Accompagné du jeune Panpan, Moon arrive à son but.
Perdu dans les contrées fantastiques d’Ombre, il affronte le dernier gardien dans un ultime combat.
Mais le héros ne fait pas le poids face au maître des lieux.
Sauvé in extremis par la mystérieuse Arès, il se réveille le lendemain amputé d’un bras.
La French Touch
Le manga « made in France »
L’ombre de Moon de Sylvain Ferret et Nevan est ce qu’on appelle dans le jargon un ManFra, un manga français.
Au vu de l’influence et du succès du manga en France, il était logique de s’intéresser plus en profondeur au phénomène.
Et comme il est difficile, pour ne pas dire impossible, d’intégrer le marché japonais, une vague d’auteurs s’est lancée dans une variation « à la française ».
Je ne suis pas vraiment grand connaisseur de ManFra.
Pour être honnête, j’ai même longtemps regardé cela avec une certaine défiance.
A quoi bon vouloir faire ce qui se fait bien mieux au pays du soleil levant ?
Malgré tout, certaines expériences, comme Lastman ou dernièrement Banana Sioule, ont proposé une véritable alternative française au manga.
Mais est-ce vraiment du ManFra ?
L’ombre de Moon pousse le concept bien plus loin, reprenant tous les codes graphiques mais aussi éditoriaux du manga.
On y retrouve le format, le style, le choix du noir et blanc et même le sens de lecture, ce qui parait comme une anomalie pour des auteurs français.
Mais qu’importe !
Totalement assumés, ils rétorquent, sous la voix de Panpan : « Ce livre est en lecture originale parce que c’est un manga en fait ! Vous avez encore besoin qu’on vous le dise !! »
D’un point de vue personnel, j’aurais aimé retrouver une touche frenchy mais ce n’était pas l’objectif.
Sylvain Ferret e Nevan revendiquent leur envie de faire LEUR manga et en réalité, L’ombre de Moon n’a pas à rougir de ce qu’ils proposent.
Une oeuvre peuplée de symbolisme
Sylvain Ferret n’est pas le plus connu des auteurs franco-belge.
Talion, sa bande dessinée précédente, était une proposition aussi ambitieuse que tortueuse, donnant envie de suivre son parcours.
On peut être étonné de le retrouver sur un projet aussi codifié mais ses inspirations parlent pour lui.
Passionné d’animation japonaise, il se devait de se frotter à un tel défi.
Ainsi, il nous raconte le parcours de Moon et de son acolyte Panpan pour quitter le territoire d’Ombre.
À première vue, rien de nouveau sous le soleil.
Certes, l’intrigue débute par l’échec du héros mais on reste, sur les premiers chapitres, un peu en dehors de l’intrigue.
Le ton, l’ambiance et même les personnages sonnent faux.
On fait face à des archétypes aux dialogues aussi creux que leurs historiques.
Et pour cause, on ne sait littéralement rien de Moon et Panpan.
D’où viennent-ils ? D’où se connaissent-ils ? Tout semble obscur et l’arrivée de la mystérieuse Arès n’arrange rien à l’affaire, même si elle amène un nouvel objectif.
Je ne sais pas si je suis le seul à avoir ressenti ce début de lecture ainsi mais je ne peux que conseiller une chose : persévérer !
En effet, Sylvain Ferret met en scène une histoire à double sens.
De façon primaire, on assiste à un enchainement de combats faisant évoluer le héros vers sa destinée finale.
Mais, l’ombre de Moon cache de nombreux symbolismes.
D’ailleurs, tout n’est qu’apparrence dans ce récit.
Du titre aux personnages et aux pistes dérobées, rien n’est laissé au hasard.
Il y a tellement d’éléments qu’au final, le lecteur averti saisira rapidement les intentions cachées mais qu’importe !
L’ombre de Moon dépasse le simple voyage initiatique pour s’attacher à la psychanalyse même de son personnage.
Plus que le combat final, ce sont les traumatismes et les erreurs passées de Moon qui percutent le récit jusqu’à sa conclusion.
Certes, la résolution est assez attendue.
Cependant si l’émotion est bien au rendez-vous , elle n’enlève rien aux fautes commises.
C’est sans doute la grande force du récit de Sylvain Ferret.
L’image héroïque de Moon tranche avec la réalité des faits et impose au héros de prendre enfin ses responsabilités et accepter sa « destinée ».
Une passion assouvie
L’ombre de Moon voit l’émergence d’un nouvel auteur en la présence Nevan.
Ne me demandez pas pourquoi mais j’étais persuadé que Sylvain Ferret s’occupait aussi de la partie graphique.
D’ailleurs, je pense qu’il s’est occupé de la couverture, tant on retrouve certains aspects de son style, notamment dans la colorisation.
Pour l’intérieur, le doute n’est plus permis, c’est bien Nevan qui hérite de la tâche.
Et franchement, pour un premier projet, le dessin est plutôt solide.
Une nouvelle fois, manga oblige, les codes graphiques sont omniprésents et rien ne déroge véritablement aux « règles » ou aux inspirations induites.
Même d’un point vue design, Moon est construit comme un archétype de héros shonen un brin ténébreux.
Mais, on le répète, les auteurs assument totalement leur envie de réaliser un manga donc il n’y a aucune discussion à avoir sur la vision adoptée, surtout qu’au final elle sert aussi la vision du scénariste.
Les planches sont vraiment belles.
Les scènes de combat sont amples et nerveuses, mettant de belles patates graphiques.
Bien sûr, on retrouve ici et là quelques hésitations anatomiques mais, dans l’ensemble, tout fonctionne.
Mon seul bémol reviendra aux effets grisés trop présents et étouffant, par moment, le dessin et la mise en page de Nevan.
En résumé
L'ombre de Moon de Sylvain Ferret et Nevan est un manga français intéressant.
Si le scénario de Sylvain Ferret désarçonne au début, l'évolution de l'intrigue et son attachement à la psychologie refoulée de son personnage principal devient passionnante.
Le dessin de Nevan reprend à la perfection les codes du genre.
Nerveux et dynamique, l'aspect graphique est un contre-emploi ingénieux au traitement psychanalytique du scénario.
Multipliant les symbolismes tout en offrant une bonne dose d'action, L'ombre de Moon mérite qu'on s'attarde sur sa lecture.
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