Les songes du roi Griffu (Cyrielle Blaire / Mailis Colombié)

Comme de nombreux collégiens, c’est à l’adolescence, que j’ai découvert pour la première fois Le seigneur des anneaux de JRR Tolkien. 

Avec un certain recul, on peut se demander ce qui a pu tant enchanter un jeune lecteur dans cette trilogie avoisinant les 1400 pages. 

Je résumerais ça en un seul mot : l’évasion

Les grandes sagas d’Heroic Fantasy et leurs légendes glorieuses ont longtemps fait partie de mon quotidien et de McCaffrey à Eddings ou Zelasny, j’ai eu mon lot de fresques guerrières et de monstres légendaires.

Le genre a connu plusieurs heures de gloires, que ce soit en littérature, au cinéma ( merci encore un fois au Seigneur des anneaux ), en série ( et le succès incontestable de Games of thrones ) et, s’il est moins présent qu’il ne l’a été,  il reste toujours un pan important de la fiction adolescente et adulte ( et la future série Amazone Prime, encore consacrée à l’univers de Tolkien, démontre l’attrait du public pour ce genre de récits).

En BD, la fantaisie a eu ses grands récits ( la quête de l’oiseau du temps pour n’en citer qu’un ) mais le genre s’est vite attaché une réputation de récit facile, aux héros musclés et brutaux et aux jeunes filles aux courbes généreuses. 

Les songes du Roi Griffu de Cyrielle Blaire et Maïlis Colombié est tout sauf ça et, au contraire, renoue assez habilement avec la tradition du genre. 
Owen et sa soeur Pellah suivent la trace d’un homme ours mais leur quête les amène à faire face à ce monstre. Ce dernier enlève Pellah, sans que son frère ne puisse l’en empêcher.
Se sentant responsable, il décide de s’enrôler dans l’armée avec l’espoir de devenir un « hurleur » ( un chasseur d’ours ) et de retrouver sa soeur disparue. 
Dès le départ, le narrateur de l’histoire ( que l’on découvrira plus tardivement ) nous informe du destin d’Owen : il deviendra un grand héros du clan mais le choix du coeur l’amènera à prendre une terrible décision. 
La légende est ainsi lancée. 

L’univers de Cyrielle Blaire lorgne clairement vers le Moyen-Âge : roi , troubadours, château, nous sommes en terrain conquis. 
Pourtant, comme l’indique la couverture, le fantastique fait parti du paysage et peut surgir à tout moment. 

Homme-ours , dragon albinos ou mystérieux Tengus seront croqués par le trait acérés de Mailis Colombié. 
Un style graphique efficace, brutal et sec avec une gestion des aplats de noir qui donne l’impression d’avoir un mixe de Mignola avec du Tardi ( époque Adèle Blanc-Sec).
Les planches sont riches, les décors fournis et détaillés et les scènes d’actions merveilleusement exécutées. 
J’ai particulièrement apprécié le combat face à ce dragon au look particulièrement marquant.

Mention spéciale à Drac et son équipe qui, une nouvelle fois, réussit parfaitement à s’accorder à un dessin qui a besoin de simplicité au niveau des couleurs. 
Les teintes sont justes et les aplats sont au service de l’ambiance voulue par le scénario. 

Owen, dans ce premier volume, est encore un jeune garçon, un peu immature, ne se rendant pas vraiment compte des dangers qui l’entourent. 
Perfectible, il essaie de s’améliorer pour corriger sa faute originelle : la perte de sa soeur. 
Cela l’amènera à accomplir certains actes de bravoure mais avec les conséquences physiques qui peuvent en découler.
Comme les héros grecs d’antan, il lutte contre une destinée qu’on veut lui imposer ( imposée par la pythie mais aussi par le narrateur qui, dès le début, nous dévoile son parcours ).

Quoiqu’un peu en retrait pour le moment, on sent que plusieurs personnages féminins vont avoir une grande importance dans l’épopée d’Owen : que ce soit sa soeur Pellah dont la quête deviendra une obsession, Elaine la jeune princesse qui se rêve soldat ou cette étrange femme ours, chacune d’entre elles, impacte ou impactera le chemin de notre héros.
Est-ce qu’il faut y voir le signe d’une écriture féminine qui donne ce ton particulier ? 
Peut-être, même s’il faudra attendre la suite pour assister à l’évolution de ces jeunes femmes. 

Ce premier tome pose parfaitement les bases d’un univers solide et d’une fresque héroïque en devenir. 
Owen est déjà un personnage attachant avec des failles qui l’éloignent agréablement de l’archétype du héros. Si, pour le moment, les amateurs du genre se trouveront en terrain balisé, le rythme et les propositions de nos autrices ( scénaristiques et graphiques ) sont assez intrigantes pour qu’on ait envie de les suivre pour la suite.

A noter que la 1ere édition est complétée par un petit cahier graphique montrant la conception des personnages principaux ( petit bonus que je trouve toujours très agréable ).

Bulles carrées 

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