1, 2 et 3 sont les nouvelles créations de l’armée américaine.
Issus d’expérimentations animales, un chien, un chat et un lapin, armés jusqu’au dent, sont envoyés au front et font preuve d’une efficacité redoutable.
Mais quand le général apprend que Roseanne Berry, la scientifique en charge du projet, a doté ces créatures de bribes de paroles humaines, il met un terme à leurs activités et ordonne leur élimination immédiate.
Ce que refuse de faire Roseanne, en les libérant.
Sans forcément réaliser les dégâts qu’ils pourraient commettre.
La vision de Grant Morrison sur la maltraitance animale
Court mais brutal
On connait Grant Morrison pour ses scénarios tortueux, complexes, aux références pointues et aux multiples ramifications.
Pourtant, et au risque de décevoir une partie de ses fans, Il met de côté tout aspect alambiqué sur Nou3.
Et se concentre sur un récit plus brut de décoffrage, presque primaire.
À première vue, l’intrigue du scénariste anglais est assez basique.
Mais sa brièveté ainsi que sa radicalité impactent fortement le ressenti du lecteur qui a à peine le temps de souffler, pris dans cette course poursuite infernale et ultra violente.
Grant Morrison n’est pas du genre à lésiner sur les moyens et avec Nou3, il montre frontalement les dégâts même involontaires de ces pauvres créatures, qui ne cherchent qu’une chose : survivre.
La scène où, lors de leur fuite, ils se retrouvent à démembrer des lapins avec une sorte d’amusement purement bestial en est le meilleur exemple.
Avant d’être des armes surpuissantes, ce ne sont que des animaux qui ne saisissent aucunement la puissance qu’ils ont entre leurs pattes.
1, 2 et 3 , tels qu’ils ont été nommés par leurs tortionnaires, étaient des animaux domestiques, tout ce qu’il y a de plus commun.
Chien est le chef du groupe. Il est fidèle et ne cherche que l’approbation de ses maîtres.
Lapin n’est peut être pas le plus intelligent mais il se démarque par sa candeur alors que Chat déteste les humains et veut les voir, à raison, tous mourir.
Et c’est évidemment le plus dangereux du trio.
Derrière ce flot d’action, le message est clair.
La violence inconsciente de ces bêtes est avant tout un moyen pour Grant Morrison de dénoncer leur maltraitance.
Une maltraitance causée par une volonté, celle bien consciente d’humains qui ne voient en ces animaux que des objets.
La simple émotion d’un regard
Ce qui frappe dans cet album, c’est le contraste entre la brutalité d’1, 2 et 3 et l’émotion qu’on ressent pour eux.
En effet, le scénariste nous montre, de façon plutôt subtile, qu’ils ont été arrachés à leurs anciennes vies.
À aucun moment, on ne peut les considérer responsables de leurs actes et la sensibilité qui se dégage du regard du chien, la tristesse du lapin ou la colère refoulée du chat montrent qu’ils cherchent avant tout à être aimés.
De plus, le chien est persuadé, contrairement au chat, que quelque part il y a un humain qui les accueillera.
À l’opposé, Grant Morrison se montre assez critique avec notre propre espèce.
Le général de l’armée américaine est un calculateur aux décisions froides.
Sa première apparition est marquée par un sourire narquois qui contraste avec l’incompréhension du chien.
2 personnages sortent du lot.
Roseanne, libératrice mais aussi créatrice du projet, qui ne peut échapper à ses responsabilités.
Et ce SDF, un des rares êtres humains à éprouver une réelle compassion pour ces animaux.
Ce choix n’est d’ailleurs pas anodin de la part de Grant Morrison.
Qui mieux qu’un SDF, rejeté par la socièté, peut comprendre l’errance de ces animaux ?
Le talent rare et éclatant de Frank Quitely
Frank Quitely est un auteur aussi talentueux que rare.
Ce n’est pas la première fois qu’il collabore avec Grant Morrison mais après la modernisation des X-men et l’hommage ultra référencé à Superman, il était temps pour le duo de se lancer sur une création plus « personnelle ».
Si le scénario de Grant Morrison peut sembler moins ambitieux que ses travaux habituels, le dessin de Frank Quitely ne risque pas de décevoir .
Il participe pleinement au ressenti et à l’attachement que l’on éprouve pour les 3 animaux.
Les expressions oscillent entre réalisme et humanisation, donnant corps à leurs sentiments et à la souffrance qu’ils éprouvent.
La version « grand format » de Nou3 se clôturait sur un petit dossier explorant le travail graphique de Frank Quitely .
Entre les multiples croquis pour développer le design de 1, 2, 3, on s’arrêtera sur la méthode qu’il utilise pour parsemer son cadrage de petites cases.
Des petites cases qui donnent une impression d’instantanéité à son action, la rendant encore plus explosive et frénétique.
D’ailleurs, on se doit de citer le travail de Jamie Grant qui a la lourde tache d’encrer et de coloriser ce travail titanesque tout en gardant la finesse et la fluidité du trait du dessinateur.
Une parfaite réussite.
En résumé
Nou3 de Grant Morrison et Frank Quitely n'est sans doute pas l'oeuvre la plus ambitieuse du duo.
Cependant, derrière la violence de ce récit, se cache une critique acerbe de la brutalité humaine envers des animaux qui ne demandent qu'à être aimés.
Frank Quitely illustre à merveille leurs émotions sans en édulcorer l'agressivité et les dégâts qui en résultent.
Une oeuvre courte, radicale, sensible mais qui pourra en décevoir certain par sa simplicité.
Pour lire nos avis sur Darwin’s Incident et Le dernier roi des loups