Mister Miracle (Tom King / Mitch Gerads)

Pour mettre un terme à la guerre opposant Néo Génésis et Apokolips, un échange d’enfants a lieu.
Orion est élevé dans la paix auprès des Néo-Dieux alors que le jeune Scott Free subit les tortures de Mamie Bonheur.
Après maintes tentatives, il s’enfuit sur Terre et prend l’identité de Mister Miracle : le maître de l’évasion.
En couple avec Big Barda, il sait cependant qu’on n’échappe pas à son passé car …

Darkseid est

Une guerre familiale

Une tragédie grecque

Les ravages de la guerre

Mister Miracle de Tom King et Mitch Gerads est le premier récit d’une longue série consacrée à la destruction/reconstruction de héros dit de « seconde zone », si ce terme a le moindre sens.

Mettant en scène Mister Miracle et sa femme Big Barda, le scénario s’ouvre sur une tentative de suicide.
Cet acte fondateur rappelle la tonalité de certaines tragédies grecques.
Une vision pertinente sachant qu’un lien a souvent été établi entre mythologie et superhéros à l’image du récent Wonder Woman : Historia.
C’est d’autant plus vrai avec les New Gods.
Ce conflit, dont on doit l’invention au génial Jack Kirby, oppose le peuple du Haut Père à celui de Darkseid dans un affrontement ancestral.

Tom King annonce la couleur dès la première page.
Les traumas du héros sont profonds et se retrouvent dans la plupart des aspects de sa vie.
Tout d’abord, dans une famille avec laquelle il tisse des liens complexes.
Entre un père qui ne l’a pas élevé et un demi-frère qui ne le comprend pas, les ressentiments sont nombreux.
Il faut dire qu’entre Orion et Scott, les plaies sont profondes.
D’ailleurs, le scénariste creuse dans la psychologie des personnages, ce qui lui permet d’aller plus loin en terme d’impact émotionnel.
Tout tourne autour d’une destinée à laquelle ils ne peuvent pas se substituer.
Sachant que seul le fils de Darkseid mettra un terme à sa vie, une question simple se pose.
Parle-t-on de son fils naturel ou de son fils adoptif ?

Scott se passerait bien de cette compétition à la destinée incertaine.
Mais on n’échappe pas à la guerre.
Ici, Tom King développe une de ses obsessions.
Scott Free et Big Barda sont avant tout des soldats combattant un adversaire maléfique.
On a inscrit cette bataille dans leurs éducations et elle fait irrémédiablement partie de leurs vies.
Cependant, les scènes de combats sont traitées avec froideur, sans embellissement particulier.

Comme toute tragédie, on redoute l’éternel recommencement.
Ce « Darkseid est » retentissant tout au long du récit se veut plus un avertissement qu’une menace.
C’est un fait et on n’y peut rien.
Alors que peut-on faire pour mettre un terme à ce conflit meurtrier ? Est-ce qu’un échange d’enfant n’est pas un mal pour un bien ?
Scott Free a appris à vivre avec cette question, sans y trouver la moindre réponse.

Ce qui l’amène à une radicalité facilement évitable s’il en avait juste… parlé à sa femme !

Un couple presque parfait

L’amour pour faire face à des liens familiaux troublés

Un personnage marque durablement l’esprit lors de notre lecture : Big Barda.
Leader des folles furieuses, elle a été élevée pour être une combattante hors pair au service de Darkseid.
Derrière ce physique hors norme, symbole de sa toute puissance, elle cache une véritable sensibilité.
La preuve en est : elle trahit tout ce qu’elle a appris à être pour l’amour qu’elle porte à Scott Free.

Big Barda est au fond l’archétype des femmes qu’aime mettre en scène Tom King.
Terriblement moderne, elle s’assume et se montre plus solide que son mari, même dans les moments les plus délicats pour elle.
Cependant, il ne faudrait pas croire qu’elle vole la vedette au héros de l’histoire.
Bien au contraire, avec Mister Miracle, Tom King a réussi à créer un véritable équilibre autour de ce couple.
C’est d’ailleurs ce qui les rend attachants.
Ils s’aiment profondément : naturels, drôles, pathétiques, touchants… ils sont tout cela et bien plus.

C’est peut être aussi pour cela que Mister Miracle reste, pour moi, le meilleur récit de Tom King.
Par la suite, il prolongera cet aspect avec des femmes usant parfois de manipulation comme c’est le cas dans Human Target.
Ici, ce n’est aucunement le cas.
Leur relation est naturellement saine et s’ils franchissent les obstacles, c’est main dans la main.
En effet, si la guerre bouleverse leur vie, elle ne la change pas. Il passe au-dessus et font avec, cherchant des solutions pour y remédier.

D’ailleurs, c’est la sincérité de cette relation qui résonne dans la colère de Big Barda quand elle revient sur la tentative de suicide.

Le retour du gauffrier

Gauffrier ou pleine page choc

Si Tom King a toujours été bien accompagné, Mitch Gerads est sûrement un de ses meilleurs associés.
D’une certaine façon, il me rappelle un peu le duo Brian Bendis / Alex Maleev.
D’ailleurs, dans le trait du dessinateur, on retrouve cet aspect photo réalisme dynamité par un encrage nerveux et sec.

Mais là où Mister Miracle force le respect , c’est dans sa méthodologie narrative.
Sur l’essentiel de l’album, hormis les scènes « chocs », Tom King impose une narration en gaufrier digne d’une bonne vieille bande dessinée franco-belge.
Et pas n’importe quel gaufrier : du 3 cases sur 3 lignes. Plus rigide que cela, tu meurs !
Un défi complètement hallucinant en sachant que le comics mainstream s’accommode davantage d’une narration explosive voire destructurée.

D’une certaine façon, c’est la forme qui impose le rythme de Mister Miracle, lui donnant un ton « faussement sérieux » mais aussi une imagerie particulière.
Et aussi incroyable que cela puisse paraitre, le défi est relevé autant sur les scènes intimistes que les scènes d’actions.
Mitch Gerads trouve d’ailleurs plusieurs astuces lui permettant de s’amuser malgré la rigidité de ce format.

Au final, derrière ce classicisme, se cache une véritable inventivité obligeant les auteurs à chercher des astuces pour se dépasser, sans pour autant perdre leur lectorat.
Mister Miracle étonne aussi pour cela.

En résumé

Avec Mister Miracle, Tom King et Mitch Gerads nous offrent un récit super héroïque original et poignant. 

Écrit comme une tragédie grecque, Tom King met en scène l'un des couples de super héros les plus attachants : Mister Miracle et Big Barda.
Par le biais d'un conflit ancestral, l'auteur développe des psychologies troublées par des rapports familiaux complexes et souvent irréconciliables.

Mitch Gerads met en scène l'intensité de cette vie dans un gaufrier impeccable symbolisant toute la difficulté d'être un couple en situation de guerre.

Prix et Récompenses

  • Prix comics de la critique ACBD 2019

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