Le Grand Quand (Alan Moore)

Londres – 1949
Sans le sou, Dennis Knuckleyard vit sous la coupe de la bien nommée Ada « Crevarde ».
Quand cette dernière l’envoie récupérer plusieurs livres, il n’imagine pas que cet acte anodin va changer la conception même de sa vie.
En effet, dans cette liste se trouve un roman provenant du Grand Quand, un autre Londres caché aux yeux de tous.
Or, s’il veut rester en vie, il n’a d’autre choix que de ramener ce livre dans cette réalité.
Quitte à y laisser sa santé mentale !

Un univers parallèle et conceptuel

Quand on est amateur de bande dessinée et notamment de comics, Alan Moore est synonyme d’excellence.
Or, depuis plusieurs années, le prestigieux scénariste britannique n’a eu de cesse d’exprimer son désamour des comics.
Allant jusqu’à renier certains de ses travaux, il privilégie la prose comme nouvel écrin à son imagination débordante.
Rétrospectivement, La voix du feu est son premier roman. Mais, il amorce son retour avec un projet complexe, sans doute trop, qui en a laissé plusieurs sur le bas côté : Jerusalem.
De mon côté, si je voue une admiration particulière au bonhomme, je ne l’ai pas suivi dans cette aventure.
Puis Le Grand Quand est arrivé.
Ce roman n’a pas eu de réel écho médiatique mais l’avis dithyrambique d’Arno Kikoo de FirstPrint a achevé de me convaincre.

Et je ne m’attendais pas à me retrouver sur de la bonne fantaisie comme j’aimais tant en lire, adolescent.
Car, évacuons le sujet, Le Grand Quand est parfaitement lisible.
En réalité, la folie mystique d’Alan Moore fusionne avec une intrigue plus mainstream, rappelant l’ambiance de certaines oeuvres de Neil Gaiman, l’onirisme en moins, l’horreur en plus.
On y suit les pérégrinations de Dennis Knuckleyard embarqué dans une histoire qui le dépasse.
Dennis n’a rien d’un héros. Au contraire, il est d’une banalité déconcertante. Depuis la mort de ses parents, il est hébergé par une libraire peu commune : Ada « Crevarde ». Et on ne peut pas dire que cette dernière exprime sa joie de vivre au jeune garçon. Et encore moins à ses clients !
On a tendance à l’oublier mais Alan Moore peut faire preuve d’humour. D’ailleurs, au début de sa carrière, ses histoires en étaient remplies, à l’instar du délirant D.R. and Quinch.
Ada « Crevarde » est un peu le reflet de cette époque. Un personnage abject, à la diatribe grinçante qui, derrière ce cynisme constant, cache un brin d’humanité.
Cet humour « pince sans rire » est l’apanage de nombreux personnages qui s’amusent de la naïveté confondante du pauvre Dennis.

Le Grand Quand est un univers fascinant.
Cet autre Londres n’est régi par aucune règle et s’avère aussi dangereux que baroque.
Cet aspect, accentué par l’écriture d’Alan Moore, nous projette dans un décorum irréel où les escaliers-crocodiles côtoient des chats psychopathes (forcément).
De même, de simples concepts deviennent des arcanes, des entités surpuissantes d’une cosmogonie en construction.
Les personnifications de la Poésie ou du Crime hantent les rues de ce Londres mystique, laissant une empreinte indélébile sur ceux qui les croisent.
Les parties consacrées au Grand Quand sont sans doute les plus difficiles à aborder tant elles paraissent obscures, foisonnantes, horrifiques et percutantes.
Alan Moore ne donne aucune limite à ce cauchemar ambiant qu’on apprend à découvrir par petits bouts, tout en frémissant avec Dennis.

Hommage londonien

Loin d’être anodin, Le Grand Quand est le premier tome d’une série intitulée : Long London.
Et en effet, le récit d’Alan Moore est un hommage vibrant à la capitale britannique.
La ville panse tout juste les plaies béantes de la seconde guerre mondiale et commence sa reconstruction.
L’auteur n’oublie pas que les bombardements allemands ont ravagé Londres.
Et au commencement de cette histoire, elle en porte encore les stigmates.
Mais la ville semble renaître au fil des pages, retrouvant par certains côtés la grandiloquence de son lointain passé.

A travers son récit, Alan Moore nous fait visiter le Londres de cette époque. On y découvre des noms de rues, une vie de quartier et une population variée où un sorcier peut trouver sa place en dessinant des illustrations pour enfants.
L’auteur réfléchit à la structure de cette ville, explorant ses inégalités mais aussi le bouillonnement culturel empreint de longues soirées dans les bars.
On sent tout l’amour qu’il porte à cette ville cosmopolite cachant des secrets insoupçonnables.
D’ailleurs, l’édition en propose un plan et on peut s’amuser à orienter le parcours de Dennis au fil des noms cités.

En résumé

Le Grand Quand d'Alan Moore amorce le début d'une saga et d'un univers fascinants. 

Derrière la quête toute simple de Dennis Knuckleyard, Alan Moore crée un monde parallèle mystique où les concepts les plus fous côtoient les horreurs les plus concrètes.
Avec un humour pince sans rire réjouissant, l'auteur nous embarque dans cette aventure folle à la découverte de personnages charismatiques et d'Arcanes aussi effrayantes qu'intrigantes.
L'intrigue est prenante et multiplie les surprises, malgré une dernière révélation un peu plus prévisible.
Néanmoins, on garde en mémoire l'inventivité générale de ce premier volume nous ramenant sur les terres de la fantaisie et du fantastique.

A découvrir, qu'on aime ou non les comics d'Alan Moore.

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