Carnage (Junji Ito)

Carnage est une anthologie d’horreur composée de 12 histoires aussi flippantes que dérangeantes.
Bienvenue dans le monde horrifique de Junji Ito !

L’horreur à la japonaise

Esprit, es-tu là ?

N’étant pas franchement un amateur de récit horrifique, il m’a fallu un peu de temps pour m’intéresser au travail de Junji Ito.
Comme beaucoup, je l’ai découvert tardivement avec son manga culte : Spirale.
Cette oeuvre fascinante pousse le concept de l’horreur géométrique à son paroxysme tout en flirtant joyeusement avec la série B.
Un véritable chef d’oeuvre du genre.

Depuis, je n’ai eu de cesse de rattraper mon retard jusqu’à cette dernière publication.
Ce qui nous amène à Carnage, une anthologie réunissant plusieurs nouvelles datant de 2002 à 2007.
L’ouvrage est une parfaite porte d’entrée pour découvrir l’univers déjanté du mangaka.
Les nouvelles sont diversifiées et de qualité égale, tout en donnant un bel aperçu de « l’horreur japonaise. »

À travers une douzaine de récits, Junji Ito explore le genre avec un ton unique.
Que la forme soit classique avec Le tumulte des eaux ou complètement barrée avec Stratophobie, le mangaka démontre qu’il mérite amplement le titre de « maître de l’horreur ».
En réalité, on ne tremble pas vraiment en lisant Carnage mais les récits piochent dans nos profondes terreurs.
Certaines explorent avec cynisme les failles de nos sociétés modernes.
Que ce soit notre rapport au corp, à la célébrité ou à la famille, Junji Ito pousse le curseur le plus loin possible sans chercher une quelconque morale.

Personnellement, Les damnées reste ma nouvelle préférée.
À travers le mystère de ces corps figés pour l’éternité, le mangaka interroge nos réactions face à l’inconnu.
Chose rarissime, le récit traite des répercussions, tout en gardant cette ironie constante sur la société japonaise.

Fin explorateur du monde qui l’entoure, il s’inspire de nos maux pour en faire émerger des visions cauchemardesques.

Un graphisme habité

L’horreur de tous les jours

Si la patte de Junji Ito fonctionne, c’est aussi grâce à un graphisme en osmose avec ses obsessions.

On retrouve des marqueurs forts dans son dessin.
Les personnages féminins, reprenant souvent les traits du personnage féminin de Spirale, sont toujours aussi hypnotisants.
Leur beauté et leur innocence contrastent avec les horreurs que cachent très souvent leur présence.
Le dessin du mangaka reste assez classique pour un seinen mais parfaitement maitrisé.
Les pages sont détaillées et l’encrage offre des jeux de matières par moment terrifiants.
Alors que le dessin de Junji Ito est plutôt réaliste, il n’hésite pas à exagérer le trait dès que l’horreur pointe le bout de son nez.
Les visages se déforment, les expressions deviennent quasi inhumaines pour mieux refléter l’irréalité de ce qu’ils vivent.

Sur Carnage, à l’instar de ses histoires, Junji Ito se montre inventif.
Une horde de chauve-souris, des humoristes démoniaques ou une bibliothèque maudite, la peur peut prendre n’importe quelle forme, de la plus banale à la plus extrême.
Et quand c’est extrême, on sent une véritable jouissance de la part de son auteur à créer des concepts complètement dingues.
Stratoptophie et ses corps en strates en est sans doute le meilleur exemple.
Dans l’ensemble, Junji Ito aime utiliser le corps humain comme un réceptacle horrifique.
À ce niveau, certaines scènes de Lipèdimie provoquent un léger écoeurement.

Or, si le dessin apporte ce recul nécessaire que le cinéma n’a pas forcément, il faut avouer qu’il est difficile de ne pas exprimer un frissonnement devant certaines images épouvantables de ce joyeux Carnage.

En résumé

Carnage de Junji Ito est une parfaite porte d'entrée dans le monde horrifique du mangaka. 

À travers 12 récits, l'auteur nous fait découvrir une gamme variée de dégoût et d'effroi.
Des chauves-souris assoiffées de sang, des humoristes démoniaques, une bibliothèque maudite ou des corps formés de plusieurs strates, tout est prétexte à la terreur.
Ainsi, à la manière des expressions déformées par la peur de ces personnages, Juni Ito pousse ses concepts à l'extrême, tout en ironisant sur les maux de la société japonaise.

Un auteur à découvrir qu'on aime ou non se faire peur !

Pour lire nos chroniques sur La cuisine des ogres et La photo qui tue

Bulles Carrées

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Aller au contenu principal