de question pour Neil Gaiman d’utiliser l’ensemble des héros Marvel.
Il a fallu faire un tri alliant popularité et cohérence avec l’intrigue.
Ainsi, si Peter Parker est bien présent, ne vous attendez pas à le retrouver en Spiderman.
Quant à Wolverine, héros ô combien populaire, on lui préfère Stephen Strange dont l’aura convient mieux au style du romancier anglais.
Et ainsi le sorcier suprême devient médecin de la reine alors que Nicholas Fury se transforme logiquement en informateur.
Une fois, les transposition établies, Neil Gaiman peut se concentrer sur son histoire en instaurant une ambiance de récit historico-fantastique enivrante.
Ce choix historique n’est pas qu’un prétexte et propose des bases solides à un auteur hautement inspiré.
Si certains trouveront le style littéraire de Neil Gaiman verbeux, on ne peut lui enlever un véritable talent d’écriture, donnant un souffle particulier à son récit.
Stephen Strange reste le personnage central mais de nombreuses intrigues gravitent autour de lui jusqu’à leur réunion sur un dernier arc foisonnant.
On passe d’un complot royal aux machinations d’un certain Victor von Fatalis qui semble n’avoir aucun opposant pour lui faire face.
On pourrait craindre certains errements dans ces différentes propositions et certains choix posent questions.
Cependant le déroulement global reste cohérent et amène vers un final assez inattendu.
D’ailleurs, la fin prête à discussion.
Est-ce que Neil Gaiman a réussi son pari avec Marvel 1602 ?
Sur le fond, il n’y a pas de doute même si on pourrait regretter quelques facilité sur la forme.
Reste que la symbolique est aussi puissante que surprenante, tout en mettant un point final à cet univers.
Enfin final… On sait bien que chez Marvel rien ne se perd.
La firme n’a pas mis longtemps pour proposer certains spin off plus ou moins dispensables, même si celui de Peter David a au moins l’avantage de combler certains trous.
Un duo indissociable
À priori, le style d’Andy Kubert n’est pas des plus appropriés pour ce type de projet.
Si le talent du fils de Joe Kubert n’est plus à démontrer, il se caractérise avant tout par un académisme graphique qui colle parfaitement aux codes du genre super héroïque.
Mais l’environnement historique voulu par Neil Gaiman de Marvel 1602 oblige le dessinateur à sortir de sa zone de confort.
Finis les costumes moulants et les immenses buildings et bonjour les vêtements amples et les voilures de navires anglais.
Or, de façon assez surprenante, Andy Kubert relève le défi haut la main.
Les designs de ses transpositions sont crédibles et immédiatement reconnaissables, sans tomber dans un simple copier-coller.
Il fait preuve d’inventivité et semble s’amuser avec ce décorum historique.
Cependant, l’auteur est un malin et trouve l’astuce parfaite pour s’épargner certaines recherches documentaires.
Si on se concentre sur les arrières plans, on remarque qu’ils sont peu poussés voire basiques.
Pour remplir les vides, il peut compter sur la participation de Richard Isanove, coloriste star qui, à son détriment, lancera la mode du coloriste peintre.
Par de multiples effets de style et une ambiance colorée massive, la couleur devient une part intégrante du processus créatif, allant jusqu’à remplacer celle de l’encrage.
Le talent de Richard Isanove est indéniable mais cette méthode ne fonctionne que si le dessinateur et le coloriste sont en osmose.
Ce qui est indéniablement le cas ici !
En résumé
Marvel 1602 de Neil Gaiman et Andy Kubert projette les plus grands héros de Marvel dans une période historique anglaise trouble.
L'oeuvre du romancier anglais est aussi complexe que riche : complots, inquisition et secrets cachés s'entrecroisent dans un récit aux multiples rebondissements.
La transposition est parfaite et regorge de quelques surprises inattendues.
Andy Kubert, en collaboration avec Richard Isanove, sort de sa zone de confort et s'amuse comme un fou avec une ambiance à l'opposé de ses travaux habituels.
Un multiverse historique passionnant comme on aimerait en lire plus souvent.
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