Alexandre Chardin est un auteur jeunesse qui a écrit des histoires qui ne m’ont jamais laissée indifférente. Je l’ai découvert lors du prix Latulu organisé par les collèges du Maine et Loire en 2022 dans lequel il concourait avec Pour en finir avec le Groc et, plus tard, avec Virgile ou le saut de l’ange. J’attendais donc avec impatience de découvrir un nouveau parcours de personnage adolescent fort. C’est chose faite avec Le Cri du corps, dévoré en seulement deux jours.
Le cri d’Adam
Adam a 14 ans et il a pris cher. À la suite d’une bagarre entre deux bandes rivales à coups de battes sur un terrain de foot, il est bloqué sur un lit d’hôpital.
Entre ces 4 murs blancs, il ne bouge pas. Il écoute, immobile, et s’attend à être interrogé par les flics à propos de sa participation à la rixe.
Les larmes de ma mère m’ont réveillé. Les bâtards ! Ils l’avaient fait venir pour me faire craquer. J’ai failli, mais si j’avais ouvert les yeux et dit à ma mère : « T’inquiète, je fais semblant » elle m’aurait raclé pour que je sois à l’hôpital pour une bonne raison.
J’étais coincé à l’écouter pleurer au-dessus de moi. J’avais mal pour elle.
Elle a essuyé une larme sur ma joue.
– Adam…, elle a dit.
Sauf que s’il croit jouer au « malade imaginaire », la réalité va le heurter de plein fouet et bouleverser sa vie : il est désormais tétraplégique. En effet, sa moelle épinière a été touchée assez haut dans sa colonne et il n’a plus l’usage ni de ses jambes ni de ses bras.
Cette réalité est si violente qu’il se refuse à l’accepter. Il rejette alors tout autant sa mère, sa soeur, l’infirmière et même son « frère » du quartier, Mouss, qui le soupçonne de se planquer et d’avoir balancé aux flics.
Et la faille est béante : il y aura un avant et un après. Avant et après le cri, ce cri qu’il va pousser en prenant conscience de son handicap et de ce corps qui ne sera plus jamais le même.
La fin d’un monde
Alexandre Chardin donne une voix percutante à Adam. Il lui offre la possibilité de se taire, de crier et de pleurer. D’aimer aussi.
Et c’est là toute la force de son écriture. Adam est brutal, dans ses mots et dans sa vision du monde. De son monde fait de défis et de violence qui ne laisse que peu de place à l’amour.
– Je lave jamais ma batte. Y a de la terre et du sang dessus. On est vingt du quartier sur le terrain, pareil chez eux. Ça commence comme ça commence toujours. Vingt pas entre nous. Des insultes et des trucs jetés pas trop fort pour pas partir trop vite. Faut laisser monter. Des pierres. Des boules de pétanue. Un qui fait le malin, genre il va venir et recule. Nous traite de tout. Les grands gestes, les feintes. On se marre, même. Le sang monte. Le coeur. On entend plus que lui. On vit à mort.
Et pourtant… Il y a évidemment sa famille. Sa soeur et sa mère qui ont cru en sa promesse de quitter la bande et dont les vies se retrouvent désormais complètement chamboulées par l’accident. L’une va devoir arrêter ses études et travailler pour aider financièrement sa mère. L’autre devra rester près de lui et mettre entre parenthèses sa vie personnelle et professionnelle.
Si Adam est agressif avec les aides-soignantes ou même avec Mouss, c’est évidemment contre la vie et contre lui-même qu’il est en colère. Comment accepter à 14 ans qu’on ne pourra plus jamais fouler un terrain de foot ou conduire un scooter et grimper aux arbres avec la fille dont on rêve ?
Alexandre Chardin sait trouver les mots justes pour dire ce cri qui monte et envahit le coeur d’Adam. Mais il sait aussi exprimer la tendresse d’une soeur ou d’une mère, la main d’une infirmière ou le sourire d’une jeune fille qui ne s’arrêtera pas aux apparences ni ne s’apitoiera sur son sort.
Malgré la noirceur et la tristesse, la colère et le sentiment d’injustice, Adam va reprendre en mains sa vie, autrement. Sortir de son enfermement. S’ouvrir vraiment aux autres. Réécrire son histoire.
Pourquoi lire Le Cri du corps ?
Dans le Cri du corps, Alexandre Chardin nous plonge dans la tête et le coeur d'Adam, une jeune devenu paraplégique à la suite d'une violente bagarre de quartier. Ses mots durs sont des coups mais ses larmes et sa fierté rageuses sont les ultimes marques d'un combat qu'il devra mener contre lui-même. Pour accepter son nouveau corps et avancer dans cette vie qu'il doit reconstruire. S'ouvrir aux autres aussi et réapprendre l'amour et l'amitié.
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