Muriel Bloch est une conteuse dont le credo « Hélas donc en avant ! » correspond bien à ce conte de Bourgogne : Coassine. Edité dans un grand format par Magnard jeunesse et magnifiquement illustré par Régis Lejonc, on retrouve dans ce récit tout ce qui fait la gourmandise du conte. Une histoire d’amour contrariée, une marraine sorcière et une nature merveilleuse. Une musicalité aussi qui joue, avec humour, des présupposés et des surprises.
« C’était au temps des sortilèges »
Il se passe de drôles de choses dans la campagne bourguignonne.
C’était au temps des sortilèges. Un temps où les familles avaient souvent plus d’enfants qu’il n’y a de trous dans un tamis.
On raconte qu’une vieille femme s’en allait sur les routes des villages de Bourgogne à la recherche d’une filleule. Mais partout elle se faisait chasser.
Sauvagine, car c’est son nom, va de porte en porte pour proposer ses services de marraine. Or, une famille bien nombreuse peine à en trouver une pour son 12e enfant. Mais lorsque les parents découvrent cette vieille femme qui sent « la bique et le bois pourri« , ils refusent son offre.
Dès lors, le sort en est jeté : la petite, car c’est une petite, sera changée en grenouille et vivra dans une mare. Sauvagine concède cependant 3 voeux aux pauvres parents. Elle vivra dans un étang, elle aura le don de la parole et du chant, et surtout (merci grand-frère), un jour, elle rencontrera l’amour.
Coassine, la filleule-grenouillette, vit donc désormais au milieu d’un étang, entre les rainettes et les libellules.
Et cela lui convient. C’est là que le conte nous prend par surprise. Elle est heureuse dans cette nature accueillante et paisible. Elle va même rencontrer un jeune homme du nom de Jean, qui va prendre soin d’elle et l’installer chez son père.
L’histoire est lancée, le fil se déroule et les deux personnages vont devoir affronter de bien grands obstacles pour rester ensemble. Surtout quand on a la taille d’une rainette.
Le plaisir du conte
Muriel Bloch est avant tout une conteuse. En cela, l’oralité et la musicalité des mots et du récit sont primordiaux.
Elle veille à mener ses « spectateurs-lecteurs » tantôt en douceur, tantôt avec malice et soubresauts. Avec beaucoup d’humour également. Comme lorsque Sauvagine offre les 3 voeux aux parents :
Mais si vous l’aimez malgré tout, formulez donc trois voeux, je les exaucerai !
Le père s’écria aussitôt :
– Que ma fille ne grandisse pas dans la boue !
– Soit, dit Sauvagine, elle vivra dans un étang.
– Qu’elle cesse de coasser ! supplia la mère.
– Entendu, votre grenouille parlera.
Car la marraine-sorcière est un personnage particulièrement attirant. Sa laideur n’a d’égal que sa ruse et, finalement, sa bonté.
L’amour est ici aussi d’une pureté rare. Le jeune Jean s’attache à Coassine définitivement et ne transigera pas sur cette relation. Au-delà des différences qui séparent les animaux des humains. Au-delà même des richesses matérielles.
On applaudit ici les éditions Magnard jeunesse qui ont offert un grand format idéal aux illustrations de Régis Lejonc (et comment ne pas se dire que le nom de cet illustrateur était prédestiné à ce conte). Ses dessins sont fluides, les couleurs sont douces et naturelles, attirant l’oeil du lecteur-auditeur et l’accompagnant dans son voyage à travers le conte.
Et, encore une fois, c’est le personnage de Sauvagine qui est mis en valeur, avec ses cheveux hirsutes et son visage-écorce.
Pourquoi lire Coassine ?
Coassine est un album à mettre entre toutes les mains, tant pour son récit emprunt de sortilèges légendaires, de vie rurale et d'amour-humour que pour ses illustrations naturelles et précieuses. Muriel Bloch prend plaisir à nous conter cette histoire issue du folklore bourguignon dans laquelle la nature et l'amour font bon ménage.
Une ode à la détermination et au sentiment amoureux.
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